THEOLOGIE "POUR LES NULS"

CETTE ANNEE : LE BAPTEME.

6e séquence : La traversée de la mort.

(Juin2001)

"Souviens-toi de celui que tu as appelé auprès de toi aujourd'hui.
Puisqu'il a
été baptisé dans la mort de ton Fils
Accorde-lui de participer
à sa résurrection." (
Liturgie des défunts)

"Agneau pascal, immolé, toujours vivant
Fais revivre en toi ceux qui ont travers
é les eaux du baptême."
(Antienne.)

"Tu as été plongé dans la mort de Jésus,
Que la mort de J
ésus t'emporte vers le Père."
(Chant pour le dernier adieu)

Un jour, une paroissienne, qui faisait partie de l'équipe d'animation des obsèques à la paroisse, m'a dit en sortant d'un enterrement : "Vous ne pourriez pas arrêter de dire que nous avons été "baptisés dans la mort de Jésus" ? Qu'est-ce que cela veut dire ! Quand on est baptisés, on entre dans la vie de Dieu, pas dans la mort, non ? " J'ai essayé de lui expliquer, mais j'ai balbutié des paroles qui, j'en suis certain, n'ont pas été convaincantes.

Une autre fois, j'étais dans une famille profondément chrétienne pour préparer le baptême du petit dernier, et je me suis hasardé à parler du baptême comme d'une plongée dans la mort avec le Christ, pour re-naître à la vie nouvelle avec le Ressuscité. J'ai rencontré, d'abord, un certain étonnement, puis un net refus d'entendre. Le désir des parents, c'était de faire, par le baptême, un enfant de Dieu, sous la protection paternelle de Dieu, appelé à une vie nouvelle. Comment parler de mort quand il est question de célébrer la naissance d'un enfant à la vie ?

Cependant...

"Ignorez-vous que nous tous, baptisés en Jésus Christ, c'est dans sa mort que nous avons été baptisés ? Par le baptême, en sa mort, nous avons donc été ensevelis avec lui, afin que, comme Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous menions nous aussi une vie nouvelle." (Paul aux Romains 6, 3-4)

"Ensevelis avec le Christ dans le baptême, avec lui encore vous avez été ressuscités puisque vous avez cru en la force de Dieu qui l'a ressuscité des morts." (Paul aux Colossiens 2, 12)
Voilà ce que dé
clare saint Paul.

 

Une pratique millénaire.

Comprenez-vous maintenant pourquoi j'insiste, depuis le début de ces séquences sur le baptême, pour bien vous mettre dans la tête que lorsqu'on emploie le mot "baptême", il faut toujours penser "plongeon" : de même que Jésus a été plongé dans la mort le Vendredi Saint, pour re-surgir à une vie tout autre au matin de Pâques, les baptisés sont plongés (symboliquement) dans la mort pour re-naître à la vie nouvelle. C'est ainsi que l'entendaient, comme Paul et comme les apôtres, les premières générations chrétiennes. Et même toutes les églises chrétiennes pendant tout le premier millénaire.

La preuve ? Pendant des siècles, on ne célébrait normalement le baptême qu'au cours de la nuit pascale. On a conservé un des "capitulaires" de Charlemagne qui précise : "Aucun baptême ne pourra avoir lieu en dehors des temps prescrits pour cela, c'est-à-dire Pâques et Pentecôte, à moins qu'une nécessité de santé n'intervienne. Les baptêmes doivent également avoir lieu dans des centres publics (in vicis publicis) où se trouve un baptistère, sauf en cas de maladie" (Le texte précise également qu'on ne réclamera aucun argent pour les baptêmes). Et il suffit d'aller visiter (en Italie par exemple) des églises anciennes, pour trouver des baptistères qui sont de véritables piscines, dans des bâtiments séparés de l'église.

 

Deux difficultés surgissent immédiatement, qui nous rendent difficile aujourd'hui d'envisager ainsi le baptême. D'abord, le fait que, généralement, on baptise des petits enfants ; et ensuite, le fait que la célébration du sacrement elle-même n'est pas très signifiante, pas très parlante.

 

Les bébés ?

Au point de départ (voir les récits des Actes des Apôtres), il y a des gens, des adultes, qui demandent à entrer dans l'Église. Au matin de la Pentecôte, la foule demande à Pierre, qui vient de leur parler de Jésus mort et ressuscité : "Que devons-nous faire ?" Pierre répond : "Convertissez-vous ; que chacun de vous reçoive le baptême au nom de Jésus Christ pour le pardon de ses péchés." Donc, en préalable au baptême, il y a une conversion, et c'est suite à cette démarche personnelle de conversion qu'intervient le baptême comme signe du pardon des péchés. Pas de baptême sans conversion personnelle. Alors, qu'en est-il pour les petits bébés ? Comment peut-on parler, dans leur cas, de "mourir au péché" ? C'est une vraie question, et il nous faudra y revenir dans les mois qui viennent.

 

Quelques gouttes d'eau !

Autre difficulté : on ne peut pas dire que le rite actuel (du moins dans la plupart des cas), où l'on verse quelques gouttes d'eau sur la tête d'un enfant, alors que la "mamie" est là pour dire : "Pas trop, s'il vous plait ; et au moins, est-ce qu'elle n'est pas trop froide ?" ; on ne peut pas dire que le rite soit très parlant.

