Je suis la voix qui crie à travers le désert
3ème Dimanche de l’Avent B
Dimanche de la joie
Evangile de Jésus Christ selon saint Jean 1, 6-28.
Il y eut un homme envoyé par Dieu. Son nom était Jean. Il était venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui. Cet homme n’était pas la Lumière, mais il était là pour lui rendre témoignage.
Et voici quel fut le témoignage de Jean quand les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : « Qui es-tu ? » Il le reconnut ouvertement, il déclara : « Je ne suis pas le Messie. » Ils lui demandèrent : « Qui es-tu donc ? Es-tu le prophète Elie ? » Il répondit : « Non - Alors, es-tu le grand prophète ? » Il répondit : « Ce n’est pas moi. » Alors ils lui dirent : « Qui es-tu ? Il faut que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dis-tu sur toi-même ? » Il répondit : « Je suis la voix qui crie à travers le désert : « Aplanissez le chemin du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe. » Or, certains des envoyés étaient des pharisiens. Ils lui posèrent encore cette question : « Si tu n’es ni le Messie, ni Elie, ni le grand prophète, pourquoi baptises-tu ? » Jean leur répondit : « Moi, je baptise dans l’eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas : c’est lui qui vient derrière moi, et je ne suis même pas digne de défaire la courroie de sa sandale. »
Tout cela s’est passé à Béthanie de Transjordanie, à l’endroit où Jean baptisait.
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Ce troisième dimanche de l'Avent a un nom : « Gaudete » qui signifie : « réjouissez-vous » : c'est donc le dimanche de la joie. Voilà pourquoi nous avons entendu Paul dire à la communauté de Thessalonique : "Frères, soyez toujours dans la joie...", disposition dans laquelle était certainement le prophète Isaïe à son retour de l’exil en l’an 530 av JC quand il s’exclame dans la 1ere lecture : « Je tressaille de joie dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu », mots que Marie reprendra dans son Magnificat (cf. le psaume du jour). Bref, la joie semble déborder des textes de ce dimanche, comme elle déborde de Jean-Baptiste dans l’Evangile, tout heureux d’annoncer que le Messie arrive derrière lui et qu’il se tient au milieu de nous !
Mais de quelle joie s’agit-il ? On veut parfois nous faire croire que la joie advient lorsque nous n’avons plus de problèmes, plus de soucis ni de contrariété ! Si c’est cela la joie, alors vous risquez de l’attendre encore longtemps car qui peut se targuer aujourd’hui de n’avoir aucun soucis, problèmes ou contrariétés ? D’autres tentent de nous faire croire que la joie (ou le bonheur) « c’est d’avoir des avoirs pleins nos armoires » comme le dit A. Souchon dans une de ses chansons. Mais cela est tout aussi faux : nous savons tous en effet, que la joie peut aussi arriver au cœur des difficultés, des soucis de la vie ou même de la maladie. Je pense au livre de D. Lapierre : « La cité de la joie » où les pauvres qu’il rencontre débordent de joie malgré leur extrême pauvreté. Je pense aussi à cet ami gravement malade qui sur son lit d’hôpital à quelques jours de la fin de sa vie terrestre remontait le moral de ses proches, les encourageant à être forts devant la perspective de sa mort. Vous avez aussi certainement de nombreux exemples identiques qui montrent bien que la joie n’est pas liée à l’absence de problèmes ou à l’acquisition de biens. Mais alors d’où vient la joie ?
En fait, la joie dont nous parle la Bible ne provient pas de l’extérieur, elle est intérieure ! Elle ne vient pas de ce que l’on reçoit (santé, pouvoir, argent, célébrité, etc…) mais de ce que l’on donne ! Regardez Isaïe qui dans la 1ere lecture est tout à son bonheur d’être envoyé pour guérir, libérer, délivrer et apporter la bonne nouvelle aux pauvres ! Cette joie est contenue comme en germe en chacun de nous, elle n’attend qu’une chose : de pouvoir surgir quand nous œuvrons pour plus de justice, quand nous consolons les cœurs brisés et libérons ceux qui sont emprisonnés dans leur culpabilité : « De même que la terre fait éclore ses germes et qu'un jardin fait germer ses semences, ainsi le Seigneur fera germer la justice et la louange devant toutes les nations ». Oui la joie jaillit lorsque l’on a la certitude de collaborer avec Dieu à un monde plus juste et plus humain. Quelle fierté en effet de se savoir co-créateur avec Dieu d’un monde qui ne peut s’améliorer sans nous et sans Lui.
