PREMIER DIMANCHE DE L'AVENT (C)
Évangile de Jésus Christ
selon saint Luc ( Lc 21, 25-28.34-36 )
En ce temps-là, Jésus
parlait à ses disciples de sa venue :
« Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles.
Sur terre, les nations seront affolées et désemparées
par le fracas de la mer et des flots.
Les hommes mourront de peur dans l’attente de ce qui doit
arriver au monde,
car les puissances des cieux seront ébranlées.
Alors, on verra le Fils de l’homme venir dans une nuée,
avec puissance et grande gloire.
Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la
tête,
car votre rédemption approche.
Tenez-vous sur vos gardes, de
crainte que votre cœur ne s’alourdisse
dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie,
et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste comme un
filet ;
il s’abattra, en effet, sur tous les habitants de la terre
entière.
Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous aurez la
force
d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir
debout devant le Fils de l’homme. »
oOo
Bonne Année
Avec ce
premier dimanche de l'Avent commence, pour les chrétiens, une
nouvelle année. Je vous souhaite donc une bonne année, vécue avec le
Christ. Que seront pour chacun d'entre nous ces trois cent soixante
cinq jours ? Il nous faut réfléchir, pour savoir comment nous allons
les vivre. Il nous faut réfléchir à ce temps qui nous est donné,
pour y découvrir un sens, pour y trouver une valeur.
Le temps !
Les hommes en ont toujours eu une perception différente, selon les
époques, les situations, les cultures. Pour nous Occidentaux - et
les enfants le savent bien, qui apprennent, très jeunes, à l'école,
les temps des verbes - il y a un présent, un passé et un futur. Cela
correspond à la culture occidentale, à une manière de voir le temps
qui n'est pas universelle. Pour les Orientaux, par exemple, le
temps, c'est une roue. C'est "l'éternel retour" du temps. On est sur
la roue de la vie. Vous vous rappelez également la devinette que
pose le Sphinx à Oedipe : « Qui est-ce qui marche sur quatre
pieds le matin, sur deux pieds à midi et sur trois pieds le soir ? »
comme pour dire que le temps est d'abord une croissance jusqu'à un
apogée, l'âge adulte, avant d'aller vers une retombée, la
vieillesse. C'est une autre notion du temps. Mais enfin, pour nous
Occidentaux, le temps est quelque chose qui s'écoule, comme « un
long fleuve tranquille », si l'on peut dire. Cette notion du temps
est ancrée dans nos esprits.
Mode d'emploi
L'Eglise
nous dit aujourd'hui : « Qu'allez-vous faire de ce temps qui
s'écoule ? » Et elle nous donne une réponse, une manière de vivre ce
temps le mieux possible, en nous disant : « Essayez de vivre au
mieux votre présent, en tenant compte d'un passé qui est le vôtre ;
qui est aussi l'histoire de notre humanité, mais toujours avec un
sens, une orientation vers un A-venir (C'est la même racine que le
mot « Avent »), un Avenir qui est Jésus Christ. » C'est important
pour nous aujourd'hui, dans la conjoncture actuelle.
D’abord,
vivre notre présent. C’est important. Il y a tellement de gens qui
se réfugient dans la nostalgie du passé ! Pensez à tous ces gens qui
disent « Ah ! Le bon vieux temps ! Comme c’était bien autrefois ! »
C’est une manière de s’évader du présent, du quotidien. Il y a aussi
tous ceux qui vivent uniquement tournés vers un avenir. Nous avons
tous fait cette expérience, quand nous étions adolescents. Nous
étions là, à peiner devant un devoir, et voilà que notre esprit
s’évadait dans le rêve : « Quand je serai grand, quand je serai
adulte, je ferai telle ou telle chose... » Mais ce n’était qu’une
évasion. Jésus nous dit : « Vivez votre présent d’abord, et essayez
de le vivre bien, intensément. »
Vers un avenir radieux
Il y a un
autre danger : c'est celui de ne vivre que le présent, sans tenir
compte, ni du passé, ni d'un avenir. Parce qu'on a peur de l'avenir.
Et c'est vrai qu'humainement parlant, on peut en avoir peur. Quand
on vieillit, quand on est malade, ou dans bien d'autres
circonstances, par exemple quand on voit le déchaînement de la
violence sous toutes ses formes. Humainement parlant, c'est normal.
Et voilà qu'aujourd'hui, on nous dit de vivre notre présent en lui
donnant tout son relief, toute sa valeur, grâce à une perspective
d'avenir. On n'élimine pas tout ce qu'il peut y avoir de mal, de
souffrances, de « passion » dans l'avenir qui nous attend, mais, de
« passages » en « passages », nous allons vers un avenir radieux
parce qu'il est le lieu d'une Rencontre. Vous voyez donc comment
notre quotidien, ces vingt-quatre heures qui se présentent devant
nous, peut être vécu différemment, suivant notre optique.
