« Ne crains pas de prendre chez toi
Marie, ton épouse »
QUATRIEME DIMANCHE DE L'AVENT (A)
Lecture du
livre du prophète Isaïe (Is 7, 10-16)
En ces jours-là, le Seigneur parla ainsi au roi Acaz :
« Demande pour toi un signe de la part du Seigneur ton
Dieu,
au fond du séjour des morts ou sur les sommets, là-haut. »
Acaz répondit : « Non, je n’en demanderai pas, je ne mettrai pas le Seigneur à l’épreuve. »
Isaïe dit alors : « Écoutez, maison de David !
Il ne vous suffit donc pas de fatiguer les hommes : il faut encore que vous fatiguiez mon Dieu !
C’est pourquoi le Seigneur lui-même vous donnera un signe :
Voici que la vierge est enceinte, elle enfantera un fils,
qu’elle appellera Emmanuel (c’est-à-dire : Dieu-avec-nous).
De crème et de miel il se nourrira, jusqu’à ce qu’il sache rejeter le mal et choisir le bien.
Avant que cet enfant sache rejeter le mal et choisir le bien,
la terre dont les deux rois te font trembler sera laissée à l’abandon. »
Voici comment fut engendré Jésus Christ :
Marie, sa mère, avait été accordée en mariage à Joseph ;
avant qu’ils aient habité ensemble, elle fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint.
Joseph, son époux, qui était un homme juste,
et ne voulait pas la dénoncer publiquement, décida de la renvoyer en secret.
Comme il avait formé ce projet, voici que l’ange du Seigneur
lui apparut en songe et lui dit : « Joseph, fils de David,
ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse,
puisque l’enfant qui est engendré en ellevient de l’Esprit Saint ;
elle enfantera un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus
(c’est-à-dire : Le-Seigneur-sauve), car c’est lui qui sauvera son peuple de ses péchés. »
Tout cela est arrivé pour que soit accomplie la parole du Seigneur prononcée par le prophète :
Voici que la Vierge concevra, et elle enfantera un fils ;
on lui donnera le nom d’Emmanuel, qui se traduit : « Dieu-avec-nous ».
Quand Joseph se réveilla, il fit ce que l’ange du Seigneur lui avait prescrit :
il prit chez lui son épouse.
Homélie
La première lecture de ce jour est
quasiment inaudible connaitre le contexte dans lequel ce passage est tiré. Nous
sommes en 734 av JC, le royaume d’Israël est divisé en deux ; le royaume
du nord dont Acaz est le roi, est menacé d’invasion par l’Assyrie. Alors Dieu
par la bouche d’Isaïe tend la main au roi en lui disant « demande moi un signe » autrement
dit « demande moi de l’aide »
mais Acaz est un roi qui n’écoute
personne, ni son peuple qu’il opprime ni Dieu qu’il ignore, ce qui explique sa
réponse « non je n’en demanderai pas »
et il invente une excuse bidon : « je ne mettrai pas mettre le Seigneur à l’épreuve » ! Or
il veut s’en sortir seul et n’en fait qu’à sa tête. Voilà pourquoi Isaïe pique
une colère noire en disant « il ne
vous suffit pas de fatiguer les hommes (oppression du roi sur son peuple) il faut encore que vous fatiguiez mon Dieu » ! Je trouve cette
réaction splendide de la part du prophète Isaïe et cela m’a donné l’occasion de
m'interroger personnellement : est-ce qu’il ne m’arrive pas de fatiguer Dieu
parfois ? Par ma façon de le prier ou de lui tanner les oreilles ? Le
temps de l’Avent est un bon temps pour se poser ce genre de question.
