En
ce temps-là, comme certains disciples de Jésus
parlaient du Temple, des belles pierres et des ex-voto qui le
décoraient,
Jésus leur déclara : « Ce que vous contemplez, des jours
viendront où il n’en restera pas pierre sur pierre : tout sera
détruit. »
Ils lui demandèrent : « Maître, quand cela
arrivera-t-il ? Et quel sera le signe que cela est sur le point
d’ariver ? »
Jésus répondit : « Prenez garde de ne pas vous laisser
égarer, car beaucoup viendront sous mon nom, et diront : ‘C’est
moi’,
ou encore : ‘Le moment est tout proche.’ Ne marchez pas derrière
eux ! Quand vous entendrez parler de guerres et
de désordres,
ne soyez pas terrifiés :il faut que cela arrive d’abord, mais ce ne sera pas aussitôt la fin. »
Alors Jésus ajouta :« On se dressera nation contre nation, royaume contre royaume.
Il y aura de grands tremblements de terre et, en divers lieux, des famines et des épidémies ;
des phénomènes effrayants surviendront, et de grands signes venus du ciel.
Mais avant tout cela, on portera la main sur vous et l’on vous persécutera ;on vous livrera aux synagogues et aux prisons,
on vous fera comparaître devant des rois et des gouverneurs,à cause de mon nom. Cela vous amènera à rendre témoignage.
Mettez-vous donc dans l’esprit que vous n’avez pas à vous préoccuper de votre défense.
C’est moi qui vous donnerai un langage et une sagesse à laquelle tous vos adversaires ne pourront ni résister ni s’opposer.
Vous serez livrés même par vos parents, vos frères, votre famille et
vos amis, et ils feront mettre à mort certains d’entre vous.
Vous serez détestés de tous, à cause de mon nom. Mais pas un cheveu de votre tête ne sera perdu.
C’est par votre persévérance que vous garderez votre vie. »
oOo
Se survivre
Il y a, dans l’inconscient de chaque homme, un besoin de se survivre. Et la première manière de se survivre, c’est de procréer, de faire des enfants. Il y a une autre manière de manifester notre volonté de survie : c’est de se faire une maison. Parce qu’une maison, cela dure plus longtemps que nous ; et une maison, c’est le lieu où se rassemble la famille. On sait que les héritiers, les enfants et les petits-enfants en profiteront. Et si l’on est un grand de la terre, on fait construire des palais, en se disant : au moins, cela va me survivre. Ou l’on fait des œuvres d’art. Ou des statues. Ou des monuments. C’est comme s’il y avait au fond de nous-mêmes un besoin d’éternité. C’est quelque chose d’instinctif.
La destruction du Temple
Et voilà qu’aujourd’hui Jésus nous dit : tout cela, c’est appelé à disparaître. Si on vous disait, quand vous admirez une cathédrale ou un grand monument : « Tout cela disparaîtra », vous seriez scandalisés. Pourtant, nous dit Jésus, cela disparaîtra. Pour les Juifs, c’était encore plus scandaleux que pour nous, parce que Jésus disait cela du Temple de Jérusalem. Le Temple, c’était, pour les Juifs, non seulement le centre de la Ville et le centre du monde, mais la « résidence secondaire » de Dieu. Quand on demandait à un bon Juif : « Où est Dieu ? », il répondait : « Au ciel, naturellement. Mais il a sa résidence secondaire parmi nous, à Jérusalem, au centre du monde ». Aussi, quand Jésus annonce à ses interlocuteurs que le Temple sera détruit dans quelques années, tout le monde pense que ce jour-là, ce sera la fin du monde. Mais Jésus les détrompe : « Non, ce ne sera pas la fin du monde, mais la fin d’un monde ». C’est la fin du monde juif, qui s’est opérée quarante ans plus tard. Il y a eu la grande révolte juive, les Romains sont venus en force. Ils ont mis le siège devant Jérusalem, tué tous les habitants et détruit le Temple.
Quand ?
Alors les disciples, pensant à la fin du monde, demandent à Jésus de leur dire comment cela se passera. Jésus va leur donner trois conseils. Ces trois conseils sont encore d’actualité aujourd’hui. Premier conseil : n’écoutez pas ceux qui vous donnent la date de la fin du monde. On en connaît tous, des gens qui passent un jour à notre porte pour nous dire que la fin du monde est pour bientôt, qui fixent même la date avec précision. Jésus dit : « Personne ne sait quand cela se produira, pas même moi ». Ce qui est important, ce n’est pas la fin du monde, c’est aujourd’hui. C’est l’aujourd’hui de notre existence.
Confiance !
Deuxième conseil : dans la conjoncture actuelle, il faut garder confiance. Dans la description que Jésus fait de cette conjoncture, il y a, certes, la description des cataclysmes qui frappaient son époque : guerres, épidémies, tremblements de terre, famines et, en plus, pour les croyants, persécutions. Mais, reconnaissons-le, rien n’a changé : guerres meurtrières, un peu partout, tremblements de terre en diverses parties du globe, épidémie de sida, et toujours la faim dans le monde, et la persécution qui sévit ici ou là contre les croyants : c’est la situation actuelle de notre monde. Dans cette situation, Jésus nous recommande de garder confiance. En effet, nous sommes tentés de perdre confiance, et même d’accuser Dieu. Il serait inconvenant, certes, d’aller dire à un brave homme qui a tout perdu, ses biens et sa famille dans un conflit meurtrier : « Il faut garder confiance ». Mais il y en a un qui peut le dire : c’est Jésus. Il a, lui, le « culot » de dire à tous ceux qui sont affrontés à la souffrance quotidienne : « Gardez confiance ». Pourquoi ? Parce que lui, il est passé par là. Par la prison, la torture et la mort. Et les derniers mots de sa vie, sur la croix, sont les mots de la confiance éperdue en son Père. Il faut le faire ! Et lui, Jésus, peut nous dire : Gardez confiance.
Une foi lucide
Enfin, Jésus
nous donne un troisième conseil, qui est pour nous aujourd’hui. Il
dit : il faut tenir bon, debout, comme des hommes lucides dans
la foi. Ne pas perdre la foi. Il dit cela à des gens qui vont
affronter la persécution. Aujourd’hui, je me demande si cela nous
concerne. On dira : partout dans le monde, il y a des
persécutions de croyants. C’est vrai, il y a des chrétiens en
prison, des chrétiens qui perdent leurs droits civiques, qui sont
torturés, qui sont obligés de s’expatrier. Mais nous, sommes-nous
concernés ? On vit dans notre petite tranquillité. A force de
vouloir être présents au monde, je me demande si on ne s’est pas
tellement « coulés dans le moule » qu’on n’est plus
significatifs. On ne tranche pas sur l’ensemble. Peut-être personne ne nous
persécutera : on ne pose plus question. Et notre foi, aussi
bien en paroles qu’en actes, ne pose plus question, la plupart du
temps. Mais à ceux qui, par leur présence au monde et par leur foi,
deviennent des gens différents qui posent question, parce qu’en
les regardant vivre, en les regardant poser tel ou tel acte, dans tel
ou tel engagement difficile, parce qu’ils risquent une part de leur
vie, et au moins leur situation, à ceux-là, Jésus dit :
« Gardez la foi. Tenez debout ».
Dans la
conjoncture actuelle, je souhaite que vous tous, vous sachiez rester
lucides, tenir debout, « combattre le bon combat et garder la
foi » (Saint Paul).