L'Esprit  vous guidera vers la vérité tout entière.

 


 

LA SAINTE TRINITE (C)

 

Evangile de Jésus Christ selon saint Jean 16, 12-15

 

 

Avant de passer de ce monde à son Père, Jésus disait à ses disciples : « J’aurais encore beaucoup de choses à vous dire, mais pour l’instant vous n’avez pas la force de les porter. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous guidera vers la vérité tout entière. En effet, ce qu’il dira ne viendra pas de lui-même : il redira tout ce qu’il a entendu, et ce qui va venir, il vous l’expliquera. Il me glorifiera, car il reprendra ce qui vient de moi pour vous l’expliquer. Tout ce qui appartient au Père est à moi ; voilà pourquoi je vous ai dit : il reprend ce qui vient de moi pour vous l’expliquer. »

oOo

Qui est Dieu ?
 

Qui est Dieu ? Bien malin celui qui pourrait le dire ! Ce n’est pas une simple boutade que je formule là. C’est un fait d’expérience. Déjà lorsqu’on parle d’une simple personne humaine, bien malin qui pourrait dire qui elle est. Je ne me connais pas moi-même - la sagesse grecque disait « Connais-toi toi-même »  - alors, à plus forte raison m’est-il difficile, sinon impossible de dire l’autre. Parlant de soi-même, l’auteur du psaume dit : « L’être étonnant que je suis ». Et c’est vrai. A la réflexion, il y a tant de choses étonnantes dans mes attitudes, mes comportements. Je m’étonne moi-même, j’essaie de me découvrir, et c’est une tâche jamais terminée Et donc, à plus forte raison de dire Dieu. L’intimité de toute personne a quelque chose de mystérieux et de secret. A plus forte raison l’intimité de Dieu. Alors, qui est Dieu ?

Seul Dieu se connaît. Il se connaît parfaitement. C’est même en cela qu’il est Dieu. Et s’il est mystérieux pour ses créatures, il ne l’est pas en lui-même. Non seulement il se connaît, mais il est connu. C’est Jésus qui nous le dit : lui, il connaît parfaitement le Père. A tel point que le Père et lui ne font qu’un. Et entre les deux, il y a l’amour. Ce qui fait trois. « Nul ne connaît le Père, sinon le Fils et celui à qui le Fils veut le révéler. » Tout est dit ! C’est en Jésus Christ, c’est grâce à lui que je peux savoir qui est Dieu. Grâce à lui le secret de sa personne, son mystère propre m’est dévoilé.

Indéfinissable ?

Ce qui ne veut pas dire que je vais pouvoir dire Dieu avec mes mots humains, que je vais pouvoir le définir. C’est comme pour toute œuvre d’art. Je me souviens de la première fois où j’allais voir l’église du Sacré Cœur d’Audincourt, qui venait d’être terminée. Devant l’église, j’ai rencontré le P. Couturier et, profitant de l’occasion, je lui ai demandé de m’expliquer la très belle mosaïque de Jean Bazaine qui illumine la façade. Je me suis attiré cette réponse : « Il n’y a rien à expliquer, monsieur l’abbé. Il suffit de regarder, de contempler. » Il en est ainsi de toute œuvre d’art. Il en est ainsi, je crois, de toute personne humaine. Pour expliquer, c’est impossible. A plus forte raison quand il s’agit de dire Dieu.

Et pourtant, les théologiens de tous temps et de toutes écoles ont essayé de définir Dieu, et de l’expliquer. Et ils en sont venus, au début du IVe siècle je crois, à employer le mot Trinité. Ce ne fut pas sans peine. Au concile de Nicée en 325, on rejetait l’idée de trois personnes en Dieu, parce que le mot de « personne » risquait d’établir une hiérarchie, une inégalité entre le Père, le Fils et l’Esprit. Or, en 381, le concile de Constantinople décrit Dieu comme « une trinité de personnes ». En 56 ans,  le contexte culturel avait changé et le mot « personne » ne signifiait plus la même chose. C’est vous faire toucher du doigt la difficulté qu’il y a pour dire le mystère divin. Comment, à travers nos pauvres mots humains, exprimer une réalité qui se révèle plus ou moins indicible ?

Eh bien je crois qu’un seul mot peut dire Dieu en vérité C’est une personne : Jésus Christ. Qu’est-ce qui s’est passé ? D’abord, une expérience : celle des disciples. Ils ont rencontré cet homme, Jésus, si étonnant, si séduisant, et ils se sont tout de suite demandé : « Qui est-il ? » Leur réponse ne s’est pas faite d’un seul coup. Il a fallu une longue fréquentation, des questionnements et des doutes, des adhésions et des reculs, et même des reniements, avant qu’ils puissent – après la résurrection dont ils furent témoins – déclarer que Jésus est une personne divine. Ce Jésus qu’ils avaient fréquenté assidûment leur avait sans cesse parlé de Dieu comme de son père. Celui à qui dans sa prière il disait « abba », papa, le mot de l’intimité filiale. Par ailleurs, Jésus les avait longuement préparés à son départ en leur promettant de ne pas les abandonner, mais de leur communiquer son esprit, c’est-à-dire sa propre vie, une nouvelle manière de leur être intimement présent. Non plus à côté, mais en eux. Nouvelle forme de présence, invisible et cependant infiniment plus efficace et plus réelle.

Comme une petite fille

Les disciples ont d’ailleurs bien vite fait l’expérience de cette présence en eux de l’Esprit qui les animait et les poussait à constituer le nouveau peuple de Dieu. Dieu se révèle toujours dans son action dans l’histoire humaine. Si bien que, à partir de ce qu’il faisait dans le monde, les chrétiens ont déduit ce que Dieu était en lui-même. Et aussitôt des réminiscences ont afflué à leur esprit, issues de leur connaissance de la Bible. Ils se sont souvenus en particulier du livre de la Sagesse, qui présente la Sagesse divine – cette action de Dieu hors de Dieu, et qui pourtant est divine, puisqu’elle existe avant toute création - comme une petite fille qui s’amuse énormément à faire jaillir  les sources et à implanter les montagnes. Le contraire d’un Dieu solitaire comme tous les peuples l’ont toujours imaginé. Hélas !

D’où les formules que nous trouvons dans les textes du Nouveau Testament qui nous présentent toutes Dieu Père, Fils et Esprit. Mais comment l’Unique peut-il être Père, Fils et Esprit ? C’est qu’il faut bien s’entendre sur cette idée d’unité en Dieu. Il ne s’agit aucunement d’une unité figée, mais d’une unité en genèse, toujours réalisée et toujours se faisant. Un peu comme notre corps qui ne tient que tant que ses divers éléments travaillent ensemble à l’unité de l’ensemble. Dieu est donc en lui-même échange, réciprocité. Ce qui est échangé, c’est Dieu lui-même, tout entier, toute sa substance. La solidité de Dieu, c’est la relation. Le fond de l’être est la relation.

Voilà qui éclaire considérablement l’être humain, qui est image et ressemblance de l’Unique. En notre corps comme en notre esprit, nous sommes relations. Nous n’existons qu’en étant reliés. Tout découle de là.

C’est ce qu’exprime saint Jean en une simple formule qu’il nous faut sans cesse approfondir : « Dieu est Amour ». L’amour, c’est la forme parfaite de la relation. Si Dieu est Amour, il n’y a pas d’amour sans objet aimé. Il s’aime. Il est aimé. Il nous aime. Il nous invite à entrer de plus en plus intensément dans sa vie d’amour.

 

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