106 - AURONS-NOUS DU SOLEIL CET ÉTÉ ?
Un énorme trou a été découvert sur la couronne du soleil. Selon l’observation de la NASA, il s’agirait du plus grand trou observé depuis plus d’un an. Les trous coronaux sont connus pour être la source du vent solaire, un flux d’atomes et d’électrons s’échappant à grande vitesse du soleil, le long des lignes ouvertes du champ magnétique. Ces courants provoquent d’importantes tempêtes électromagnétiques et multiples les aurores boréales lorsqu’elles atteignent la planète Terre. Il est possible que ces perturbations provoquent quelques dysfonctionnements des GPS et téléphones portables au cours des prochaines semaines.
Voici ce que nous avons pu lire. Mais pourquoi donc le soleil se met-il dans cet état ? Qu’est-ce qui ne tourne pas rond ? A-t-il perdu son spectre ? Non, il est perturbé par les ondes mystérieuses qu’il reçoit de la terre et des hommes. En effet, les humains ne cessent de faire pression sur lui, de récriminer contre lui, de l’invectiver. Qu’entendons-nous : « Le soleil se cache derrière les nuages, il a peur. Il faudrait le réchauffer » et, suprême injure : «Cette année, il n’est pas brillant ». Et comme il n’est pas de bois, il est très sensible à ces manifestations de mauvaises humeurs ; en un mot, il en a gros « sur la patate » et ça lui fend le cœur.
Le soleil, m’a raconté ses états d’âmes :
« Pourquoi médire de moi ? Je ne me prends pas pour un roi. Vous, les humains, vous êtes très exigeants envers moi ; pourtant, je m’épuise pour vous. Chaque seconde, je transforme 564 millions de tonnes d’hydrogène en hélium et en énergie lumineuse. J’envoie cette lumière le plus rapidement possible, je darde sans tarder : 8 minutes et 19 secondes pour parcourir les 150 millions de km qui nous séparent, personne n’a jamais fait mieux ; il est vrai qu’il n’y a pas de radar dans l’espace. A ce rythme là, je ne survivrai pas longtemps, encore 7,6 milliards d’années à peine et j’aurai épuisé mon hydrogène, alors, j’exploserai littéralement : je deviendrai une géante rouge puis une naine blanche et enfin une naine noire. Ce qui me chagrine c’est que personne ne s’apercevra de ma disparition : nous sommes 250 milliards d’étoiles dans la galaxie. Si chacune était représentée par un cube d’un centimètre de côté et si nous étions empilées sur un terrain de football de 100 m sur 100 m, la hauteur de l’ensemble serait de 25 m, comme les tribunes du stade. Alors un cube en plus ou en moins…
Je n’éclaire pas seulement les grandes places et les immeubles de luxe, dans les sous-bois, je me faufile à travers les feuilles. Dans vos maisons, j’accepte de passer par les petites fenêtres, je me glisse dans les moindres interstices, je me penche sous les portes pour apporter de la clarté. Je dore votre blé, pour qu’il vous procure de l’argent. Pour ceux qui font la sieste, je pousse la politesse à me lever deux fois par jour. Bref, je vous apporte la joie de vivre.
Me rendant compte de la manière dont il s’acquitte de sa tâche sans jamais prendre le moindre repos, sans la moindre défaillance, je comprends désormais pourquoi le soleil présente des taches de sueur et de rousseur et pourquoi il manifeste ainsi son ras-le-bol par des éruptions violentes. Pauvre soleil ! Pourvu qu’il ne s’éclipse pas. Que ferions-nous sans lui ? J’essayai de le consoler comme je pus : « Vous êtes à l’origine de la terre, rien ne vous échappe, vous allez partout, vous en connaissez un rayon… ». Il reprit :
« Non, pas partout ; car, même vous, vous me cachez une partie de vous-même
Quoi donc ?
Votre ombre.»
Gérard
105 - COMMENT DEVENIR DEVIN ?
Par la mythologie grecque, nous connaissons la Pythie, prêtresse de Delphes. Elle rendait ses oracles une fois par an, assise sur un trépied au-dessus du gouffre d'où s'échappaient les exhalaisons nauséabondes et prophétiques. Eh bien, la Pythie exerce toujours ! Bien sûr, elle ne pratique plus son art en public ni dans un environnement « spartiate ». Elle prophétise dans un lieu secret (elle m’a interdit de le dévoiler sous peine de malédiction) dans le confort d’un salon fort luxueux. A peine avait-elle décroché le téléphone et avant même que j’ouvre la bouche, elle a accepté avec enthousiasme de donner une interview pour le site Murmure, «qui est remarquable, tonique et bienfaiteur » a-t-elle ajouté.
Au jour dit et à l’heure dite, je me suis rendu au lieu dit.
Quand je suis arrivé, elle était en train de dévorer un sandwich : « Voyez-vous, la Pythie vient en mangeant…. »
- « Comment avez-vous eu l’idée d’exercer ce… métier, cette science divinatoire ? »
- « Eh bien durant mes études, je suis tombée, par hasard, sur cette phrase de Pindare « Deviens, qui tu es ». Alors que mon esprit était plongé dans une grand perplexité, vagabondant entre aporie d’Aristote et dialectique hégélienne, mes yeux se sont tout à coup dessillés et j’ai lu « Devin qui tu es ». J’ai décidé de devenir la nouvelle Pythie, en m’affranchissant de la servitude des prêtres prompts à subtiliser les offrandes et à traduire mes propos d’une manière fantaisiste. »
- Vous avez sans doute suivi une formation car on ne devient pas Pythie ex nihilo ?
- Bien que Dea ex machina, je fus initiée toutes les nuits de pleine lune sauf quand Saturnait mal avec Pluton car en opposition à Mercure au chrome. Le chaman commençait à ses heures et son enseignement se terminait à dix heures de bonne aventure….
