Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau,

    QUATORZIEME DIMANCHE ORDINAIRE (A)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 11, 25-30

 

En ce temps-là, Jésus prit la parole : «Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l'as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l'as voulu ainsi dans ta bonté. Tout m'a été confié par mon Père ; personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler. Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos. Prenez sur vous mon joug, devenez mes disciples, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos. Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau léger.»

oOo

Bonne nouvelle

Eh bien, voilà une bonne nouvelle, propre à nous réjouir, en ces premiers jours de juillet où chacun pense aux vacances : par deux fois, dans ce court passage d'évangile que nous venons de lire, Jésus nous promet le repos. Un repos auquel beaucoup d'entre nous aspirent, j'en suis certain, surtout s'ils arrivent en cette période de l'année avec derrière eux des mois et des mois de travail, au cours desquels ils ont « peiné sous le poids du fardeau. »

Les premiers qui ont entendu cette promesse de Jésus et qui s'en sont certainement réjouis, ce sont les gens qui le suivaient depuis des mois et qui étaient de ces « petits » à qui il venait révéler « ces choses cachées depuis le commencement du monde. » Ce qu'on sait de leurs parcours personnels est relativement réduit. On sait d'abord qu'ils connaissaient, comme tous leurs compatriotes de l'époque, des situations économiques, politiques et religieuses désastreuses. On sait qu'à l'époque, des famines sévissaient, que le pouvoir de l'occupant romain se faisait sentir de manière de plus en plus lourde, que l'insécurité régnait dans toute la Palestine, qu'à côté des riches collaborateurs - notamment des prêtres - des bandes de rebelles – les zélotes – commençaient à s'organiser, que l'autorité religieuse était passablement corrompue, qu'elle imposait, au nom de la religion, des obligations de plus en plus pesantes, alors qu'elles-mêmes se gardaient bien de les mettre en pratique. Quand Jésus parle des « tout-petits », il ne s'agit pas des enfants en bas âge. Il s'agit des adultes qui le suivent, avides d'écouter son enseignement. Donc, les nombreux disciples qui sont restés fidèles  ( d'autres n'ont pas suivi longtemps, certains ne suivent que de manière épisodique : voir la parabole du semeur). Mais demeurent ceux que Jésus appellera le « petit troupeau ». Ils sont appelés « tout-petits » par opposition aux sages et aux savants.

Une forte attente

A l'époque il y avait chez tous une large attente de celui que l'on désignait sous le nom de Messie. Sous ce nom, on trouvait des aspirations diverses, mais toutes avaient en commun le besoin d'un changement radical. Pour certains, une révolution, pour d'autres une conversion des esprits et des cœurs destinée à « préparer les chemins du Seigneur ». Nombreux étaient ceux qui avaient suivi Jean-Baptiste. Mais Jean venait d'être mis à mort. Celles et ceux qui suivaient Jésus fidèlement n'étaient pas des enfants naïfs, mais des hommes et des femmes adultes, Matthieu, percepteur, Pierre, Jacques et Jean, artisans pêcheurs, Marie de Magdala et Jeanne, femme de Chouza, Suzanne, et même Simon, un de ces zélotes toujours prêts à faire le coup de mains contre l'occupant. Pas des gamins ! Tous ceux-là, toutes celles-là n'ont pas fait d'études ; parmi eux on ne trouve ni les scribes ni les docteurs de la Loi. Pas besoin d'avoir son bac' pour avoir la connaissance.

Mais de quelle connaissance s'agit-il ? Je crois que Jésus oppose là deux types de connaissances : la connaissance intellectuelle acquise dans les livres et la connaissance qui naît d'une fréquentation. Particulièrement d'une fréquentation amoureuse. Pour connaître une personne, vous avez beau chercher dans tous les livres, rien ne remplace la rencontre personnelle. Sinon, la connaissance demeure superficielle. Et pour que la rencontre ne soit pas vaine, il faut que chacun y mette le désir d'une rencontre vraie, une certaine empathie (comme on dit aujourd'hui). Pour qu'un jour, vous puissiez dire avec plaisir et fierté : « Untel, une telle, fait  partie de mes connaissances. »   Voilà donc  ces « tout-petits », ces humbles, qui ont rencontré Jésus et se sont attachés à lui. Ce sont eux qui vont avoir la révélation.

