Il est ressuscité

     DIMANCHE DE PAQUES (C)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 24, 1-12

 

Le premier jour de la semaine, de grand matin, les femmes se rendirent au sépulcre, portant les aromates qu’elles avaient préparés. Elles trouvèrent la pierre roulée de devant le tombeau. Elles entrèrent, mais ne trouvèrent pas le corps du Seigneur Jésus. Elles ne savaient que penser, lorsque deux hommes se présentèrent à elles, avec un vêtement éblouissant. Saisies de crainte, elles baissaient le visage vers le sol. Ils leur dirent : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? Il n’est pas ici, il est ressuscité. Rappelez-vous ce qu’il vous a dit quand il était encore en Galilée : ‘Il faut que le Fils de l’homme soit livré aux mains des pécheurs, qu’il soit crucifié et que, le troisième jour, il ressuscite.’ » Alors elles se rappelèrent ses paroles. Revenues du tombeau, elles rapportèrent tout cela aux Onze et à tous les autres. C’étaient Marie Madeleine, Jeanne, et Marie mère de Jacques ; les autres femmes qui les accompagnaient disaient la même chose aux Apôtres. Mais ces propos leur semblèrent du radotage, et ils ne les croyaient pas. Pierre cependant courut au tombeau ; mais en se penchant, il ne vit que les bandelettes. Il s’en retourna chez lui, tout étonné de ce qui était arrivé.

 

oOo

Il y a trois ans, le 30 mars 2010, à 13 heures, les chercheurs du CERN (Centre Européen de Recherche Nucléaire) de Genève ont réussi enfin l'expérience qu'ils tentaient de réaliser depuis longtemps : deux faisceaux de protons d'une énergie de 3,5 téraélectronvolts (Tev) se sont heurtés peu après 13h à une vitesse très proche de celle de la lumière (300.000 km par seconde) au sein du grand collisionneur de hadrons. Le but de l'expérience : reproduire ce qui s'est passé au moment du big bang, et donc vérifier si, comme le soupçonnent les scientifiques, la création est née d'une immense explosion atomique. Vous devinez l'importance de l'expérience : il s'agit de connaître l'origine de l'univers.

« C'est le début d'une ère nouvelle », annonce le porte-parole des physiciens du CERN, et un commentateur enthousiaste ajoute : « Peut-être qu'on va réussir à recréer le big-bang et ce sera le départ d'un nouvel univers. » Sans aller jusque là, je me réjouis de voir couronné de succès un travail qui a mobilisé depuis des années la fine fleur des physiciens du monde entier.

Le début d'une ère nouvelle ? C'est l'expression employée par des exégètes reconnus et par les théologiens pour donner la signification de l'événement pascal. Ils nous disent que « Jésus est le premier-né d'une multitude de frères et de sœurs, le chef de file d'une humanité nouvelle, Le Vivant par excellence », et que « ce premier jour de la semaine, de grand matin, nous ramène au premier matin du monde. » Alors, Pâques, est-ce un nouveau big bang ?

C'est l'expression employée par les deux hommes « avec un vêtement éblouissant » lorsqu'ils s'adressent aux femmes venues pour embaumer le corps de Jésus qui me fait réfléchir. Ils désignent Jésus comme Le Vivant. Pas un vivant ordinaire, mais celui en qui est la Vie. Celui sur qui la mort ne peut rien. L'erreur des femmes si dévouées, si courageuses, c'est qu'elles viennent au tombeau pour y trouver un mort. Elles cherchent un mort. Or ce mort n'existe pas. Ce qui existe vraiment et qu'elles cherchent sans le savoir; c'est non seulement un vivant, mais « Le Vivant »

Rappelez-vous : au début de son évangile, Luc nous rapporte les événements qui ont précédé la naissance de Jésus. Quand il en arrive à sa naissance, il écrit que « Marie mit au monde - non pas 'son premier-né', comme on le traduit bien souvent, - mais « Le Premier-né », c'est-à-dire le premier-né du Père éternel et le Premier-né d'une humanité nouvelle, tous enfants de Dieu. Ici, à la fin de son Évangile, Luc nous dit qu'il ne faut pas le chercher parmi les morts, car il est le Premier-né d'entre les morts : il est Le Vivant.

Vous allez peut-être penser que tout cela est le fruit de l'imagination humaine, l'expression d'un simple désir de toute l'humanité, tant elle est scandalisée par le fait inéluctable : nous sommes tous mortels, vous et moi, et cela n'a rien de réjouissant. Alors, est-ce que les croyants ne prennent pas leurs désir pour la réalité lorsqu'ils affirment que Christ est Le Vivant ?

Je relis les récits que les quatre évangélistes nous ont laissés de ce fait. Pendant plusieurs semaines, les témoins – plus de cinq cents frères, dit saint Paul – ont rencontré Jésus ressuscité. Impossible de faire une relation chronologique ou géographique des événements ; ces récits ne concordent pas, et même souvent divergent. Pourtant, il y a une seule chose sur laquelle tous convergent : jusqu'à la fin, les témoins ont eu un incroyable mal de croire que Jésus était bien là, vivant, en leur présence. Alors même qu'il se donnait à voir, à toucher, qu'on le voyait manger et boire en leur compagnie. Jusqu'au bout, tous, ils ont douté. Les femmes trouvent le tombeau vide, reçoivent l'annonce de la résurrection par des messagers divins : malgré cela, elles se demandent si tout cela n'est pas un rêve. Et les disciples pensent qu'il s'agit de simples racontars de bonnes femmes.

Et pourtant ! Au centre de notre vie d'hommes et de femmes, aujourd'hui comme il y a vingt siècles, il y a ce fait qui donne sens et orientation définitive à notre existence : la résurrection de Jésus au matin de Pâques. Pour l'apôtre Paul, croire, c'est croire en la résurrection. Pour lui, croire en Dieu n'a aucun sens si l'on n'ajoute pas aussitôt que ce Dieu est celui qui « avec de la mort, fait de la vie » (Romains 4, 17) Ce qui ne veut pas dire que nous pouvons nous imaginer en quoi consiste la « résurrection de la chair. » Quand on demande à Paul : « Comment les morts ressuscitent-ils ? » il répond par une comparaison : le grain de blé qui doit pourrir en terre pour donner naissance à l'épi. Ce qui n'est qu'une comparaison qui n'explique pas tout.

Nous avons cependant une certitude : Dieu est le Vivant, et nous sommes appelés à faire un avec lui qui est notre origine. Il est le Dieu des vivants et non des morts. Ce qui n'explique pas tout, encore une fois. Personnellement, ma foi en la résurrection – en ma propre résurrection, comme en celle de Jésus - est basée sur une parole divine : « Je t'ai aimé d'un amour éternel. » C'est parce que je crois que Dieu m'aime que je suis persuadé que son amour paternel ne peut être qu'éternel. S'il ne m'aimait que pour la courte durée de mon existence, ce ne serait pas un amour vrai. Comme dans les chansons, Amour rime avec Toujours.

La vie éternelle, c'est l'explosion de l'amour. La résurrection, c'est le triomphe de l'amour, le partage de la vie de Dieu. Éternellement.

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