C’est l’invitation de Paul ! Que dis-je, pas l’invitation mais le cri de Paul aux chrétiens de Thessalonique qui se débattaient au milieu de tas de difficultés (persécutions, rejets, tensions internes, pauvreté matérielle, etc…). Alors je me fais le porte-voix de Paul pour vous redire aujourd’hui avec force : « vous qui me lisez (ou qui m’écoutez), je vous en prie, n’éteignez pas l’Esprit » ! Ah bon, parce qu’on pourrait éteindre l’Esprit ? Non, pas l’éteindre mais annuler son effet pour nous ! En effet, que peut le soleil si nous fermons nos volets ? Que peut la Vérité si nous nous bouchons les oreilles ? Que peut l'Amour si mon cœur est fermé ? Nous avons cette capacité à nous priver de l’influence bienfaisante de l’Esprit si nous ne comptons que sur nous-mêmes et refusons toute ouverture aux autres et au Tout-Autre.
En fait, je crois que nous pouvons éteindre l’Esprit (donc son influence bienfaisante sur nous) en ne nous préoccupant pas de Lui, un peu comme si l’on délaissait un feu en ne l’alimentant plus de bûches nécessaires à sa combustion. Les bûches dont je parle et qui alimentent l’Esprit en nous sont celles de la prière, la lecture de la Parole de Dieu, le partage de sa foi avec d’autres croyants, la méditation silencieuse, la lecture d’un bon livre spirituel, une rencontre de qualité, l’accompagnement spirituel, une retraite spirituelle, etc… (Vous pouvez continuer la liste vous-même en vous demandant quelles sont les bûches (de noël) que vous utilisez pour alimenter en vous le feu de l’Esprit-Saint).
Mais pour qu’un feu ne s’éteigne pas, il lui faut non seulement des bûches, mais aussi de l’air ! En effet, sans oxygène le feu s’étouffe, il faut que l’air circule en lui, que le foyer ne soit pas totalement fermé et hermétique. Il faut des failles par lesquelles passe le souffle qui attise le feu. Ce qui, tout à l’heure, pouvait nous sembler être un obstacle à la joie et au bonheur (nos problèmes, soucis et contrariétés) ne sont-ils pas justement ces failles par lesquelles le souffle divin peut passer pour attiser notre feu intérieur ? N’avons-nous pas expérimenté nous-mêmes, que certaines difficultés nous ont fait grandir humainement et spirituellement ? L’Esprit n’enlève pas les problèmes mais les transforme pour les rendre utiles. Et cela, quelle que soit notre situation, riche ou pauvre, heureuse ou malheureuse, malade ou en bonne santé.
Jean Baptiste a donc bien raison en ce temps de l’Avent, de nous inviter à aller au désert pour y entendre la voix qui crie : « Je suis la voix qui crie à travers le désert : Aplanissez le chemin du Seigneur ». Je ne pense pas qu’il décrive ici son sentiment de parler dans le vide, mais je crois qu’il nous indique plutôt le lieu où la voix intérieure peut être entendue : le désert. Je me demande si ce désert dont parle Jean-Baptiste n’est pas ce lieu où le prophète Osée voulait aller avec sa fiancée infidèle pour la reconquérir ? (Osée 2, 16). Ce désert dont parle Jean-Baptiste nous rappelle aussi l’Exode des hébreux après leur libération d’Egypte, ce lieu où ils ont appris à faire vraiment confiance en Dieu. Ce désert qu’est le carême, comme l’Avent, un lieu de retrait, de silence, pour apprendre à écouter la voix qui y crie, pour apprendre à reconnaitre Celui que nous ne connaissons pas bien, comme le précise Jean Baptiste. « Moi, je baptise dans l'eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas : c'est lui qui vient derrière moi ».
Joie, feu, souffle, Esprit, désert, voix, à écouter pour apprendre à (re)connaitre Celui qui vit en nous et qui est au milieu de nous, Celui qui veut nous donner Sa joie, parce qu’elle déborde de Lui. Voilà pourquoi, je nous invite durant ce temps de désert qu’est l’Avent, à nous mettre à l'écoute de trois choses :
- l’écoute de notre vie, de notre ressenti, de nos sentiments pour apprendre à nous sentir vivant, une écoute de soi qui va nous rendre attentif à une autre écoute.
- l’écoute des autres : en effet, si l'on a appris à regarder de près les petites choses qui font notre vie, on devient automatiquement capable de penser que rien n'est minime dans la vie des autres.
- Enfin, l'écoute de soi et des autres va nous permettre d'entendre la Voix de Dieu qui parle en moi. Oui, c'est par le silence que nous pouvons être attentifs à la discrète mais constante présence de Dieu en nous et chez les autres. La vie humaine est le lieu même où Dieu se révèle à ce point dissimulé dans la pâte de la vie quotidienne, qu'il risque de passer inaperçu.
C’est ainsi que nous serons prêt à fêter Noël qui est la fête de sa volonté de venir « crécher » chez nous, en chacun de nous. Car Noël, c’est la continuité de la Vie confiée, dans sa fragilité, à la liberté de l’homme pour la faire croître ! Alors il est bon de se demander à dix jours de Noël si Jésus va se trouver à l’aise pour naître en moi encore cette année ? Trouvera-t-il quelqu’un pour lui parler, lui sourire, l’aimer ? Sera-t-il au chaud en moi auprès du foyer de mon cœur ?
Gilles Brocard