- Y a-t-il un « examen de fin d’études » ?
- J’ai subi des épreuves. Entre autre question, le jury composé d’incantateurs et de marabouts m’a demandé de décrire la réaction d’un homme qui rentrant chez lui, croit trouver sa femme endormie et découvre qu’elle a découché. Il fallait répondre « quand il vit le lit vide, il le devint ». J’étais assurément sur la bonne voie. A la fin, au moment de m’introniser, je fus conviée à une libation et j’ai compris que je pouvais désormais me livrer à la divination sans retenue quand l'hiérophante (le grand prêtre) m’a dit : « Maintenant, tu peux boire ton verre, devin ».
J’ai voulu « testé » la pertinence de ses oracles. Avant même que j’ouvre la bouche, sans même avoir pris le temps de lui poser mes questions, elle m’a répondu :
- « Oui »,
- « Un pamplemoussier thaïlandais »,
- « Sarkozy »,
- « L’arachnoïde cérébral et le beaujolais nouveau »,
- « Tombeau ouvert ».
Extraordinaire, fantastique, époustouflant !!!
Non seulement, elle avait déclaré « Oui » à la première question – ce qui est déjà fort surprenant et ouvre des perspectives insoupçonnées – mais elle en avait deviné la teneur ! Il en était de même pour les quatre autres interrogations ! Seule une Pythie authentique est capable de saisir les questions sans qu’il soit nécessaire de les formuler à haute voix. C’est proprement fabuleux !
Gérard
104 - LOUER DIEU
Bonjour Cher Ange Gardien. Je voudrais louer Dieu.
Ce n’est pas possible ; durant le mois de mai, il y a trop de jours fériés et l’on a décidé de fermer « boutique » pour la totalité du mois.
On ne peut louer Dieu en mai ? Vous m’envoyez au diable ! Pourtant « en mai, fais ce qu’il te plaît »
Peut-être. Mais depuis longtemps, Dieu a pris l’habitude de se reposer tous les sept jours, de plus, il s’octroie les jours fériés et il fait tous les ponts possibles (Dieu unit, il ne divise pas). Effectivement, en mai, Dieu fait ce qu’il lui plaît : il prend des vacances.
Quel est le prix à payer pour louer Dieu ?
Dieu est impayable surtout depuis que le Verbe s’est fait chair…
Ne pourrait-il pas y avoir une « dé-rogation » ? Je n’accaparerais Dieu que très brièvement, je suis entraineur de l’équipe de foot de mon village et dimanche, nous avons un match difficile et si Dieu est avec nous, non seulement nous allons gagner mais monter en division supérieure.
Dieu n’est pas un gris-gris que l’on met dans sa poche pour qu’il porte bonheur.
Il y a maldonne. Quand je parle de louer, c’est chanter les louanges, encenser, exalter, célébrer.
J’avais bien compris. Ces concerts de louange agacent le Très-haut « ce peuple n’honore des lèvres mais son cœur est loin de moi »
Je vois que vous connaissez les prophètes.
Et pour louer Dieu, il faut s’inscrire.
Vraiment ?
Eh oui, il y a trop de vaines louanges ; préalablement, il y a une sélection à l’entrée, ce qui permet aux vrais adorateurs de se frayer un chemin jusqu’au ciel sans encombre, ainsi le but est plus sûrement atteint. De plus, pour louer Dieu, il faut un prie-Dieu.
C’est nécessaire ?
C’est indispensable. Le prie-Dieu permet au corps de se mettre en présence de Dieu.
Je n’ai pas de prie-Dieu.
Alors, louez-le !
Gérard
103 - DENT DE SAGESSE
Bonjour, Monsieur le dentiste, je souffre d’une dent.
Nous allons regarder cela, ouvrez la bouche.
D’accord mais j’emprunte l’invitation d’Athalie, dans la pièce de Racine : « Venez dans mon palais, vous y verrez ma gloire »
Effectivement, c’est la gloire ! Vous n’avez pas besoin d’aller en Suisse pour échapper à l’impôt sur la fortune. Tout est dans les dents. Mon Dieu, que d’or, que d’or !
Mais ma richesse est toute intérieure.
Pourtant, je vois une dent de sagesse fort abîmée ; vous avez une dent contre quelqu’un ?
Oui, contre le fisc.
A ce petit jeu-là, vous avez perdu d’avance, vous allez vous casser les dents y compris celles de sagesse.
Ne vous en faites pas pour moi, j’ai la dent dure et la langue bien pendue. Oui, je ne mâche pas mes mots : je suis persécuté par le percepteur. Il est persuadé que pour m’enrichir, je mange à tous les râteliers et il veut me faire mordre la poussière.
Laissez tomber ! Vous n’avez rien d’autre à vous mettre sous la dent ? Vous devriez plutôt croquer la vie à pleine dent, c’est tellement plus agréable surtout quand on a, comme vous, les dents longues.
Que voulez-vous, j’ai de l’ambition, je ronge mon frein et, pour arriver, je mets les bouchées doubles.
Revenons à votre dent de sagesse, je vais faire un plombage.
Surtout pas ! Quand j’ouvrirai la bouche, les copains vont croire que tout l’or de ma bouche a fondu, ils diront, en reprenant les vers d’Athalie : « Comment en un plomb vil l’or pur s’est-il changé ?
Alors que dois-je faire ?
Une couronne. Une couronne en or.
Ce sera alors le sacre de la sagesse…mais évitez les bains de bouche.
Pourquoi ? Ils me mettraient sur les dents ?
Non, mais vous feriez accourir les orpailleurs.
Gérard
102 - CASQUETTE
Tiens, tu n’as pas ta tête habituelle, tu es tout drôle.
J’ai perdu ma casquette, ce n’est pas drôle.
Comment est-ce arrivé ?
