Et Jean le Baptiste parut dans le désert

      DEUXIEME DIMANCHE DE L'AVENT (B)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 1, 1-8 

 

Commencement de la Bonne Nouvelle de Jésus Christ, Fils de Dieu. Il était écrit dans le livre du prophète Isaïe : « Voici que j’envoie mon messager devant toi, pour préparer ta route. A travers le désert, une voix crie : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez la route ». Et Jean le Baptiste parut dans le désert. Il proclamait un baptême de conversion pour le pardon des péchés.

Toute la Judée, tout Jérusalem, venait à lui. Tous se faisaient baptiser par lui dans les eaux du Jourdain, en reconnaissant leurs péchés. Jean était vêtu de poil de chameau avec une ceinture de cuir autour des reins et il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Il proclamait : « Voici venir derrière moi celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de me courber à ses pieds pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés dans l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. »

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Bizarre portrait

A ma connaissance, Jean-Baptiste est le seul personnage du Nouveau Testament dont on nous précise, non seulement la manière dont il est vêtu, mais également quelle était sa nourriture. Toutes deux, d’ailleurs, assez bizarres. Il semble bien que la tradition primitive ait voulu signaler par là que Jean-Baptiste est le prophète qui est chargé de faire la transition entre l’ancienne Alliance (celle de Dieu avec le peuple juif) et la nouvelle Alliance en Jésus. Jean Baptiste est vêtu de poil de chameau comme le grand prophète de l’Ancien Testament, Elie, qui, selon la tradition juive, réapparaîtra au dernier jour : on nous présente donc Jean comme si c’était Elie qui est de retour. Quant à sa nourriture, de sauterelles et de miel sauvage, il semble bien que l’auteur veuille faire allusion, d’une part, à l’une des nourritures permises par le livre des Lévitique au cours de la longue marche au désert (Lévitique 11, 22), et, pour le miel, à la nourriture-type du monde nouveau où, dit encore la Bible, on se nourrira de lait et de miel en abondance.

Jointure

Nous sommes donc ici à la jointure entre un monde ancien qui va disparaître et le monde nouveau qui va être inauguré par la venue du Seigneur. C’est ce qu’annonce déjà le titre que Marc donne à son ouvrage. Il parle de « commencement », de « bonne nouvelle » et de celui qui est Bonne Nouvelle pour notre terre : Jésus, Christ, Fils de Dieu. Et il présente donc Jean-Baptiste comme celui qui, sous l’apparence du prophète Elie, reprend textuellement le message du prophète Isaïe pour annoncer la venue du Seigneur et nous demander de nous convertir.

Je sais bien que – comme le rappelle l’apôtre Pierre – aux yeux de Dieu « mille ans sont comme un jour », mais enfin la première annonce, celle de Jean Baptiste au bord du désert, au gué du Jourdain, date de plus de deux mille ans ; et aujourd’hui encore, notre humanité a besoin d’entendre la même invitation à recevoir « un baptême de conversion pour le pardon des péchés. » Pourquoi ? Certainement parce que, génération après génération, les hommes ont besoin de rectifier considérablement leur conduite pour aplanir la route.

Un monde cassé

Notre monde a-t-il donc un tel besoin de rectification ? Je le crois. Et il n’est pas besoin d’être extra-lucide pour nous en rendre compte. Nos routes humaines sont passablement tordues. Et bien des gens avertis parlent d’un « monde cassé » Dans tous les domaines, aussi bien sur le plan économique que sur le plan politique, dans la vie en société et dans la vie familiale, on se rend compte que rien ne tourne rond. Monde de la violence, de la haine et de la division, des mortelles rivalités et du chacun pour soi, fracture sociale et crise de civilisation, on n’en finirait pas d’énumérer et de décrire tout ce qui empêche les humains d’accéder à une « vie bonne », « dans la paix » dit saint Pierre.

Tant que l’écart entre riches et pauvres, entre puissants et misérables n’aura pas été comblé, tant que les chemins tordus n’auront pas été redressés, Dieu restera absent de notre monde. C’est pourquoi je pense que, plus que jamais aujourd’hui, l’appel de Jean-Baptiste doit être répercuté partout dans le monde. Et non seulement répercuté en paroles et en proclamations en tous genres, mais dans toutes nos attitudes personnelles. Car c’est très bien d’analyser les failles et les malfaçons de notre monde actuel, c’est normal de dénoncer les attitudes arrogantes des puissants de ce monde, mais cela ne résout rien. Il faut commencer. Il faut faire le plongeon.

Un plongeon

Un plongeon : c’est le sens du mot « baptême » ; et souvent on imagine que Jean-Baptiste se contentait de verser quelques gouttes d’eau sur la tête de ceux qui  venaient manifester leur conversion au bord du Jourdain. Non. Je crois qu’il leur était demandé de plonger dans le fleuve, intégralement, pour bien signifier qu’ils voulaient, d’une part être lavés de leurs péchés, et d’autre part faire un plongeon salutaire en changeant de vie. Ils entraient dans l’eau avec les souillures de leur vie antérieure, pour en ressortir hommes nouveaux, prêts à vivre une vie nouvelle.

Il s’agit d’une rupture radicale d’avec le passé.  Il faut donc d’abord qu’il y ait de notre part un sentiment de manque, une attente, un désir de faire du neuf. Dieu ne peut nous rejoindre que s’il trouve chez nous des connivences. Et pour cela, il faut nous rendre compte que c’est nous qui, bien souvent, rendons les routes impraticables, qui compliquons la vie, qui la rendons difficile. En refusant de voir Dieu comme il est, nous mettons des barrages à l’amour parce que nous ne croyons pas à l’amour. Le monde pervers, correspondant au dieu pervers dont sans cesse nous construisons l’image, se révèle chaos.

Alors, nous nous demandons « Mais Dieu, qu’est-ce qu’il fait ? » Saint Pierre nous répond : « le Seigneur n’est pas en retard pour tenir sa promesse.... tout simplement il patiente : il veut que tous aient le temps de se convertir. » Et il ajoute que « le jour du Seigneur viendra comme un voleur ». Ce monde disparaîtra, pour laisser la place à « un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la justice. »

Voilà notre foi. Voilà notre espérance. Quant à nous, nous ne pouvons que préparer le chemin ; ensuite, il vient. La suite, c’est l’œuvre de l’Amour qui est Dieu. Nous n’avons pas à vouloir faire par nous-mêmes le bonheur de l’homme. Nous ne pouvons que préparer le terrain. Bon courage à vous tous.

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