Il y avait là un grand nombre de ses disciples,

 

        SIXIEME DIMANCHE ORDINAIRE (C)

 

Evangile de Jésus Christ selon saint Luc. 6, 17-26

 

 

Jésus descendit de la montagne avec les douze apôtres et s’arrêta dans la plaine. Il y avait là un grand nombre de ses disciples, et une foule de gens venus de toute la Judée, de Jérusalem et du littoral de Tyr et de Sidon. Regardant alors ses disciples, Jésus dit : « Heureux, vous les pauvres : le Royaume de Dieu est à vous. Heureux, vous qui avez faim maintenant : vous serez rassasiés. Heureux, vous qui pleurez maintenant : vous rirez. Heureux êtes-vous quand les hommes vous haïssent et vous repoussent, quand ils insultent et rejettent votre nom comme méprisable, à cause du Fils de l’homme. Ce jour-là, soyez heureux et sautez de joie, car votre récompense est grande dans le ciel : c’est ainsi que leurs pères traitaient les prophètes. Mais malheureux, vous les riches : vous avez votre consolation. Malheureux, vous qui êtes repus maintenant : vous aurez faim. Malheureux, vous qui riez maintenant : vous serez dans le deuil et vous pleurerez. Malheureux êtes-vous quand tous les hommes disent du bien de vous : c’est ainsi que leurs pères traitaient les faux prophètes. »

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Suivre l'itinéraire

 

Je ne peux pas relire les textes de l’Ecriture que nous propose la liturgie de ce dimanche sans penser à l’une des étapes d’une longue randonnée pédestre que j’avais organisée, il y a bien longtemps, pour un groupe de jeunes paroissiens. Ce matin-là, alors que nous nous préparions à démarrer après avoir réparti la part du matériel et de nourriture que chacun transportait dans son sac à dos, j’avais remis à chacun un extrait de la carte d’état-major sur laquelle était souligné l’itinéraire du jour. Et j’avais bien recommandé à tous, avant qu’ils ne s’éloignent par petits groupes de quatre ou cinq, de suivre l’itinéraire indiqué. J’avais même signalé que tout raccourci pouvait être dangereux, étant donné le dénivelé. Rendez-vous avait été donné pour le repas de midi devant l’église d’un tout petit village au milieu du trajet. Là-dessus la troupe s’était envolée. A midi, seul le petit groupe de quatre jeunes qui m’avait accompagné était devant la petite église. Et naturellement, nous avions des boîtes de conserve en quantité, alors que les absents avaient les ouvre-boîtes, le dessert pour tous, mais pas de plat principal, et pas de pain. Nous avons attendu en vain, avant de repartir. Vers quatre heures de l’après-midi, mon petit groupe était arrivé dans la grange de la ferme où nous devions passer la nuit. Largement les premiers : ceux qui avaient pris les « raccourcis » sont arrivés exténués vers huit heures du soir et les derniers ont été bienheureux de trouver un automobiliste complaisant qui les ramène en stop.

Deux routes

La leçon de l’histoire, vous pouvez la tirer vous-mêmes. Si je veux emprunter le bon chemin, j’ai intérêt à suivre les indications du guide, sinon, je risque de me perdre. C’est ce que le prophète Jérémie explique, ce que chante le psaume 1, ce qu’illustre Jésus dans l’opposition qu’il fait entre ceux qu’il nomme bienheureux et les autres qu’il déclare malheureux. Il n’y a pas trente-six routes. Il n’y en a que deux. Toujours les deux chemins, les deux voies qui sont comme un thème qui court dans toute la Bible, depuis les recommandations essentielles du livre du Deutéronome : « Vois : je mets aujourd’hui devant toi la vie et le bonheur, la mort et le malheur… J’en prends à témoin aujourd’hui contre vous le ciel et la terre, c’est la vie et la mort que j’ai mises devant vous, c’est la bénédiction et la malédiction. Tu choisiras la vie pour que tu vives, toi et ta descendance, en aimant  le Seigneur ton Dieu, en écoutant sa voix et en t’attachant à lui. » (Deutéronome 30, 15). Donc, la seule question valable pour bien gérer notre vie terrestre est celle-ci : en quoi, en qui je mets ma confiance ?

La vie ou la mort

Les exemples que prend Jésus sont éclairants, en ce qu’ils décrivent concrètement les deux chemins, celui qui conduit à la vie et celui qui conduit à notre perte. Ma tentation d’homme riche, en effet, c’est de placer ma confiance en ce que je possède. Non seulement dans ma richesse matérielle, argent et autres biens, mais en tout ce qui en découle : les relations facilitées, la considération et l’estime de mes concitoyens, brefs, tous les avantages d’une vie facilitée par la richesse. Et si je place ma confiance en ces idoles que sont les biens matériels, je ne vois pas pourquoi je mettrais ma confiance en un Dieu dont je n’ai pas immédiatement besoin, ni en sa Parole qui me demeure lointaine et même choquante. Mais, nous dit saint Paul, c’est une perspective à court terme, seulement de la longueur de mon existence terrestre. Dans une perspective à long terme, une perspective d’éternité, par contre, si j’opère un déplacement de ma propre confiance, si je cherche à faire confiance en cette parole de Dieu qui me promet la vie et le bonheur si je l’aime et si je m’attache à lui, je tiendrai pour insignifiant le fait que je sois méprisé, rejeté, moqué, insulté, haï et repoussé par les hommes. Et Dieu sait si, de nos jours, les chrétiens sont ainsi moqués, tournés en dérision, méprisés. Mais tout cela n’est que peu de choses en comparaison de ce bonheur qui m’est offert.

Il faut risquer

Seulement voilà : ce choix qui m’est demandé n’est pas facile à faire. Il y a un risque, et il faut risquer. Lâcher ce qui nous attache aux biens terrestres, faire le saut. En arriver à penser, comme saint Paul l’exprime en des termes très forts, que toutes les « valeurs » terrestres, c’est du fumier (pour employer un terme poli). Lui, il a fait le choix. Vous l’avez entendu, aujourd’hui encore, nous déclarer « Si nous avons mis notre espoir dans le Christ pour cette vie seulement, nous sommes les plus à plaindre des hommes. »

Donc, mettre notre espoir dans le Christ. Encore une fois, facile à dire ! Mais comment y parvenir ? Comment risquer notre vie sur une Parole ? Personnellement, je crois qu’il s’agit simplement d’une question d’amour. De même qu’un homme et une femme se risquent à unir leur existence sur une parole qu’ils ont entendue, prononcée, échangée, de même on ne peux faire le choix de la Vie et du bonheur qui lui est lié qu’en faisant le saut, qu’en prenant le risque d’un grand amour.

Deux chemins : un sentier bien balisé et un autre qui, si nous l’empruntons, risque de nous perdre. Vais-je ne me confier qu’en mon flair et qu’en mon expérience, ou au contraire, vais-je suivre celui qui se propose à nous comme « le Chemin, la Vérité et la Vie. » ?

 

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