Je l’ai oubliée chez un ami avec lequel je parlais à tête reposée…et la casquette est tombée je ne sais où.
Ce n’est pas grave, tu la retrouveras.
Non ! C’est comme si j’avais un peu perdu la tête. Je dois en faire mon deuil.
Tu seras dans le vent.
Tu parles ! Tu me fais déjà dresser les cheveux sur la tête. De plus, je vais m’enrhumer.
Nous arrivons à la bonne saison, tu n’auras même pas froid aux yeux.
Sans ma casquette, je me sens désemparé, comme presque nu. Je n’ai pas plusieurs casquettes à porter.
Eh bien, tu n’auras plus la grosse tête.
Ne te moque pas de moi, j’en ai par dessus la tête de cette casquette.
Tu devrais t’en acheter une autre.
Pour casquer ? Non. Elle est unique ; c’est ma femme qui me l’a confectionnée avec une grande visière pour « que je vois plus loin que le bout de mon nez » et elle est rembourrée pour « que je me mette un peu de plomb dans la cervelle »
Elle ne va quand même pas te faire porter le chapeau ?
Tu ne la connais pas, elle va me le faire avaler.
Gérard
oOo
101 - SITES DÉSOLÉS, SOYEZ CONSOLÉS !
La situation générale n’est guère brillante et incline au pessimisme. Même la nature semble se mettre au diapason : pluies récurrentes, brouillard tenace, froidure inhabituelle. Malheureusement, et personne n’en parle, il y a pire ; la vérité est difficile à dévoiler : il existe des endroits maudits où le malheur règne en maître, où jamais personne ne s’aventure. Tel est le sort cruel des sites désolés. Leurs reliefs accidentés les font souffrir de mille maux, leurs étendues tourmentées leur donnent un aspect sinistre. Dans ces lieux, le ciel est toujours d’humeur sombre et le matin comme le soir semblent broyer du noir. Leurs habitants se terrent et le chagrin réduit leur peau comme celle d’une pomme ridée. Même le courrier reste en souffrance. Les saules pleureurs dont certains sont très abattus parachèvent ce tableau funeste.
Voulant redonner le moral à tous, le gouvernement a décidé de lutter contre la morosité ambiante en s’attaquant à toutes les causes du découragement qu’elles soient économiques, sociales, culturelles, spirituelles ou environnementales. C’est ainsi que de vastes travaux sont entrepris pour redonner aux paysages leurs aspects riants qu’ils n’auraient jamais dû perdre. Le préfet chargé d’exécuter les ordres a enjoint aux responsables locaux d’agir rapidement : « Qu’attendez-vous pour consoler ce paysage affligé, ce panorama accablé, ce site défiguré ? »
Il faut croire que l’imagination est au pouvoir. Bien vite les élus dressèrent un état des lieux et prirent des mesures efficaces :
- Remonter la pente de plusieurs dizaine de mètres afin d’obliger les habitants à redresser la tête.
- Supprimer les stations du chemin de croix et les calvaires.
- Tarir la source des larmes en entourant d’une palissade les saules pleureurs, de façon qu’ils soient moins seuls et qu’ils se sentent ainsi réconfortés.
- Cultiver la reine des prés, puissant analgésique naturel, pour soulager les blessures des reliefs accidentés.
- Mettre des rosiers devant les portes et les fenêtres pour que les habitants voient la vie en rose.
- Partout où cela est possible, planter du charme.
Maintenant le site est classé, il mérite le détour. Mais, comme tout n’est jamais parfait, les touristes doivent désormais se tenir sur leur garde car ils courent un grand danger : celui d’être frappé par le pittoresque.
Gérard
oOo
LE CENTIÈME
Non je n’y arriverai pas
Ne perds pas ton sang-froid, avance sans te presser et sans t’en faire une montagne.
Cette histoire, je ne la sens pas
Pourtant il faut que tu l’écrives sans faute.
Je me fais un sang d’encre
Bon sang de bon sang ! Tu te sens mal ?
Je me fais du mauvais sang
Tu ne vas pas nous laisser tomber.
Je suis aux cent coups
Détends-toi, fais les cent pas.
Je suis sans inspiration
Sans aucun doute ?
C’est terrible, on ne peut rien faire sans effort.
Eh oui, même pour une blague à cent balles
Ce n’est pas vingt fois mais cent fois sur le métier qu’il faut remettre son ouvrage
Trouver cent malheureux mots, ce n’est quand même pas la mer à boire.
Non, c’est sans rémission, j’abdique
Surtout pas, tu touches au but.
J’arrête car je sue sang et eau
Ca y est, tu es au bout de tes peines, tu viens d’écrire ton centième récit « A contresens »
Gérard
99 - SPÉCIAL CONCLAVE,
UNE INTERVIEW EXCLUSIVE DU SAINT-ESPRIT
- Merci Esprit-Saint de nous consacrer quelques instants de votre précieuse éternité. Le conclave qui doit élire un nouveau pape va s’ouvrir ; vous en êtes le principal artisan, dans quel état d’Esprit abordez-vous ce grand moment ?
- Difficile ; pour le Saint-Esprit, un conclave, c’est épuisant. Bien sûr, quand un pape meurt, il faut le remplacer mais désormais, si les papes se mettent à démissionner, où va-t-on ? Comme si je n’avais rien d’autre à faire. Déjà en 78, deux convocations… heureusement que Jean-Paul II a tenu le coup pendant presque 27 ans, j’ai eu le temps de souffler mais je ne suis pas encore complètement remis du conclave de 2005 et dire qu’il faut repartir… pourvu que l’élu n’ait pas d’état d’âme et ne démissionne pas au bout de 15 jours.
- Pourtant, pour vous, un conclave est gratifiant, vous êtes attendu, invoqué, célébré. Les cardinaux pénètrent dans la chapelle Sixtine en chantant le « Veni Creator ».
