Ne craignez pas
DOUZIEME
DIMANCHE ORDINAIRE (A)
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 10, 26-33
En ce temps-là, Jésus disait à ses Apôtres :
« Ne craignez pas les hommes ; rien n’est voilé qui ne sera dévoilé,
rien n’est caché qui ne sera connu.
Ce que je vous dis dans les ténèbres, dites-le en pleine lumière ;
ce que vous entendez au creux de l’oreille, proclamez-le sur les toits.
Ne craignez pas ceux qui tuent le corps sans pouvoir tuer l’âme ;
craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne
l’âme aussi bien que le corps.
Deux moineaux ne sont-ils pas vendus pour un sou ?
Or, pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille.
Quant à vous, même les cheveux de votre tête sont tous comptés.
Soyez donc sans crainte : vous valez bien plus qu’une multitude de moineaux.
Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes,
moi aussi je me déclarerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux.
Mais celui qui me reniera devant les hommes,
moi aussi je le renierai devant mon Père qui est aux cieux
oOo
Persécutions
Quand Matthieu écrit son évangile, nous sommes aux alentours de l'an 80 : il y a cinquante ans que Jésus est mort et est ressuscité. Les communautés chrétiennes se sont multipliées, non seulement en Israël, mais sur le pourtour de la Méditerranée. Matthieu écrit pour des chrétiens originaires de Jérusalem et de Judée. Ils ont déjà connu nombre d'épreuves. Leur premier "pasteur", Jacques, a été décapité. Il n'était pas le premier. Pierre et Jean avaient été mis en prison, fouettés, puis relâchés. Etienne avait été lapidé. Les plus anciens membres de leur communauté avaient été obligés de fuir devant les persécutions. Ils avaient appris le martyre de Pierre et de Paul à Rome. Puis il y avait eu le siège et la prise de Jérusalem. Et maintenant, voilà que le judaïsme restauré à Jamnia, après la destruction du Temple, venait d'excommunier tous ceux qui se réclamaient du nom de Jésus. D'où leurs interrogations : Est-ce que nous sommes sur la bonne voie ? Est-ce que nous ne nous sommes pas trompés ? Est-ce que notre mouvement est "de Dieu" ou des hommes ? Et Dieu, est-il là, ou est-il absent ?
Ne craignez pas
C'est donc à ces gens-là que Matthieu s'adresse. Il tient à leur rappeler simplement les paroles de Jésus, telles qu'il les a entendues et recueillies, cinquante ans plus tôt : "Ne craignez pas les hommes... Ne craignez pas ceux qui tuent le corps...Soyez sans crainte : vous valez bien plus que tous les moineaux du monde." Par trois fois, Jésus a dit à ses amis : "Ne craignez pas." Pourquoi ?
Premièrement parce qu'il veut nous transmettre sa certitude profonde : malgré tous les obstacles, la Parole de Dieu fera son chemin. Mais la Parole doit être transmise par des hommes. Dieu nous fait confiance. Il nous demande donc de "crier sur les toits" la Parole reçue, de la manifester, c'est-à-dire de la rendre accessible à tous. Deuxièmement, parce que la vraie vie n'est pas l'activité corporelle. On n'est pas un vivant simplement parce que nos organes fonctionnent bien. Notre vraie vie, c'est ce que nous en faisons : lutte pour la justice, service de nos frères, action pour la paix. On peut torturer un homme, l'humilier, essayer de le réduire à néant ; s'il est un homme, il gardera sa dignité et sa grandeur. Il ne se reniera pas. Troisièmement, nous dit Jésus, si Dieu s'occupe des moineaux, à plus forte raison de tous ceux qui auront témoigné pour lui.
Aujourd'hui encore
La question que se posaient les auditeurs de Matthieu, aux alentours de l'an 80, nous nous la posons aujourd'hui encore : Dieu est-il là ? Ou est-il absent ? Il y a encore des chrétiens nombreux, très nombreus, notamment au Moyen Orient persécutés à cause de leur foi. Il faut penser à eux. Mais même nous, dans notre Occident "paisible", nous nous posons les mêmes questions. Certes, nous ne sommes pas persécutés. Mais c'est, je crois, pire : notre foi laisse indifférents la majorité de nos contemporains. Nous assistons à la perte de vitesse du christianisme classique, à la chute des vocations, à la mise en question des moeurs que nous avons justifiées et soutenues durant des siècles. Dieu est-il avec l'Eglise ? Et même, Dieu est-il là ? N'est-ce pas un mirage ?
Notre foi est mise à l'épreuve comme celle des disciples de la première génération, comme celle des Apôtres devant la croix de Jésus, comme celle de Jésus. Oui, même pour Jésus, il y a eu remise en question : "Mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ?" Mais cette confiance que le Christ prêche, il va la vivre au lieu où elle n'aura plus aucun appui : rejeté, livré, mis à mort, il remettra sa vie entre les mains du Père.
La peur ou la foi? La peur mène à la défiance. Et la défiance, c'est le péché fondamental : ne plus croire à l'amour. Jésus, le premier, après nous avoir prêché la confiance, nous montre le chemin de cette confiance éperdue : chacun de nous a un prix infini. S'adressant à des jeunes chrétiens en un temps de persécution, Saint Paul leur écrira : "Votre sérénité dans la vie doit frapper tous les regards." A nous aujourd'hui, comme à ceux des premiers temps, Jésus recommande de "ne pas perdre les pédales". "Levez les yeux vers le Seigneur, criez vers lui sans perdre coeur."
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