Marie gardait tous
ces événements dans son coeur
MARIE, MERE DE DIEU
1er Janvier
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc (Luc 2, 16-21)
En ce temps-là, les bergers se hâtèrent d’aller à Bethléem,
et ils découvrirent Marie et Joseph, avec le nouveau-né couché dans la mangeoire.
Après avoir vu, ils racontèrent ce qui leur avait été annoncé au sujet de cet enfant.
Et tous ceux qui entendirent s’étonnaient de ce que leur racontaient les bergers.
Marie, cependant, retenait tous ces événements et les méditait dans son cœur.
Les bergers repartirent ; ils glorifiaient et louaient Dieu pour tout ce qu’ils avaient entendu et vu,
selon ce qui leur avait été annoncé.
Quand fut arrivé le huitième jour, celui de la circoncision, l’enfant reçut le nom de Jésus,
le nom que l’ange lui avait donné avant sa conception.
oOo
Nouvel An
Bonne année à vous tous, chers amis, qui avez tenu à
commencer cette année dans la prière et la louange de Dieu au cours de cette
Eucharistie. Bonne année également à vos familles, à vos voisins, à vos
camarades de travail. Bonne année à tous ceux qui vous sont chers.
Je me demandais ce matin ce que signifiait cette
tradition des voeux. En effet, on souhaite quelque chose, bien sûr, mais c'est tout ce qu'on peut faire pour les autres. On émet une parole, une parole de voeux. Elle
exprime, d'abord, l'amitié. L'amitié que je vous porte, le souci que j'ai de
vous, de votre bonheur, de votre santé. L'amitié également que vous me
témoignez, par des gestes auxquels je suis très sensible. Il y a tout cela,
dans la tradition des voeux. Mais, encore une fois, ce ne sont que des mots, et
les mots ont leurs limites.
Le livre des
Nombres nous rapporte la formule de bénédiction que le Seigneur ordonne à Aaron
et à ses descendants, les prêtres d'Israël, d'utiliser pour bénir le peuple. Ce
sont ces prêtres qui prononcent la formule, mais c'est Dieu qui bénit.
Ce matin, j'ai
envie de prononcer sur vous cette formule de bénédiction : «Que le Seigneur
vous bénisse et vous garde ! Qu'il fasse briller sur vous son visage, qu'il se
penche sur vous, qu'il vous apporte la paix». Ce sont mes vœux, pour vous,
pour vos familles, pour notre paroisse, et, plus largement, pour notre Eglise,
pour notre monde.
Une bénédiction,
c'est autre chose qu'une formule rituelle. Le mot est aujourd'hui dévalué. On
bénit les médailles, les autos, les jardins. Mais, dans la Bible, le mot
«bénédiction » a un sens très fort. Sa racine «BRK» (d'où est issu le mot
«baraka» en arabe) indique en premier la force vitale des organes sexuels. La
bénédiction de Dieu, c'est donc un cadeau qu'il nous fait : fécondité,
prospérité. Dans l'antiquité, ces deux notions étaient d'ailleurs liées : le
fait d'avoir beaucoup d'enfants était une richesse, une bénédiction. Donc,
quand Dieu nous bénit, dans un sens plus large, il nous donne abondance,
aisance, richesse et paix. Richesse de vie, donc, santé, et fécondité.
Marie retenait tous ces événements
Les bénédictions
divines nous donnent, certes, le bonheur, mais en même temps, nous imposent des
responsabilités. Il ne s'agit pas de simples «porte-bonheur», de talismans.
Liée à l'image de la prospérité, on trouve l'idée de générosité envers les
malheureux. Quand Elisabeth dit à Marie : «Tu es bénie entre toutes les
femmes», elle ne veut pas lui dire simplement «tu as de la chance» : dans
son esprit, elle sent que Marie a une importante responsabilité qui lui est
confiée par Dieu.
Marie vient de vivre un événement extraordinaire.
Elle a mis au monde un enfant, et ce n’est pas une simple naissance que Marie a
vécue. Quelques mois plus tôt, Marie recevait la visite de l’ange Gabriel, qui
lui annonçait qu’elle serait enceinte. Cet enfant devait être appelé Fils du Très-Haut. Et les bergers
viennent dire à Marie ce que leur a annoncé l’ange du Seigneur. L’ange du
Seigneur leur a annoncé que cet enfant nouveau-né sera le sauveur d’Israël,
qu’il sera le Christ, c’est-à-dire le Messie que les juifs attendent. Ce n’est
pas rien. On pouvait difficilement faire plus. Et pourtant, cette fois-ci,
Marie ne pose pas de questions comme la première fois, lorsqu’elle avait reçu
la visite de l’ange Gabriel.. La foi de Marie se manifestait par son
intériorité et par sa profondeur. Le passage d’aujourd’hui nous montre la même
attitude, la même foi intérieure et profonde.
La philosophe Hannah Arendt disait que la profondeur ne pouvait être atteinte par l’homme autrement que par le souvenir.
C’est exactement ce que fait Marie : elle garde toutes les choses qui lui
ont été dites par les bergers dans sa mémoire et les repasse dans son cœur.