- Les cardinaux sont un peuple dur à la nuque raide, nullement réceptifs à mes inspirations, à beaucoup, la barrette leur est montée à la tête. Croyez-en mon expérience, il est plus facile de prêcher dans le désert qu’au Sacré Collège même enfermé dans la chapelle Sixtine.
- L’élection d’un pape c’est quand même une grande affaire pour le Ciel.
- Faut relativiser. Vous savez le pape n’a pas beaucoup de pouvoirs : pas facile de se frayer un chemin entre les arcanes du droit canon, les manigances de la Curie, les querelles des théologiens et la pression médiatique internationale.
- Dans ces conditions, faut-il encore un pape ?
- Dans le contexte actuel, je pense que oui. Le pape reste un ultime recours. L’humanité a faim et pas seulement de nourritures matérielles, les hommes sont désorientés, les cœurs crèvent de solitude. Tout le monde court après je ne sais quoi, chacun veut se protéger contre un ennemi imaginaire, les peuples ne trouvent plus les traces de la sagesse. Comment ne pas êtes pris aux entrailles devant un tel désastre ? Pourtant, un phare existe : c’est la lumière divine. Il appartient à l’Eglise de la révéler, pas seulement au pape. Il a un rôle à impulser mais c’est aux chrétiens de refléter cette clarté.
- Saint Esprit, qui allez-vous soutenir ?
- Je suis le soutien des faibles, pas celui des entêtés. Seuls, deux cardinaux feraient honneur à la papauté car ils ressentent en eux-mêmes, les affres de l’existence des hommes, il leur a été donné la vertu de compassion : HR et JS (1). HR jouerait à fond la collégialité. Il a pris conscience du caractère dramatique de la chute du nombre de prêtres. Très vite, il prendrait une décision spectaculaire : il offrirait la possibilité aux évêques d’ordonner des hommes volontaires pour que le peuple ne soit pas privé du pain de l’Eucharistie. Ces bénévoles exerceraient leur ministère à temps partiel, tout en continuant leur métier et leur vie de famille. Puis, dans un deuxième temps, des femmes pourraient être ordonnées.
- Voilà qui est intéressant.
- Ensuite il dissoudrait le collège des cardinaux qui ne sert à rien. Les princes de l’Eglise, les très révérends Seigneurs, Eminentissimes cardinaux ? Du balai ! L’élection du pape se ferait par tous les évêques.
- Les réunir à Rome, ce n’est pas facile.
- Et les SMS ? Le vote électronique à distance ? Cela aurait plus d’allure que le jeu des fumées blanches ou noires qui rappelle les tribus indiennes. Pour plus tard, je souhaiterais que tous les baptisés soient électeurs, mais cela n’engage que moi, ne le répétez pas.
- Et JS que ferait-il ?
- Là encore une décision rapide et étonnante : au lendemain de son sacre, il se rendrait à Bethléem, inviterait tous les représentants des autorités morales et spirituelles à se joindre à lui pour entamer une grève de la faim jusqu’à ce que tous les pays renoncent à l’arme nucléaire.
- Lequel des deux sera élu pape ?
- Ni l’un ni l’autre. Les cardinaux ont bien trop peur de l’aventure.
- Alors MG ou TH ?
- Hélas ! Je ferai tout pour m’y opposer mais le Saint Esprit n’est pas maître du vote des cardinaux. Beaucoup sont résignés : « l’Église en a vu d’autres » disent-ils. Certains, complètement embourgeoisés, ont perdu la foi et surtout la vaillance.
- Mais alors si vous ne pouvez intervenir…, excusez-moi de vous poser brutalement la question : à quoi servez-vous ?
- J’ai évidemment carte blanche, Dieu Merci ! J’agirai en deux temps : j’essaierai de favoriser DJ ou RX qui n’ont rien de transcendant mais qui sont à l’écoute de la détresse des hommes d’aujourd’hui et ouverts à l’Esprit…et ce sera aux chrétiens de les réveiller pour qu’ils réagissent.
- Comment cela ?
- Eh oui, il existe des femmes et des hommes extraordinaires remplis de bonté et de clairvoyance, des laïcs étonnants partout dans le monde qui discernent les signes des temps. Ils sont des milliers, des millions. Je les inspirerai pour qu’ils interpellent le pape de toutes les manières possibles, y compris par des manifestations, afin que les réformes nécessaires soient mises en œuvre.
- Merci Saint-Esprit. Que Le Très-Haut vous garde car nous avons encore beaucoup besoin de vos Conseils.
(1) Afin d’éviter d’éventuelles poursuites, nous ne donnons que les initiales en lettres codées, nos lecteurs comprendront très vite de qui il s’agit.
Propos recueillis par Gérard
98 - ARRÊTER LES COMPTES
- Bonjour, Monsieur le commissaire, vous avez convoqué la presse ?
- Oui, je dois vous dire que j’ai arrêté les comptes, vaste entreprise ; je les ai mis en examen, ils sont clôturés, je vous présente le bilan et le résultat.
- Qu’ont-ils à se reprocher ?
- Certains travaillent à leur propre compte et se divertissent à bon compte. Beaucoup fréquentent les débits… vous voyez ce que je veux dire et ce n’est pas étonnant si plusieurs d’entre eux présentent souvent un compte rond du matin au soir. D’autres, n’accordent pas beaucoup de crédit à leurs semblables. Ils doivent rendre des comptes.
- Comment avez-vous procédé aux arrestations ?
- Pas compliqué, vous vous présentez et vous dites : « A moi, compte deux mots. Je vous arrête »
- Ils n’ont pas cherché à fuir ? Certains sont pourtant des comptes courants.
