L'Esprit Saint vous enseignera tout
LA PENTECÔTE (C)
Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 14, 15…26
À l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : « Si vous m’aimez, vous resterez fidèles à mes commandements. Moi, je prierai le Père, et il vous donnera un autre Défenseur qui sera pour toujours avec vous :
Si quelqu'un m'aime, il restera fidèle à ma parole ; mon Père l'aimera, nous viendrons chez lui, nous irons demeurer auprès de lui. Celui qui ne m'aime pas ne restera pas fidèle à mes paroles. Or, la parole que vous entendez n'est pas de moi : elle est du Père, qui m'a envoyé. Je vous dis tout cela pendant que je demeure encore avec vous ; mais le Défenseur, l'Esprit Saint que le Père enverra en mon nom, lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.oOo
Une naissance
La fête de la Pentecôte, c’est la fête de l’Eglise. Les deux récits de l’Ecriture qui nous rapportent la venue de l’Esprit Saint sur la première communauté chrétienne, que ce soit, selon l’évangile de Jean, au soir de Pâques lorsque Jésus souffle sur les disciples, rappelant ainsi le récit de la création de l’homme au livre de la Genèse ; ou, selon le livre des Actes des Apôtres, au matin de la Pentecôte lorsque l’Esprit survient sur les apôtres sous forme de vent violent et de langue de feu nous disent la même chose : le don de la vie, une naissance. La naissance de la jeune Eglise.
Ces deux récits utilisent des images hautement symboliques. Des images qui ne peuvent nous parler pleinement que si nous en approfondissant la signification, et donc, si nous dépassons leur sens anecdotique. Je vous disais que le récit évangélique fait allusion au récit de la création de l’homme, lorsque Dieu, ayant façonné son modèle avec de la glaise, souffle dans ses narines un souffle de vie. Aujourd’hui, je voudrais souligner davantage les allusions du récit des Actes des Apôtres, en mentionnant, d’une part, le fait que, dès que l’Esprit survient sur les disciples, les murs, les fenêtres et les portes du lieu où ils étaient enfermés semblent s’effacer ; et d’autre part que, dès que la communication est établie entre eux et la foule qui est dans la rue, tout le monde comprend leur message, « chacun dans sa propre langue », alors que ces gens viennent d’un peu partout.
Babel
Voilà deux faits qui, obligatoirement, nous renvoient à un autre récit mythique du début de la Bible : l’histoire de la tour de Babel. Dans cette légende, il nous est rapporté que les humains ont voulu se construire une tour (quelque chose de fermé, de replié sur soi-même) et que Dieu a démoli leur projet en multipliant leurs langages, de façon à ce qu’ils ne s’entendent plus. Que veut nous dire cette légende ? Ceux qui l’ont racontée, puis écrit dans la Bible visaient Babylone, la capitale de l’Irak de l’époque, qui faisait planer sur tout le Moyen Orient la menace d’une domination universelle. La multiplication des langues met fin à cette prétention totalitaire : les hommes veulent affirmer leur différence et résister à cette volonté de pouvoir absolu. Pas question d’une tour qui prétendrait s’élever jusqu’au ciel : chaque peuple tient à affirmer son identité propre.
Ce qui se produit au matin de Pentecôte, c’est, d’une part l’abolition de tous les murs qui enferment les humains, et donc la possibilité de communication sans exclusives, et d’autre part, le fait que les gens qui sont dans la rue peuvent entendre le message « dans leur propre langue » .Ce ne sont pas les disciples qui deviennent polyglottes. Le miracle est chez leurs auditeurs. Pas question d’uniformité. La plus grande diversité demeure entre ceux qui accueillent la Parole. Voilà l’œuvre du Saint Esprit. Tous accueillent la même Parole, mais tous l’accueillent avec leurs différences de langue, de culture, de mentalité
Richesse de la différence
Car nous sommes tous différents. Et c’est dans cette différence que réside notre richesse. . C’est vrai pour les personnes. C’est vrai, de même, pour les nations, les peuples, les religions. Que ce serait ennuyeux, un monde où tous les hommes se ressembleraient et penseraient de la même manière ! C’est dans la diversité des cultures, des histoires, des mentalités que réside la richesse des peuples. « L’ennui naquit un jour de l’uniformité. » Eh bien, je crois que le message de la Pentecôte, c’est justement celui-là : si vous refusez la différence chez les autres, si vous voulez imposer par la force à des pays différents des habitudes, des manières de penser et de faire qui ne sont pas les leurs, c’est le pire des totalitarismes et vous allez à la catastrophe ; Ou tout au moins à des impasses. Par contre, si vous respectez leurs manières de vivre et de penser, même et surtout si elles sont différentes des vôtres, vous allez enrichir l’humanité.
La règle s’applique à toute société : il s’agit de refuser – comme Dieu le fit avec Babel, dans la légende – de nouvelles Babylone élevant face à Dieu leurs tours bien fermées et repliées sur elles-mêmes jusqu’au ciel. Il en est de même pour l’Eglise. Elle a connu la tentation d’une uniformisation à outrance, particulièrement après la Réforme. Avec Vatican II, elle a réaffirmé l’importance d’annoncer le message de telle sorte que chaque peuple et chaque culture le reçoive « dans sa langue », c’est-à-dire dans le respect de tout ce qui fait sa différence culturelle. Ce n’est pas encore gagné !
Eloge de la différence : refus de la tentation constante de tous les totalitarismes, aussi bien dans les sociétés civiles que dans les religions. Que tous les hommes soient standardisés, tenant le même langage, et malheur aux dissidents, voilà le danger ! Le rassemblement humain dans l’Esprit sera polyphonie, symphonie, ou sera un piège mortel.
« Les dons de la grâce sont variés, mais c’est toujours le même Esprit », écrit saint Paul. Soyons concrets, pour bien saisir l’importance de ces propos. Si, par exemple, on n’admet pas que des « langages » différents puissent être tenus dans nos églises ; si l’on s’en tient à une « vérité » monolithique, aussi bien pour la morale que pour ce que l’on croit, c’est que l’Esprit ne nous a pas encore conduits « vers la vérité tout entière ». Personne, en effet, n’a le monopole de l’Esprit. Si nous vivons vraiment de l’Esprit, tout le monde, de quelque peuple, de quelque religion que ce soit, pourra percevoir le message de l’évangile, « chacun dans sa propre langue. »