Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils

        QUATRIEME DIMANCHE DE L’AVENT (B)

 

Evangile de Jésus Christ selon saint Luc 1, 26-28 

 

L’ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée appelée Nazareth, à une jeune fille, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie. L’Ange entra chez elle et dit : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. » A cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. L’Ange lui dit alors : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. » Marie dit à l’Ange : « Comment cela va-t-il se faire, puisque je suis vierge ? » L’Ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, et il sera appelé Fils de Dieu. Et voici qu’Elisabeth, ta cousine, a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse et elle en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait « la femme stérile ». Car rien n’est impossible à Dieu. » Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole. » Alors l’Ange la quitta.

oOo

Une bonne idée...

Cela part d’un bon sentiment, l’idée du roi David de faire une maison à son Dieu (2 Samuel 7, 1-16). Il a pris Jérusalem, la citadelle réputée imprenable des Jébuséens, et il en a fait sa capitale. Naturellement, dans sa capitale, il s’est fait construire un palais. C’est alors qu’il se dit : « Ce n’est pas normal : je me suis fait un beau palais, mais l’arche d’Alliance, c’est-à-dire le signe visible et matériel de la présence de Dieu parmi son peuple, ce coffre d’acacia que les Israélites ont fabriqué après la révélation du Sinaï et qui contenait les Tables de la Loi, cette arche d’Alliance qui marchait toujours en tête du peuple pendant les quarante années de l’errance au désert, cette arche est toujours sous une tente, alors qu’il y a plus de cent cinquante ans qu’on a conquis la Terre Promise et que tout le monde s’est installé. » Alors David se dit : « Ce n’est pas normal. Je me suis fait une maison. Eh bien, je vais faire une maison à Dieu, en plein cœur de Jérusalem. »

Un jeu de mots

            Je crois que cette réflexion de David a un caractère d’actualité pour nous. C’est en effet une question que nous nous posons encore aujourd’hui. Tous les hommes, ou presque, se posent cette question : « Est-ce que Dieu est vraiment avec nous ? », ou encore : « Où est Dieu ? » C’est d’ailleurs la même question. Or, par l’intermédiaire du prophète Nathan, Dieu va répondre à David (et à nous par la même occasion) en faisant un jeu de mots. Il dit à David : « Ce n’est pas toi qui me feras une maison. C’est moi qui te ferai une maison. »

            Ce mot « maison » a un double sens. Ce peut être l’habitation où l’on demeure, bien sûr. Mais le mot peut aussi désigner la famille. On parle de la « Maison de France » ou de la « Maison d’Autriche » pour désigner la famille qui a régné sur la France ou sur l’Autriche. Il s’agit de la descendance de ces rois. On nous dit dans l’Evangile que Joseph était de la « maison », c’est-à-dire de la famille, de David. Et on nous dit aussi que Jésus, le Messie, « régnera éternellement sur la maison de Jacob », c’est-à-dire sur le peuple d’Israël. Aujourd’hui encore on emploie le mot très proche : « la maisonnée » pour dire une famille. Donc, le mot « maison » a un double sens.

Accueillir

            Au fond, Dieu répond à David : « Je ne me laisserai pas enfermer. » Parce qu’il peut y avoir quelque chose de très dangereux à vouloir annexer Dieu. Et au fond, c’est le désir de tout homme, de vouloir se servir de Dieu pour cautionner son propre pouvoir, son idéologie, ses projets les plus secrets. Dieu répond à chacun de nous : « Ce n’est pas toi qui me feras une maison (pour m’emprisonner). Par contre, crois bien que je suis présent au milieu des hommes, avec toi comme avec toute personne humaine, tout proche.

            Il s’agit donc, non pas d’enfermer Dieu dans nos projets humains, mais bien au contraire d’accueillir sa présence dans la communauté humaine. A David qui parle de « maison » Dieu répond « peuple », « famille », « communauté ». Il ne s’agit pas de posséder Dieu, mais de le donner.

Incarnation

            Le plus bel exemple de ce que j’essaie de vous dire, c’est Marie. Je pense à cette scène extraordinaire du jour de l’Annonciation, où l’envoyé de Dieu vient lui dire : « C’est toi, Marie, qui seras la maison de Dieu parmi les hommes. » C’est cela, l’Incarnation. Marie accueille une Parole de Dieu dans la foi, et elle accepte de devenir le réceptacle de Dieu parmi les hommes, puisque Dieu veut se faire homme. Marie n’a pas fait cela pour elle. L’ange lui dit : « Le Seigneur est avec toi », comme je vous le dis chaque dimanche. Ce n’est pas pour annexer Dieu ou nous l’approprier, mais pour le donner au monde. Marie va accepter de mettre au monde, de donner au monde le Salut.

            Elle accepte toute l’incroyable nouveauté de la Parole de Dieu, bien sûr, mais pour créer dans le monde une espérance. Désormais, dans ce monde bloqué, comme l’était le monde juif sous la domination romaine, (comme l’est notre monde encore aujourd’hui) avec ses situations d’exploitation, d’injustices profondes, de perte de liberté pour un grand nombre, de misère et d’exclusion), dans ce monde bloqué où les gens aspiraient à un salut, Marie va donner cet espoir incroyable en la personne d’un bébé, d’un petit enfant.

            Ce n’est pas de l’histoire ancienne. C’est notre histoire. Nous y sommes tous personnellement impliqués. Rappelez-vous la parole de Jésus : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, mon Père l’aimera. Nous viendrons en lui et nous ferons en lui notre demeure. »

            Ce n’est pas seulement à Marie qu’il est proposé de devenir mère de Dieu, de donner Dieu au monde. C’est aussi à chacun de nous. A une condition : aimer et garder la Parole. Voilà quelle est notre responsabilité de chrétiens. En cette approche de Noël, rappelons-nous cela : Dieu ne vient pas seulement pour nous, pour notre salut personnel, mais pour que nous sachions le donner à toute la grande famille humaine et qu’elle y trouve lumière, bonheur et paix.

Retour au sommaire