- Il faut procéder avec astuce, vous bloquez le compte et vous lui dites : « Votre compte est bon » il se croit en règle et de cette manière vous soldez son compte. J’ajoute que d’autres cherchent à nous apitoyer : « Je suis un pauvre compte joint, il m’est difficile de joindre les deux bouts ».
- Et alors ?
- Même si c’est monnaie courante, de prime abord, il est difficile de s’en rendre compte. Mais dans ce cas, il ne faut surtout pas s’en laisser compter.
- Et si ce n’est pas un compte d’exploitation mais un compte d’apothicaire que vous avez arrêté.
- Impossible, on ne nous prend pas pour argent comptant Allez, je compte sur vous pour relater cette conférence avec objectivité.
- Bien, Monsieur le commissaire…aux comptes.
Gérard
97 - CHAMP D’HONNEUR
Cherchant un but de promenade, je décidai de me rendre au champ d’honneur. Une fois sorti de la ville, je partis en campagne d’une allure martiale, pensant arriver triomphalement au champ d’honneur.
Le champ d’honneur est d’un accès difficile : il faut sortir des sentiers battus pour prendre ceux de la guerre, suivre les lignes de démarcation, fouler les voies de la discorde et gagner enfin le champ de bataille. En face de celui-ci, on tombe sur le champ d’honneur.
Un portier est là, muni de sa clé, la clé des champs. Après avoir tâté le terrain, il faut lui montrer patte blanche car on n’entre pas au champ d’honneur comme au Panthéon. Il ouvrit les hostilités car d’après lui, mes mains étaient maculées d’un sang impur ; je lui jurai sur l’honneur que j’étais bien un enfant de la patrie et lui montrai mes faits d’armes, en vain. Le garde me déclara inconnu au bataillon et m’ordonna de partir sur-le-champ : mon jour de gloire n’étant pas arrivé. Je ne voulus pas livrer un combat d’arrière-garde car il avait l’avantage du terrain, mais je l’apostrophai sur la tenue désarmante du champ d’honneur : il était en friche. Il me répondit qu’il s’en « frichait » comme de l’an 40 et me fit un bras d’honneur.
Dépité, je regagnai alors le terrain d’entente qui mène à la paix des champs. Roulis dans ma tête, houle à l’âme ? Sans doute ; je crus pourtant percevoir le bruit apaisant de la mer d’autant que je longeais un terrain vague. Ce qui me fit marrer !
Gérard
96 - C’EST UNE HONTE
Oui, je n’ai pas peur de l’affirmer haut et fort, en employant ce mot qui pénètre jusqu’aux jointures et moelles : c’est une honte !
Ce n’est pas une petite honte vite bue, vite absorbée, vite éteinte ; non, c’est une honte qui étale cyniquement son impudence, qui prend aux tripes et qui arrache le cœur.
Mais que font les pouvoirs publics ? Que les honnêtes gens soient blessés dans leurs convictions les plus profondes sans qu’un seul geste soit accompli, un réconfort apporté, un viatique envisagé, voilà qui dépasse l’entendement ! Qu’attendent-ils donc pour réagir ? Que l’opprobre s’ajoute à l’ignominie, que le désastre se transforme en débâcle, que Satan lui-même, se tienne les côtes à force de se réjouir et de rire de cette abjection ?
Devant les carences officielles, heureusement quelques personnes responsables, jamais défaillantes, toujours éveillées, ont décidé de s’insurger ; petitement, patiemment, courageusement, elles ont levé le voile, mis leurs larmes en jachère, érigé des digues, construit des murets pour que jamais, oui, pour que plus jamais, on ne dise, c’est une honte.
Personnellement, je n’aurai de cesse de clamer à cor et à cri, même si c’est à tort et à travers, que c’est une honte de voir une pareille honte.
Gérard
Inutile de préciser le sujet qui m’échauffe l’esprit, tout le monde le connaît ; écrire ses lettres hideuses pour qu’elles s’étalent sans vergogne sur cette page verserait encore plus de fiel sur mon âme.
95 - DOUCE ÂNÉE
Lors du changement d’année, la Saint Sylvestre est généralement bien arrosée, et les bouches pâteuses et ensommeillées célèbrent le « Nouvel An » avec une intonation particulièrement dans la voix en appuyant fortement sur le «an» surtout en Franche-Comté, ce qui laisse entendre «Bonne an-née». Ce mot « année » déjà écorché phonétiquement se transmute lexicalement et devient « ânée » signifiant la charge d’un âne.
Souhaiter une bonne ânée est donc particulièrement malvenu : le fardeau à porter est déjà suffisamment lourd et le destinataire de ce drôle de vœu aura l’impression que l’on crie haro sur le baudet ! Si notre ânée augmente (même d’une unité), nous allons ahaner sous le poids. D’autant que si l’on fléchit sous l’ânée, il est inévitable de ployer sous le joug et de courber l’échine, donc de se planter une épine dorsale dans le pied.
Si l’on doit néanmoins célébrer une nouvelle ânée, formulons des souhaits en évitant de coiffer un bonnet d’âne car de l’ânée à l’ânerie, il n’y a qu’un pas que certains franchissent au pas de charge …. Que cette ânée soit légère, presque insignifiante ! Tout juste, demandons qu’il nous soit donné du son sans avoir à faire l’âne.
Cette année, nous savons que des âneries seront proférées à gogo, brayant à qui mieux mieux, certains s’arrogeant presque un droit d’ânesse… mais restons stoïques : bien faire et laisser braire, c’est kif-kif bourricot.
Gérard
94 - CAMPAGNE DE NOËL
Malaise profond au paradis. L’Archange Michel qui est le chef des anges vient de faire l’appel et constate que la moitié des anges sont absents. Où sont-ils ? A l’infirmerie. Voilà qui surprend. Comment des êtres spirituels peuvent-ils tomber malades ? N’est-ce pas une maladie diplomatique ? Pourquoi se font-ils porter pâles ?