Après avoir exprimé sa colère, Isaïe
va annoncer la naissance d’un fils né d’une jeune fille (ou d’une « femme »
selon d’autres traductions) qui n’est autre que la femme du roi Acaz et qui
donnera naissance à un fils (le futur roi Ezéchias). Isaïe sait que ce roi-là
tiendra compte de Dieu dans sa façon de gérer son royaume (d’où son nom
« Emmanuel » qui signifie Dieu avec nous) qu’il sera un roi sage -
c’est le sens de « se nourrir de
crème et de miel » - sachant choisir entre le bien et le mal
(contrairement au roi actuel) … Mais avant qu’il ne prenne la succession du roi
Acaz, il y aura un temps où les deux royaumes d’israël et de Judas seront
envahis par l’Assyrie, abandonnés, ce qui arrivera historiquement en 701.
J’espère que ce commentaire de la 1ere
lecture vous a éclairé, en tout cas, il nous prépare à entendre l’Evangile de
ce jour où Matthieu cite explicitement ce passage d’Isaïe. C’est
d’ailleurs pour cela que les liturges ont mis ces deux textes en parallèle
aujourd’hui. Il est donc clair que Matthieu a utilisé le texte d’Isaïe pour
éclairer la naissance de Jésus et donner un sens messianique à sa venue : Comme
le prédisait Isaïe, Jésus sera encore plus qu’Ezéchias, celui qui écoute Dieu, l’Emmanuel,
sachant choisir entre le bien et le mal, bref le messie annoncé par tous les
prophètes. Et par le personnage de Joseph, Matthieu va donner à Jésus une
ascendance royale, puisque Joseph, nous dit le texte, est fils de David. Ainsi
il nous est donné de penser que Jésus est le Roi des rois, le Seigneur des
seigneurs.
L’annonciation faite à Joseph est
intéressante à regarder de plus près : quand Mathieu nous dit qu’il ne
voulait pas répudier sa femme publiquement, il nous décrit par là un homme très
humain, doux, attentif, soucieux de ne pas humilier Marie. De plus Joseph est
capable de changer de projet puisqu’avant le songe, il avait décidé de répudier
Marie en secret et qu’après le songe, « il fit ce que l’ange du Seigneur avait prescrit : il prit chez lui
son épouse ». Il aurait pu décider autrement et n’en faire qu’à sa
tête, comme le roi Acaz ! Or lui, il écoute Dieu parler en lui, il fait
confiance quand Dieu lui fait signe, et décide d’accueillir les plans de Dieu
dans son histoire même si ceux-ci bousculent ses plans. On comprend que Jésus au
contact de Joseph et de Marie, ait pu faire, lui aussi, une telle confiance à
Dieu. Cette figure de Joseph que nous sommes invités à méditer en ce 4ème
dimanche de l’Avent, est une superbe invitation pour nous à grandir dans la
confiance en Celui qui vient et qui nous veut pleinement vivant. Comme de
Joseph il y a 2000 ans, Dieu a besoin de l’implication de l’homme pour que la
vie advienne, il a besoin de notre fiat pour pouvoir agir en nous et sauver ce
qui a besoin de l’être. Oui, le salut dépend de nous et de notre consentement à
laisser Dieu agir en nous et par nous.
L’Avent, c’est un
temps pour préparer
nos cœurs à dire oui à Dieu sans peur, sans crainte, sans méfiance,
comme Joseph et Marie, certain que Dieu ne nous fait et ne nous fera
que du
bien ! Il faut en être convaincu et il nous reste quelques jours
avant
Noël, pour dilater notre espace intérieur afin que Celui qui vient
puisse y
advenir, s’y sentir à l’aise, pour qu’il puisse y « crécher »
si
j’ose dire, afin de sauver en nous ce qui a besoin de l’être et sauver
par nous
ce qui dans notre monde a aussi besoin de l’être. Car la mission de
ceux qui
croient au Christ, est de le mettre au monde comme Marie et Joseph
l’ont fait
par leur « oui ».
Alors, a vous qui êtes appelés à être
saints, comme le dit St Paul dans la seconde lecture, je vous souhaite pour le
reste de ce temps de l’Avent, la
grâce et la paix de la part de Dieu notre Père et du Seigneur Jésus Christ.
Amen
Gilles Brocard