Allons-nous les vivre sans objectifs, en tournant en rond, sans
perspectives d'avenir, sans tenir compte, non plus, du passé (et
Dieu sait si les leçons du passé sont importantes. Je ne dis pas
« Du passé faisons table rase, » parce que mon histoire
personnelle m'apprend à « rectifier le tir. » Et notre histoire
collective, ces vingt, quarante, soixante ans passés doivent nous
aider à vivre mieux notre présent). Le Pape Jean XXIII disait :
« L'histoire, maîtresse de vie. » Donc, tenant compte de notre
passé, vivant notre présent le plus intensément possible, nous
donnons sens à notre vie grâce à une grande perspective d'avenir.
Avec le Christ
L'Eglise
ajoute un « plus » à cela : répondant à l'attente, non seulement des
Occidentaux, mais de tous les hommes de la terre, elle nous dit :
« Vous allez vivre ce présent avec le Christ. » Or, le Christ, il
est celui «qui est, qui était et qui vient. » Et nous voilà
dans une autre manière d'envisager le temps, manière qui était
propre au peuple hébreu, qui « contracte » le passé, le présent et
l'avenir. Par exemple, pendant ce temps de l'Avent, nous évoquons la
longue attente du peuple juif qui appelait un Messie, mais en même
temps, nous savons bien que c'est aujourd'hui, pour nous, dans notre
monde, en nous personnellement, que Jésus vient, qu'il est là, comme
nous le chantons ; bien plus, nous attendons son Retour définitif,
dans la plénitude de la Rencontre finale.
Une seule
condition pour nous mettre dans cette attitude et bien vivre le
temps qui nous est donné (c'est Jésus qui nous le dit aujourd'hui) :
« Soyez éveillés. » J'ai envie d'ajouter : pas seulement
éveillés, mais en même temps, soyez des veilleurs et des éveilleurs.
Chrétiens éveillés...
Des
chrétiens éveillés, c'est le contraire de ceux qui dorment. Or, nous
risquons de nous laisser endormir. Par exemple par tous les médias.
On voit les résultats : un certain nombre d'idées reçues qui nous
sont assenées à longueur de jours, de mois, d'années, par la télé,
la radio, la presse, de sorte que l'on n'a plus d'esprit critique et
que l'on pense par slogans. On se laisse endormir. Il faudrait que
chacun de nous s'interroge et se dise : « Est-ce que moi, je suis
capable de réfléchir par moi-même ? Est-ce que je suis suffisamment
éveillé ? » D'autres manières de se laisser endormir, ce sont celles
que le Christ énumère dans l'évangile d'aujourd'hui : la débauche,
l'ivrognerie, les soucis exagérés. Alors, il nous faut être des
éveillés. On dit d'un petit enfant : « Qu'est-ce qu'il peut être
éveillé, celui-là ! » Cela veut dire qu'il est ouvert à tous, ouvert
à tout. Il faudrait que les chrétiens soient éveillés, ouverts à
tout, ouverts à tous, pour accueillir ce présent, mais aussi pour
travailler efficacement dans ce monde.
... veilleurs ...
Eveillés,
mais aussi veilleurs. Un veilleur, c'est celui qui est « de garde. »
C'est la sentinelle, celui qui donne l'alerte. C'est celui qui
protège. Il faudrait que les chrétiens soient les sentinelles de
notre monde, qu'ils sachent donner l'alerte. Il faut donner l'alerte
aujourd'hui, parce qu'il y a des dangers mortels pour notre humanité
: le racisme, les nationalismes exacerbés, l'égoïsme des nantis...Et
je ne cite que quelques exemples ! Si les chrétiens ne sont pas là
pour alerter, pour réveiller les gens qui se laissent endormir, le
monde risque d'aller à sa perte, et il sera trop tard.
... éveilleurs
Eveillés,
veilleurs, éveilleurs. On dit d'un bon éducateur qu'il sait éveiller
les jeunes, les enfants. Il est un « éveilleur » de vocations, par
exemple. Il faudrait que nous soyons, nous aussi, des éveilleurs de
nos frères. Comment ? En ayant toujours le souci de les promouvoir,
de les faire vivre davantage, de les faire travailler davantage
ensemble.
Le jour de
notre baptême, nous sommes entrés dans un « peuple de prêtres, de
prophètes et de rois. » Ce temps de l'Avent, c'est le temps des
prophètes. Si chacun de nous pouvait être prophète pour ce temps
d'aujourd'hui, alors, notre temps ne serait pas perdu : il y aurait
un sens, un avenir, pour notre vie personnelle et pour la vie du
monde.