Qui vous accueille m'accueille

ac                   TREIZIEME DIMANCHE ORDINAIRE (A)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 10, 37-42

En ce temps-là, Jésus disait à ses Apôtres :
« Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n’est pas digne de moi ;
celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n’est pas digne de moi ;
 celui qui ne prend pas sa croix et ne me suit pas n’est pas digne de moi.
Qui a trouvé sa vie la perdra ; qui a perdu sa vie à cause de moi la gardera.
Qui vous accueille m’accueille ; et qui m’accueille accueille Celui qui m’a envoyé.
Qui accueille un prophète en sa qualité de prophète recevra une récompense de prophète ;
qui accueille un homme juste en sa qualité de juste recevra une récompense de juste.
Et celui qui donnera à boire, même un simple verre d’eau fraîche,
à l’un de ces petits en sa qualité de disciple,
amen, je vous le dis : non, il ne perdra pas sa récompense. »

 oOo

Dur, Dur

Voilà une parole dure. Dure à accepter. Vous avez entendu : "Celui qui aime son père ou sa mère plus que moi n'est pas digne de moi. Celui qui aime son fils ou sa fille plus que moi n'est pas digne de moi." Comment pouvons-nous accepter une telle parole ! Faut-il, pour être chrétien, qu'il y ait une rupture avec nos parents, avec nos enfants ?

Réfléchissons

Pour essayer d'entrer dans l'esprit même de cette parole d'évangile, il faut nous reporter aux circonstances dans lesquelles cette parole a été écrite par Matthieu, quelque cinquante ans après la mort et la résurrection de Jésus, et même, aux circonstances dans lesquelles elle a été prononcée par Jésus lui-même.

C'est facile à imaginer. Voilà des jeunes hommes, ou des jeunes filles, qui ont entendu parler de ce groupe d'hommes et de femmes qui se rassemblent au nom d'un certain Jésus. Ils se sont approchés, on les accueillis, et ils ont trouvé un climat fraternel, une joie de vivre, une atmosphère de sérénité et de paix. Et ils ont envie de vivre dans ce groupe des chrétiens. Or, quand leurs parents apprennent cela, eux qui sont de bons Juifs, ils pensent tout de suite à un reniement de leur propre religion et de la religion de leurs pères. La religion qu'ils se transmettent de génération en génération, voilà que leur enfant la refuse. Imaginez quelle serait votre réaction, à vous parents, si votre fils ou votre fille, un jour, vous annonçait qu'il renie sa religion, qu'il se fait Bouddhiste, ou musulman, ou simplement s'il vous disait qu'il ne croit en rien, qu'il est devenu athée. On ne serait pas heureux. Il y aurait des conflits.

Eh bien, c'est ce qui est arrivé à la première génération chrétienne, et aux autres plus tard, et déjà, certainement, au temps du Christ. Et quand Matthieu écrit pour cette communauté de Juifs convertis au christianisme, dans les années 80, il a sous les yeux de tels faits, de tels exemple. Et c'est comme s'il présentait à ces nouveaux convertis le devis. Il leur dit : Eh bien voilà ! C'est sûr qu'il y a des ruptures à faire pour devenir chrétien. Voilà le devis ! Un devis, on l'accepte ou on le refuse. Et c'est difficile de faire de telles ruptures. C'était difficile pour ces jeunes. C'est difficile pour nous aujourd'hui. Parce que cette parole, il nous faut la remettre dans notre contexte actuel. Il y a des ruptures à opérer. Non pas nécessairement dans nos familles, non pas à cause de persécutions, mais parce que la foi, adhésion totale à une personne, Jésus Ressuscité, exige un saut, une démarche de rupture.

Rupture

C'est une question d'amour. Rappelez-vous la parole qui conclut le deuxième récit de la création de l'homme et de la femme : "C'est pourquoi l'homme quittera son père et sa mère et il s'attachera à sa femme." Et Jésus, quand on l'interroge sur la question du divorce, se contente de citer de nouveau cette parole fondatrice. Vous qui êtes mariés, vous avez certainement fait cette expérience d'une rupture plus ou moins forte avec votre milieu familial pour aller à l'autre. Cette rupture est plus ou moins forte, bien sûr.

Il ne s'agit pas de rompre avec sa propre famille : il s'agit de prendre de la distance. Et, hélas, nous connaissons tous de ces drames qui ont eu pour origine le fait que le garçon ou la fille n'arrivaient pas à couper les liens très fort qui les attachaient à leur milieu d'enfance pour aller à l'autre, pour créer quelque chose de neuf. Eh bien, c'est ce que Jésus veut nous dire aujourd'hui : si tu veux m'aimer, me suivre, aimer Dieu, il y a des ruptures nécessaires. Il ne s'agit pas de laisser tomber ses parents (quoique cela puisse arriver pour certaines vocations), mais il y aura toujours, pour s'attacher à Jésus Christ, une préférence à donner.

Plus fort encore

Mais voilà, il y a la deuxième partie de ce passage d'évangile. Parce que Jésus sait très bien qu'on peut facilement s'illusionner en ce qui concerne l'amour de Dieu. Et dire : "Moi j'aime Dieu", et ne pas le manifester dans sa vie quotidienne. L'apôtre le disait déjà aux chrétiens de son époque : "Si tu dis que tu aimes Dieu et que tu n'aimes pas ton prochain, tu es un menteur. Car comment peux-tu dire que tu aimes Dieu que tu ne vois pas, si tu n'aimes pas ton prochain que tu vois." C'est cela que Jésus veut nous dire aujourd'hui. Après avoir dit : "Tu dois me préférer à ta propre famille", il ajoute tout de suite : le test même de l'amour de Dieu, c'est l'accueil des autres. Tu veux savoir si tu aimes Dieu, si tu es un bon chrétien ? Regarde ton comportement vis-à-vis des autres.

Ouvrir sa porte. Et j'ai dit souvent combien je n'aimais pas ces petits oeilletons qu'on met aux portes, parce que quand je sonne à une porte, je n'aime pas être dévisagé et me demander si celui qui m'observe, de l'autre côté, va m'ouvrir ou non, simplement sur mon visage. L'accueil est total. Ouvrir sa porte, donc. Mais pas seulement sa porte. Ouvrir son esprit. Ouvrir son coeur. L'autre, il est autre, il est différent. C'est justement parce qu'il est différent qu'il s'agit de l'accueillir tel qu'il est. Avec ses manières de penser, ses manières d'être. Tout ce qui fait sa différence. Cela ne veut pas dire que je vais, moi, "tout gober" de ce qu'il dira. Mais j'aurai assez d'ouverture d'esprit pour l'écouter avec bienveillance, pour le comprendre, pour l'aimer.

Nous vivons dans un monde où les gens sont de plus en plus cloisonnés, ou chacun souffre plus ou moins de la solitude. Qu'est-ce que nous faisons pour vivre l'accueil, l'accueil fraternel ? Combien de fois les gens qui arrivent dans nos quartiers me disent : "Ah, comme les gens sont froids, indifférents, dans cette région ! " Ne croyez-vous pas que nous avons à faire toute une conversion de nos esprits, de nos coeurs, de nos démarches, pour accueillir l'autre. Celui qui accueille l'étranger accueille Jésus Christ.

oOo

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Dernière mise à  jour :
2 juillet 2017

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