Oui ou non ?
N’y
aura-t-il que peu de gens à être sauvés ? Telle est la question
qu’un interlocuteur anonyme pose à Jésus.
Cette question est-elle aussi, pour nous aujourd’hui, une
question ? Oui et non. A voir le succès de certaines sectes
actuelles, qui ont comme principal argument qu’il n’y aura qu’un petit
nombre de sauvés (par exemple les Témoins de Jéhovah, pour qui il n’y
aura que cent quarante quatre mille élus), à voir la réponse de
nombreuses personnes à cet appel à une conversion, à un changement de
vie, on peut se dire qu’il y a au coeur des hommes un souci de leur
propre salut. Au fond, chacun de nous s’est posé un jour ou l’autre,
pour lui-même, cette question : est-ce que je serai sauvé ?
Est-ce que j’irai au ciel ? Oui ou non ? Est-ce qu’à la fin,
à ma mort, je serai accueilli ? C’est peut-être, pour une part, ce
qui motive un certain nombre de nos attitudes religieuses.
Par contre, il y a tout un courant dans nos mentalités actuelles, qui
est totalement étranger à l’idée même de salut. Etre sauvés, de
quoi ? Et d’abord, on dit que Dieu est bon. Ce qui sous-entend
que, puisqu’il est bon, il laisse tout faire. Dans ce cas-là, je peux
faire n’importe quoi. On n’a plus tellement le souci du salut éternel.
On a beaucoup plus le souci du quotidien, de la vie terrestre.
Récemment, je lisais les résultats d’un sondage effectué auprès des
catholiques de France : 40% seulement des catholiques interrogés
croient à l’enfer, et 81% disent qu’ils n’en ont absolument pas peur.
La porte étroite
Donc, nos idées à ce sujet sont assez floues. Or, en ne répondant pas
directement à son interlocuteur anonyme, le Christ va nous renvoyer à
nous-mêmes et nous obliger à préciser notre question. Que nous
dit-il ? « Efforce-toi d’entrer par la porte étroite, car il
y en a beaucoup qui essaient d’entrer et qui ne le peuvent pas ».
Qu’est-ce que cela veut dire ?
Cela veut dire, d’abord, que le Dieu de Jésus-Christ n’est pas le Dieu
auquel beaucoup d’entre nous croient. Autrefois, et encore un peu
aujourd’hui, au fond de nos mentalités, on croyait en un Dieu qui
punit, un Dieu vengeur, dont il fallait avoir peur. On croyait aussi en
un Dieu qui opérait une sélection entre les bons et les mauvais. C’est,
poussée à l’extrême, l’idée développée par Calvin, la
« prédestination ». Il y a ceux qui, de toute éternité, sont
sauvés, et ceux qui sont damnés. C’est écrit. Nous avons tous, plus ou
moins bien, rejeté ces fausses images de Dieu. Mais par quoi les a-t-on
remplacées ? Par l’image d’un « Dieu flasque » (M.
Domergue), d’un Dieu inconsistant. D’un Dieu qui est tellement bon
qu’il ne peut pas punir. On ne sait trop ce qu’il fait, d’ailleurs, ni
où il est, ni quelles sont nos relations avec lui. Eh bien, le Christ
nous dit : « Attention ! Le Dieu que je vous annonce,
mon Père, est un Dieu exigeant. Il demande beaucoup à chacun de vous.
Efforcez-vous d’entrer. Il y a un choix à faire. Et il y en a beaucoup
qui essaient d’entrer et qui ne le peuvent pas ».
La bonne clé
Mais cette histoire de salut ? Le salut, il est pour tout le
monde. Tout le monde est sauvé. C’est la plus élémentaire des
théologies : le Christ, quand il est mort sur la croix, est mort
pour le salut du monde. Pour le salut de tous les hommes, croyants et
incroyants. Alors, que veut dire le Christ ? Simplement une
chose : c’est que ce salut qui nous est offert, la possibilité
d’une vie éternelle et d’un bonheur éternel, nous pouvons l’accepter ou
le refuser. Il faut « entrer » ou rester dehors. Et pour
entrer, il faut avoir la bonne clé. Car il y en a de fausses. Et Jésus
nous dit : « Vous risquez de prendre les fausses clés et ne
pas pouvoir entrer par la porte étroite ». Fausses clés ?
Pour l’interlocuteur de Jésus, un brave Juif, c’était mettre sa
confiance dans son appartenance à une race, la race choisie, la
descendance d’Abraham. C’était se dire : je suis membre du peuple
élu, donc, je suis sauvé. Sous-entendu : tous les autres, à part
ceux de notre race, sont exclus du salut.
Fausses clés aujourd’hui ? Pour chacun de nous, ce serait, par
exemple, nous dire : nous sommes de bons catholiques
(sous-entendu : les autres religions ne sont pas valables), nous
allons à la messe, nous communions, nous participons aux célébrations
pénitentielles...Jésus nous dit : Attention, tout cela, c’est
peut-être fausse clé. Car si vous vous en servez comme d’un droit, d’un
privilège, ça ne vous sert à rien. Fausse clé de dire : je vais
communier tous les dimanches, si le reste du temps vous ne partagez
rien. Fausse clé de dire : je vais à la célébration pénitentielle
pour recevoir le pardon de Dieu, si dans ma vie je ne pardonne pas.
Fausse clé de dire : j’appartiens à l’Eglise Catholique, si je ne
cherche pas à construire cette Eglise, Corps du Christ, là où tu es,
dans ta paroisse. Fausse clé, si tout cela, tu le considères comme un
privilège, si tu crois que ça te donne des droits, si tu te crées un
monopole, pour toi et pour ceux qui te ressemblent.
Il n’y a qu’une bonne clé, dit Jésus, c’est la foi. Et la foi, c’est
quelque chose de très précis. C’est marcher avec Jésus sur le même
chemin que lui, c’est-à-dire le chemin de la Pâque, c’est-à-dire le
chemin de l’amour qui donne sa vie. Il n’y a que cette clé-là qui peut
te permettre d’entrer par la porte étroite. Ne te trompe pas de clé.
Une porte large
Et voilà que tout-à-coup, la vision du Christ s’élargit (relisez
l’évangile et vous le verrez) et la porte étroite devient une porte
extrêmement large, puisque dans le Royaume dont il parle, on entre
comme dans un moulin, on y vient de l’Orient et de l’Occident, du Nord
et du Midi. Tout le monde y entre, ou, du moins, tout le monde peut y
entrer. Une seule restriction : ne pas utiliser de fausses clés.
Tu n’entreras pas si tu te crois riche des privilèges que te donnerait
ton appartenance à une religion. Tu n’entreras que si tu n’es riche que
d’amour, d’amour tout simple, dans le quotidien de ta vie. Rappelle-toi
Matthieu 25 : Jésus ne te demandera pas quelle est ton
appartenance religieuse, il te dira simplement : « J’avais
faim et vous m’avez donné à manger, j’avais soif et vous m’avez donné à
boire, j’étais nu et vous m’avez habillé, j’étais malade et vous êtes
venu me visiter... » Et si nous disons : « Mais,
Seigneur, nous ne t’avons pas reconnu ! », Jésus nous
répondra : « Ca ne fait rien. Cela n’a pas
d’importance ». Car ceux-là, qui ont aimé concrètement leurs
frères humains, entreront, qu’ils soient catholiques, protestants,
orthodoxes, musulmans, juifs, bouddhistes ou athées. Ils entreront.
Noirs, jaunes et blancs, la main dans la main. Ils entreront.