" Réjouissez-vous, soyez dans l'allégresse, "
2 Novembre – COMMEMORATION DES DEFUNTS
Évangile de Jésus Christ selon saint Mathieu 11, 25-28
En ce temps-là, Jésus prit la parole : "Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l'as révélé aux tout-petits. Oui, Père, tu l'as voulu ainsi dans ta bonté. Tout m'a été confié par mon Père ; personne ne connaît le Fils, sinon le Père, et personne ne connaît le Père, sinon le Fils, et celui à qui le Fils veut le révéler. Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos."
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Un temps de Toussaint ?
J’ai rencontré un jour, dans la rue, un homme que je connais et qui m’a dit, en regardant le ciel bas : « Un vrai temps de Toussaint ! » La réflexion est habituelle, et jamais on n’a entendu quelqu’un, regardant le ciel bleu, déclarer qu’il fait « un vrai temps de Toussaint », tellement est ancrée dans les esprits que la Toussaint est une fête triste. Et pourtant !
Sans doute, le souvenir des morts, qui est l’objet de notre célébration d’aujourd’hui, peut engendrer en nous une certaine tristesse. Peut-être cette tristesse du 2 novembre rejaillit-elle sur la célébration de la veille. Et si nous inversions les choses ? Si nous faisions de la fête de tous les saints ce qu’elle doit être : la célébration du bonheur ? Et si cette pensée du bonheur atteint par ceux qui nous ont précédés et promis aux fidèles d’aujourd’hui rejaillissait sur la célébration du 2 novembre ? Ce serait logique. Un père de l’Eglise déclarait que la fête de tous les saints est le pendant de la fête de Pâques, sa conclusion. Nous avons évoqué hier ceux qui, comme le Christ, ont traversé la mort pour jouir de la Vie ; pourquoi ne pas souhaiter qu’il en soit de même pour celles et ceux dont nous évoquons aujourd’hui le souvenir et pour qui nous prions ?
Un temps d'épreuve
Les textes bibliques que la liturgie de ce jour nous invite à méditer nous le disent tous : cette vie terrestre qui fut la leur et qui est encore aujourd’hui la nôtre - ces quelques dizaines d’années que comporte notre existence - doit être considérée comme un temps d’épreuve, d’entrainement, de préparation : seuls pourront entrer dans la Vie celles et ceux qui s’y seront préparés. Nos morts, que pouvons-nous faire pour eux ? Uniquement prier. Mais leur souvenir nous renvoie automatiquement à notre propre existence : nous aussi, qui sommes mortels, nous sommes concernés. A nous donc s’adresse la promesse de Jésus : " Venez à moi, vous tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi, je vous procurerai le repos.". Encore faut-il bien préciser en quoi consiste cette promesse : de quel repos s'agit-il ? Et quand nous sera-t-il donné ?
Question de perspective
Les premières générations chrétiennes ont vécu dans l’attente d’un retour imminent du Seigneur. Pour beaucoup, c’était une question d’années, voire de mois. Ce retour du Seigneur marquerait la fin du monde et l’avènement d’un monde nouveau. Nous avons ainsi des textes explicites dans les premières lettres de saint Paul. Or les mois et les années passaient, et rien ne se produisait. D’ailleurs, Paul lui-même, bientôt, s’est vu obligé de réviser ses perspectives critiquant ceux qui « affairés sans rien faire », dit-il, attendent béatement un hypothétique Retour. Et il ajoute : « Celui qui ne travaille pas n’a pas le droit de manger ». D’autres chrétiens, au contraire, voyant que rien ne vient, se sont remis à vivre sans aucune perspective d’avenir, « mangeant, buvant, faisant la fête » comme si rien ne devait se produire. C’est à ces deux catégories de chrétiens que les textes bibliques tiennent à rappeler les nombreuses paroles de Jésus qui les avertissent. Son Retour est certain, même si « nul ne sait ni le jour ni l’heure », et donc il faut être prêts pour ce jour-là ; et pour cela, surtout, ne jamais se croiser les bras : heureux ceux qui seront trouvés au travail.
Ces conseils et ces mises en garde de l’Ecriture ne s’adressaient pas seulement aux chrétiens des premières générations. Ils s’adressent de la même manière à nous aujourd’hui. A chacun de nous, et particulièrement, je crois, à notre génération d'aujourd'hui. La perspective d'un Retour du Seigneur ne hante pas quotidiennement nos esprits, n'est-ce pas ! Bien sûr, à chaque liturgie dominicale, nous chantons : "Nous attendons ta Venue dans la gloire." mais c'est une formule. Regardons ce qui motive nos actes, ce qui oriente notre vie : n'est-ce pas, la plupart du temps, une perspective à court terme ? Gagner de l'argent, s'assurer contre les aléas de l'existence, préparer sa retraite, se prémunir contre la maladie...Pouvons-nous dire sincèrement que notre vie est axée sur le jour de la Rencontre avec le Seigneur ? Nous faisons des projets, certes, mais pas dans le long terme. Nous vivons sans grande perspective. Et l'invitation du Seigneur à "veiller" ne nous intéresse pas directement, du moins dans l'immédiat.
Un jour, le repos
Certes, il serait morbide de vivre constamment dans la perspective de la mort, de notre propre mort. Mais de là à considérer notre existence dans une durée illimitée, il y a une marge. Et loin d’être malsaine, la perspective de notre mort peut donner sens, relief et valeur à notre existence quotidienne. Donc l’attitude réaliste du chrétien est de vivre son présent – ce que le prieur de Taizé appelait « l’aujourd’hui de Dieu » - comme une préparation, un entraînement à la vie de l’au-delà. Comment, en effet, vivre un jour « en Dieu » qui est Amour, si, tout au long de notre vie, nous ne nous sommes pas entraînés à l’amour ?
Mais hélas, nous avons bien souvent « la vue basse » ; et nos perspectives d’avenir ne vont pas si loin. Or Jésus nous invite à faire des projets, non pas seulement pour un lendemain immédiat, mais pour un futur dont nous ne savons rien. Il s’agit donc de se fier à une parole divine, qui nous a été maintes fois transmise, et qui, si nous lui faisons confiance, nous met en route. C’est ce qui donne sens et valeur à toute notre existence. Sur le chemin de la vie, le Seigneur est notre lumière. Gardons nos lampes allumées. Nous ne tomberons pas. Un jour, il nous procurera le Repos.