Une révélation

La révélation de quoi ? Essentiellement, je pense, la révélation de l'amour de Dieu pour tout homme, pour toute l'humanité. Qui est Dieu ? Voilà la question que les hommes se posent depuis qu'il y a des hommes. Vous vous l'êtes probablement posée, vous aussi, un jour ou l'autre. A cette question, toutes les philosophies, toutes les sagesses humaines, toutes les religions ont apporté des réponses diverses. Eh bien, nous dit Jésus, la vérité de Dieu n'est pas réservée à une élite intellectuelle. Ce qui, d'ailleurs, serait scandaleux. L'illettré doit pouvoir y accéder aussi bien que le théologien. Aussi bien ? Mieux, répond Jésus. Mais alors, pourquoi tant d'études, de recherches intellectuelles ? Jésus ne dit pas que c'est inutile. Il ne veut pas mettre un fossé entre savoir et non-savoir, entre science et foi. Simplement, il veut établir une priorité. La priorité consiste à privilégier la connaissance interpersonnelle, fruit d'une expérience, d'une fréquentation, d'une relation. Le « tout-petit » est mieux placé que les sages et les savants parce qu'il a une science supérieure. Il sait qu'il ne sait pas, ou qu'il sait mal. Il est donc ouvert, en attente.

Une fréquentation

Tu veux savoir qui est Dieu ? Une solution préalable : fréquenter Jésus. Lui seul manifeste, concrétise dans ses actes, ses propos, toute sa vie, ce Dieu-Amour qu'il est venu révéler. Car Dieu se manifeste dans une histoire – notre histoire – qu'il vient vivre avec nous. Jésus est la manifestation exacte de Dieu. En dehors de lui, nous n'avons aucun document valable sur Dieu. L'Ancien Testament est entièrement orienté vers la préparation du Christ. Et toutes les religions sont des tentatives que l'homme fait pour connaitre Dieu. Certes, la nature nous révèle un peu qui est Dieu. Comme dit le psaume : « Les cieux racontent la gloire de Dieu ». Mais ce n'est qu'une approche. Le Christ est la voie unique de l'homme vers Dieu et de Dieu vers l'homme. Ce n'est pas pour rien que Jésus parle, deux fois dans cette hymne de louange qu'il adresse à son Père, de « révéler » , c'est-à-dire de lever le voile qui dissimule la réalité plénière de Dieu.

Jésus ne fait pas que révéler Dieu. Son compagnonnage avec l'homme va beaucoup plus loin. Il connaît notre situation, les soucis et les peines, les « fardeaux » qui sont le lot de toute existence humaine. C'est de cela qu'il veut nous soulager. Non pas en abolissant, comme par un coup de baguette magique, tout ce qui constitue notre lot quotidien de misère. Mais en se faisant entièrement solidaire de notre condition humaine. Pour nous le faire comprendre, il prend l'image d'un joug et nous invite à prendre « son joug ». Il ne s'agit pas de résignation, mais de solidarité. Un joug sert à atteler deux animaux pour qu'ils tirent ensemble, dans la même direction. C'est de là qu'est dérivé le mot « conjugal », car dans un couple, on est normalement deux à tirer dans le même sens. Jésus, solidaire de notre condition humaine, s'engage à tirer dans le même sens que nous pour désembourber notre humanité. Alors, il nous l'assure, son joug est facile à porter.

Le fardeau du Christ est léger, car il est accordé à l'homme, à son désir, à sa volonté de vivre, à son bonheur. Il est notre repos. 

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