Elle sait qu’elle a vécu un événement d’une portée capitale. Elle sait que la
parole que Dieu lui a adressée par l’intermédiaire des anges et des bergers est
infiniment précieuse, et elle se familiarise avec cette parole. Elle sait cela,
comme le savait Samuel, qui selon la tradition juive, « ne laissait tomber
à terre aucune parole de Dieu. »
Vous avez
entendu, tout à l'heure, dans l'Évangile, cette toute petite phrase qui nous
dit l'attitude de Marie au matin de Noël, et sans doute dans les jours et les
années qui ont suivi. Marie, nous dit l'Évangile "retenait tout cela,
elle gardait mémoire de tout cela, et elle le méditait dans son cœur".
J'imagine Marie, au matin de Noël, quand elle s'est retrouvée seule, après
le départ des bergers. Marie qui se rappelle tous les événements des
derniers mois (cela c'était facile) : la visite de l'ange, les jours de joie,
les interrogations de Joseph, la longue route pour Bethléem, la peur de ne pas
trouver où se loger... et cette nuit qui s'achève. Marie qui se dit : tout
cela, il faut que je le garde (encore une fois, cela, c'est facile : une maman
se rappelle toujours les moments difficiles et merveilleux de la naissance de
son enfant). Marie garde tout dans sa mémoire. Mais en même temps "elle le
médite", nous dit l'évangile. C'est-à-dire qu'elle cherche à en voir le
sens. Elle se demande ce que tout cela signifie, et quelle sera la destinée de
cet enfant. Et je crois également que Marie se dit : tout cela, il faut que je
le garde pour le transmettre. Parce que j'ai à le transmettre.
Une
transmission
J'imagine la
première génération chrétienne. Les premiers petits jeunes qui ont été séduits
par le Christ et qui viennent trouver sa mère pour lui demander : "Marie,
raconte-nous. Dis-nous comment cela s'est passé". Comme les enfants qui
demandent toujours à leurs parents : "Maman, raconte-moi, quand j'étais
petit". Et qui adorent qu'on leur donne des tas de détails...
Eh bien, Marie a
transmis ainsi tout ce qu'elle avait gardé, tout ce qu'elle avait engrangé dans
sa mémoire. Et depuis, toutes les générations se transmettent et reprennent la
méditation de Marie au matin de Noël. Ceux qui sont allés sur les routes, les
conteurs des villes et des villages, et ceux qui ont écrit cela dans les
Évangiles, et tous les théologiens, tous les saints, connus et inconnus,
tous les mystiques et toutes les humbles gens de la terre. Vingt siècles pendant
lesquels, année après année, s'est faite la transmission de notre foi, de notre
Bonne Nouvelle. Jusqu'à nous, enfin, qui l'avons reçue dès notre enfance. On
nous l'a transmise comme un flambeau, comme un relais qu'on se passe. Un
prêtre, ou nos parents, ou une catéchiste nous l'ont transmis. Et nous sommes
devenus à notre tour les hommes de la mémoire vivante, pour transmettre à notre
tour le message de Vie.
Aujourd'hui
encore...
Mais voici que
peut-être pour la première fois dans l'histoire, notre génération éprouve de
grandes difficultés pour transmettre le flambeau de la foi. Pour une quantité
de raisons. Les parents qui sont ici savent bien que c'est difficile, et
combien ils ont peur que leurs jeunes refusent de reprendre le flambeau. C'est
comme si ça ne passait plus. Cette mémoire vivante de l'Église, transmise de
génération en génération depuis Marie et les Apôtres, on se demande si elle ne
va pas disparaître. J'ai peur qu'il n'y ait, aujourd'hui, une rupture dans la
grande chaîne de la tradition. C'est un peu comme si on vivait sans mémoire.
Comme si on faisait abstraction de la mémoire. Il y a un certain mépris du
"par cœur" (c'est pourtant un bien beau mot !). Et on ne fait plus
fonctionner sa mémoire, alors que les hommes des traditions orales la faisaient
fonctionner constamment. Nous, on a les ordinateurs qui ont des mémoires
infiniment supérieures à tout ce qu'on peut imaginer. Alors, on emmagasine tout
dans l'ordinateur. Mais nous, on peut très bien, à côté d'un ordinateur, vivre
sans mémoire. Et c'est dommage. C'est comme si l'on vivait sans passé, sans
racines. Je me demande même parfois si, pour les enfants, le passé est quelque
chose de réel, si ce n'est pas un peu comme les histoires de la télé, de la
fiction, de l'imaginaire.
Je souhaite que,
comme Marie, nous soyons la mémoire vivante de l'Église. Une mémoire qui retient.
Une mémoire qui médite. Une mémoire qui transmet. Ce serait terrible, frères,
si un jour nos petits enfants ne savaient pas ce que représente Noël pour nous.
Ou s'ils nous disaient : "Noël, c'est la fête des cadeaux... c'est la fête
de la famille... c'est la fête des enfants".
Il y a un risque.
Je vous le signale. Si nous chrétiens, nous sommes la mémoire vivante, la
mémoire affective, la mémoire du cœur, par nos paroles, mais aussi par nos
gestes, nous qui, chaque dimanche, faisons mémoire, ici, dans l'Eucharistie, de
la naissance, de la vie, de la mort et de la Résurrection du Seigneur Jésus,
nous pourrons transmettre le flambeau......et tout le reste nous sera donné par
surcroît.
oOo
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