Michel furieux, voulant circonscrire cette rébellion découvre que c’est l’ANGE Vain, qui, avec sa complice la douceur ANGE Vine ont convaincu une vingtaine « d’Anges heureux », des voisins, de forcer les portes de l’infirmerie. Michel les convoque et les apostrophe :
- Pourquoi cette défection, alors que la trompette a retenti.
- Justement, au moment de Noël, le patron tient à ce que nous, les anges, allions sur terre pour chanter.
- Et alors, où est le problème ?
- Nous allons de préférence dans la campagne et pour célébrer l’anniversaire de la naissance du divin enfant, nous entonnons l’hymne des cieux. Ensuite, habituellement, l’écho des montagnes redit ce chant mélodieux et nous entendons « Gloria in Excelsis Deo ». C’est beau, c’est grand, c’est enchanteur. Seulement, nous avons fait des répétitions, il n’y a plus d’écho.
- Comment ça plus d’écho ?
- On ne l’explique pas : on ressent la même impression lorsqu’un micro n’est pas branché.
- Ce n’est pas une raison, vous devez chanter plus fort et surtout avec davantage de conviction ! Depuis quelque temps, il y a un relâchement au paradis et la terre s’en ressent. Les anges gardiens se contentent du minimum syndical, c’est la croix et la bannière quand il faut trouver un messager. Autrefois, c’était différent : je suis parti tout de suite quand il a fallu retenir la main d’Abraham prête à immoler Isaac, et, à votre avis, pourquoi David a-t-il vaincu Goliath ? Hein ? Qui a dirigé la pierre de la fronde ? Je n’en ai jamais tiré gloriole.
- Nous, les anges, gardiens, nous n’en pouvons plus. Les hommes sont devenus insupportables, ingouvernables, ingérables : ils se battent, se détestent, sont complètement obnubilés par la consommation, il n’y a aucune entraide entre eux, la pollution empire, la planète est en danger.
- Je ne veux rien savoir ! Je vais réquisitionner tout le monde et j’exige qu’on entende le Gloire à Dieu jusqu’au ciel.
- Pas question ! Les conditions de travail sont inhumaines même pour des anges. Nous sommes très déterminés et nous ne bougerons pas.
Michel est allé se confier à St Luc qui a relaté la première manifestation céleste. Luc après un haussement d’épaules s’est contenté de dire « O tempora, o mores » ce qui peut se traduire par : « les anges s’embourgeoisent ». Tous les saints interrogés sur la conduite à tenir, se réfugient dans une prudente neutralité ; il est vrai que vue du paradis, la terre c’est loin !
Alors que le temps presse, Noël est tout proche, Michel va s’en remettre à l’Esprit espérant secrètement qu’il fasse le travail, il a déjà démontré qu’il était capable de déplacer les montagnes alors pour l’écho….
L’Esprit l’a écouté poliment puis lui a simplement fait remarquer : « Après tout, les anges ne chantent pas pour les montagnes mais pour les hommes. Si les humains sont bien disposés, ils entendront la louange à Dieu et la reprendront d’eux-mêmes. Ce sera peut-être une merveilleuse symphonie sur toute la terre. ».
Décidément, se dit Michel, in petto, l’Esprit vieillit, il n’a plus la fougue d’autrefois, depuis que Dieu s’est reposé sur l’homme on voit les dégâts, surtout quand on applique à fond le principe de subsidiarité….
Michel a donc signé un accord avec les anges, leur demandant de chanter comme de coutume, en espérant que les hommes entendront ces voix célestes et les répéteront.
Gérard
93 - QUAND LE PIRE S’ANNONCE, COMMENT L’ÉVITER ?
L’année 2013 se présente sous les plus mauvais auspices ; voici comment le magazine Alternative Eco l’envisage : « Ça tangue…. les suppressions d'emplois devraient continuer de plus belle, le chômage poursuivre son inexorable progression, le pouvoir d'achat fléchir davantage encore… ». Si la situation économique n’est pas brillante, d’autres nuages encore plus noirs se profilent à l’horizon. L’augmentation de l’activité solaire pour 2013 a été officiellement confirmée par la NASA, nous savons trop bien ce que cette information révèle comme dangers et menaces. D’autant que les astrologues dont l’expertise ne saurait être mise en doute, sont unanimes à prévoir que « Pluton arrivera au carré du Soleil de janvier à novembre 2013, tandis qu’Uranus lui enverra une opposition de mars 2013 à décembre 2013, alors que dans le thème radical le Soleil était déjà en trigone d’Uranus » là encore, inutile d’en rajouter, les conséquences néfastes, sont, hélas, transparentes.
Comment réagir ? Faire le gros dos, partir pour une île déserte, se claquemurer ? Bref, se résigner ? Eh, bien, non ! Car la résignation est indigne de l’homme, elle est un accroc à la tunique de la dignité humaine.
Que faire alors ? Je propose une solution. Faites appel à vos souvenirs… Que s’est-il passé le 28 mars 1976 ? Vous séchez… est-ce plus clair si je précise l’heure, 2 h du matin ? Et si j’ajoute « on n’a pas de pétrole mais des idées » cela devient lumineux. En France, le décalage horaire à l’heure d’été a été instauré pour réaliser des économies d’énergies en rapprochant notre rythme de vie avec les heures d’ensoleillement. Et, depuis, année après année, nous avançons nos montres d’une heure, le dernier dimanche de mars.
M’inspirant de cette pratique, je propose de l’élargir : puisque l’année 2013 risque d’être redoutable, passons directement à 2014.
Mesurons bien l’ampleur du gain : pas d’intérêts de la dette à rembourser, pas de déficit des comptes sociaux à combler, pas d’impôts à payer… que du bonheur !
Et, cerise sur le gâteau, nous gagnerions un jour : en effet, nous passerions directement du lundi 31 décembre 2012 au mercredi 1 janvier 2014 et un jour, surtout en hiver, c’est presque une économie de 2 millions de barils de pétrole.
Sauter une année, est-ce grave ? Pas du tout. Qui peut s’en apercevoir ? Cela fait plus de 4 milliards d’années que la terre tourne autour du soleil, donc que nous ajoutions le chiffre 1 au nombre d’années écoulées ; à cette échelle, une « erreur » d’une unité est imperceptible et les années de vaches grasses pourraient être prolongées d’un an. Ainsi, nous rattraperions l’écart comme nous le faisons chaque fin octobre en passant à l’heure d’hiver.
Sans avoir la prétention d’avoir du génie, il me semble que cette suggestion devrait retenir l’attention des pouvoirs publics.
Gérard
92 - LETTRE A MON FACTEUR POUR LE CONSOLER
DE N’AVOIR PAS OBTENU LE PRIX GONCOURT.
Cher Monsieur,
Je ne sais plus lequel de Platon ou de Franck Ribéry a dit : « Quand le but poursuivi est à portée de la main et que le libre-arbitre commande d’arrêter son élan, alors l’échec permet à l’âme de trouver l’apaisement en offrant à l’être meurtri, toute sa surface de réparation.»
Cette noble pensée doit pleinement vous consoler d’avoir été écarté d’une récompense, certes prestigieuse, mais qui n’est au fond qu’une manifestation de la vanité humaine.
Vous n’avez pas obtenu le prix Goncourt, soit ; mais des milliers de personnes sont prêtes à témoigner que vous l’auriez amplement mérité car vous êtes un homme de lettres ! Votre enthousiasme pour la littérature est tel que vous n’hésitez pas, au cours de votre tournée, à sonner à la porte de l’un ou l’autre de vos clients pour leur recommander de lire une narration particulière qui, bien que venant parfois du percepteur, n’en inspire pas moins crainte, égards et déférence.
Dans la carrière que vous avez choisie, vous consacrez toute votre énergie à respecter non seulement la lettre mais l’esprit de service que beaucoup d’auteurs, même primés, ignorent complètement, se comportant comme de vulgaires grippe-sous, alors que de votre sacoche vous diffusez gratuitement des nouvelles qui jour après jour, se renouvellent.
La considération dont vous honorent vos ouailles, justifie pleinement le mandat de préposé confié par vos supérieurs, mandat qui, à défaut d’être encaissable, vaut bien un prix littéraire lequel apparaît, somme toute, comme un simple Goncourt de circonstances.
Gérard
91 - COMMENT ÉLEVER LE DÉBAT ?
En toute chose, on remarque des hauts et des bas et souvent, on relève plus de bas que de hauts. C’est particulièrement vrai pour le débat : en général, il tombe de haut, il vole bas, parfois même jusqu’au ras des pâquerettes. Elever le débat devient donc une ardente obligation car trop de colloques, de symposium, de séminaires n’ont jamais abouti : au mieux, des recommandations non suivies, au pire, des discussions stériles. Je me dois donc d’apporter ma modeste contribution et sans prétention aucune, je propose une solution.
Prenons un exemple. Après le dîner, un couple parle de la non-violence, à bâtons rompus. Ce sujet fait débat. La discussion est orageuse, l’affrontement violent : ces deux personnes rompent des lances. Le mari, les cheveux en bataille, après avoir bombardé de questions son épouse, lui assène des arguments, tout en la fusillant du regard. Furieuse, la femme enfourche immédiatement son cheval de bataille. Loin de battre en retraite, l’homme monte sur ses grands chevaux reprochant à sa moitié de tenir des propos cavaliers et martèle d’une voix forte, tout en frappant du poing sur la table, que la hauteur du ton est inversement proportionnelle à celles des arguments. Ne voulant être en reste, elle ajoute son grain de sel. La moutarde monte immédiatement au nez de son mari et lui fait dire qu’il ne peut plus la sentir. Piquée au vif, la femme monte se coucher dans la chambre du dernier étage. Son mari la suit, il s’excuse. Ils se sourient, reprennent leur discussion et tombent d’accord et, dans les bras l’un de l’autre, se réconcilient.
Moralité, la seule manière d’élever le débat est donc d’organiser des rencontres au sommet.
Gérard
90 - CHERCHER LE SENS
Quel est le sens de la vie ? Pourquoi la mort ? Je suis en proie à de redoutables questions existentielles, alors je me tourne vers celles et ceux qui peuvent répondre à cette quête de sens.
Ainsi la montre… Eh oui ! Elle nous indique l’heure de vérité et nous délivre le sens : ne parle-t-on pas dans le domaine scientifique « du sens des aiguilles d’une montre » ? Alors, j’ai regardé attentivement le cadran de ma montre et non seulement je n’ai pas trouvé de réponses à mes interrogations mais d’autres questions plus angoissantes encore ont surgi. Premier constat, les aiguilles tournent en rond et repassent toujours au même endroit : la vie ne serait-elle qu’un ronron continuel et le présent, la reproduction fidèle du passé ? Ensuite, à l’instar du ciel, le temps se détraque. Même si les aiguilles tournent avec ponctualité, elles donnent l’impression d’avancer à leur guise. Parfois les aiguilles s’affolent : pourquoi les moments de bonheur passent-ils si vite ? La trotteuse se croit-elle sur l’hippodrome d’Enghien ? Certes, elle a du ressort mais qui l’a engagée dans cette course contre la montre ? Par contre, de temps à autre, certaines heures plus creuses que d’autres s’éternisent et le monotone tic-tac devient une sorte de lamentation égrenant le chapelet des mystères du quotidien blafard et ennuyeux. Quelquefois, en conversant, on se dit « à la bonne heure », mais comment déterminer cette heure là qui est «la bonne », et sans doute, l’heure du jour de gloire ? Pour la trouver, la petite aiguille cherche en vain de midi à quatorze heures alors elle se dit que d’une minute à l’autre la grande aiguille va venir à son secours mais n’étant pas à une minute près, celle-ci trop occupée à ne pas perdre une minute, crie « minute ! » et ce n’est pas la trotteuse qui la seconde. Bref, on n’arrive jamais à saisir le moment favorable et pendant ce temps, l’heure tourne et la dernière heure est si vite arrivée.
En définitive, si le sens de la montre est bien de donner l’heure, le sens des aiguilles n’est que leurre.
Gérard
89 - MEDITATION
J’aime méditer. Pour moi, c’est un droit imprescriptible et si quelqu’un m’empêchait de l’exercer, il passerait le restant de ses jours à en méditer les conséquences ; cependant, j’avoue que jusqu’à ce jour, personne ne s’est jamais mis en travers de mon activité favorite. Méditer, me fait du bien : je ne pense plus ni à mon tiers provisionnel ni que je dois sortir la poubelle et changer le joint du robinet de la salle de bain. Quand je m’enfonce dans la méditation, le vide se fait en moi et je prends conscience de l’impalpabilité de l’existence et de l’inanité de l’instant. Par contre, pour méditer, il faut que certaines conditions soient remplies car je ne médite pas à tout bout de champ ni à l’orée du premier bois venu, je ne peux me livrer à cette occupation que si je suis entouré de quelque chose : ce peut être d’arbres, de fils barbelés, d’admirateurs, de mépris, d’affection… peu importe ; sinon, impossible de méditer.
Je me souviendrai toute ma vie d’une merveilleuse méditation qui m’a pris tout entier : c’était un soir d’automne et je venais d’éteindre la lumière, les conditions étaient donc parfaitement réunies pour réussir une profonde et complète méditation entouré comme je l’étais de l’obscurité la plus totale. J’éprouvai alors la plus lumineuse, la plus féconde, la plus parfaite des méditations. Mon esprit, après avoir un temps vagabondé sur les glaciers de l’Himalaya et folâtré sur le calcul du coût de revient des cacahuètes grillées non salées, s’est immobilisé et a pénétré cette énigme redoutable et non élucidée à ce jour : l’influence des migrations des gnous du Serengeti sur le montant des retraites du régime spécial touchées par les employés du Port autonome de Bordeaux.
Ah ! Sublime méditation ! Bonjour transports évanescents ! Bienvenu esprit de la sagesse ! La fée de la nuit m’a ouvert tout grands, les rideaux de l’investigation.
Gérard
88 - TEL EST PRIX…
On peut lire à l’entrée de certains magasins ou sur des panneaux aux bords des routes : « Chute de prix ». Ces affichages doivent nous amener à la prudence à l’instar des pancartes le long des maisons des pays de neige « Attention, chute de neige du toit ». Les prix ne sont donc pas stables, ils peuvent faire des chutes ; ils sont fragiles : la preuve s’étale parfois en quelques lettres : « Prix cassés », là, la chute fut donc vertigineuse ou les prix se sont mal rétablis. Un prix cassé, c’est un prix amputé pouvant perdre une partie de ses éléments comme la TVA, par exemple ; imaginez que le slogan « TVA offerte » soit mis en relief alors qu’elle fait intégralement et obligatoirement partie des prix. Un prix sans TVA c’est comme « Milan sans Rémo !!! » célèbre course cycliste. Si vous rencontrez des « prix les plus bas » relevez-les car ils ont crevé le plancher du prix coutant. Dans quelques mois, la saison froide et son verglas… gare ! S’ils ne sont pas convenablement équipés et protégés, les prix pourraient bien déraper.
Les prix sont des êtres particulièrement fascinants à observer : au restaurant, ils doivent se tenir dans des fourchettes raisonnables car, hélas, comme certaines portions, leur TVA est réduite ; certains prix battent de l’aile et menacent de s’envoler ; les prix courants ne sont pas aisés à suivre surtout quand ils courent comme des fous ; quant aux prix coûtants, ils sont trop chers pour être pris au mot.
Pourvu que les prix littéraires ne chutent pas et restent à la hauteur.
Gérard
oOo
87 - RENTRÉE
- Monsieur le député, c’est bientôt le 10 septembre, date de la deuxième session extraordinaire du parlement, il faut vous préparer à rentrer.
- Que me chantez-vous là ? Il n’est pas question de rentrer.
- Vous êtes bien en vacances ?
- Non, mon siège n’est pas vacant.
- Les députés ont quitté le palais Bourbon le 2 août, maintenant, il faut rentrer.
- Je ne suis jamais sorti, personne ne m’a poussé vers la sortie.
- Vous siégez continuellement ?
- Oui, j’ai failli perdre mon siège aux dernières élections ; aussi, je ne le quitte pas.
- Soyez raisonnable, ne vous croyez pas assis sur le Saint-Siège.
- Je ne peux pas abandonner mon siège, j’y suis très attaché.
- Il faut pourtant le quitter pour rentrer.
- Je ne veux pas rentrer.
- Précisément, si vous refusez de rentrer, vous ne pourrez plus siéger, plus voter ni prendre la parole dans l’hémicycle.
- Je ne comprends pas.
- C’est simple pourtant. Si vous ne faites pas la rentrée, vous serez considéré comme faisant la députation buissonnière, votre siège sera alors mis dans la position « éjectable » et vous risquez de perdre vos indemnités de parlementaires.
- C’est scandaleux !
- C’est la nouvelle loi.
- Je vais, de ce pas, déposer une proposition de loi pour abroger cette loi scélérate.
- Impossible.
- Pourquoi ?
- Seuls, ceux qui sont rentrés peuvent légiférer.
Gérard