J'ai assisté, il y a quelques années, à un baptême célébré dans une église orthodoxe. J'en suis sorti ému, émerveillé. Tout était "signe", et particulièrement le geste du prêtre qui - avec quelle dextérité ! - plongeait par trois fois, entièrement, le petit bébé nu dans la grande cuve baptismale, avant de l'envelopper dans un grand linge blanc. Cela avait de l'allure ! Un de mes paroissiens m'a dit récemment qu'il avait assisté au même rite très significatif dans une paroisse catholique (c'est prévu dans le rituel catholique, en effet).

Samedi dernier, je préparais le baptême d'un petit Aloïs, le fils d'une de nos organistes. Et voilà, ô surprise, que la maman, au cours de la conversation, me dit : "J'ai quelque chose à vous demander : ne pourrait-on pas baptiser mon bébé en le plongeant tout entier dans la cuve baptismale ?" Je l'aurais embrassée, moi qui déclarais encore récemment que je regrettais de quitter bientôt mon ministère actif sans avoir fait de baptême par immersion ! Enfin, on va pouvoir faire un geste profondément significatif.

Mourir pour vivre.

Quelle signification ? Le baptême a opéré un jour, pour chacun de nous, le grand passage de la mort à la vie. Il inaugure ainsi une vie tout entière placée sous le signe du passage, de la Pâque. D'ailleurs, que de passages, que de plongeons ne faut-il pas faire dans la vie ! Il faut mourir à l'enfance pour devenir un jeune homme, une jeune fille. J'ai connu une personne qui avait refusé de sortir de l'enfance : à quarante ans, elle s'habillait comme une petite fille de douze ans était habillée en 1930 : c'était une malade ! De même, il faut mourir à son adolescence pour devenir adulte : il n'y a rien de plus ridicule que ces adultes qui jouent les "jeunets" ! Il faut mourir à la vie de célibataire pour entrer dans l'aventure de la vie à deux. Et pour passer du couple à la famille en accueillant l'enfant, il y a un nouveau passage. Et laisser ses enfants devenir adultes et partir, et accepter de vieillir, voilà encore des passages, des "morts" souvent douloureuses. Eh bien, vivre son baptême, c'est "mourir chaque jour" comme dit saint Paul (1 Corinthiens 15, 31). C'est chaque jour "se jeter à l'eau", et "aventurer sa vie", comme disait sainte Thérèse d'Avila. Choix, non pas de la mort, mais de la vie. Bien vivre son baptême c'est (pour paraphraser saint Paul) naître chaque jour. C'est vivre sa vie à la manière du Christ, à sa suite. C'est être associé à la vie de Jésus, une vie donnée, une vie pour les autres, la vie véritable, plus authentiquement humaine qu'une vie gardée pour soi : "Nous savons que nous sommes passés de la mort à la vie, écrit saint Jean, parce que nous aimons nos frères."

Une triple dimension.

La démarche du chrétien baptisé, qui veut vivre à la manière du Christ, à sa suite, revêt une triple dimension : spirituelle, morale et communautaire. Que de "passages" à faire !
La dimension spirituelle concerne le rapport du bapt
ême à l'événement pascal (la mort-résurrection du Christ, son propre baptême, son propre plongeon). Relisez la citation de saint Paul : "Nous avons été ensevelis avec lui par le baptême dans la mort, afin que, comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivions nous aussi dans une vie nouvelle." Le baptême chrétien est tout autre chose que celui que donnait Jean Baptiste, "pour la rémission des péchés". Le baptême chrétien donne de naître à la vie divine, parce qu'il nous fait participer à la mort et à la résurrection de Jésus. Certes, une telle participation n'est ni complète ni radicale, mais elle nous engage sur un chemin, le chemin de Jésus "premier-né d'entre les morts". Par le baptême, nous sommes entrés dans la vie nouvelle, la vie divine.
Nous voil
à entrés. Seulement entrés. Il va falloir que l'appartenance au Christ atteigne en profondeur toute notre existence. C'est ce que j'appelle la dimension morale du sacrement. De même que la mort de Jésus fut une mort au péché et que sa vie est une vie pour Dieu, les baptisés doivent manifester leur appartenance au Christ en fuyant le mal et en vivant dans la justice et la droiture. C'est encore saint Paul qui nous y invite : "Que le péché ne règne donc plus dans votre corps mortel... Ne mettez plus vos membres au service du péché comme des armes de l'injustice, mais, comme des vivants revenus d'entre les morts, avec vos membres comme armes de la justice, mettez-vous au service de Dieu." (Romains 6, 12-13) Certes, les obstacles ne manquent pas sur ce chemin. Nous en savons tous quelque chose ! Le baptême que nous avons reçu ne nous dispense pas d'un permanent combat contre les forces du mal. Mais parce que notre vie est de plus en plus marquée par la présence du Christ, nous avons pour objectif de faire advenir dans l'ensemble de notre existence le don de la grâce reçu au jour de notre baptême.
Enfin, remarquez la dimension communautaire de ce sacrement. Paul le souligne quand il
écrit : "Nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit pour être un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres." Nous ne pouvons pas regarder le baptême dans sa dimension simplement individuelle : en fait, il nous agrège au peuple de Dieu, nous fait entrer dans l'Église Universelle. Pas seulement dans l'Église catholique, mais il nous unit "avec ceux qui, étant baptisés, portent le beau nom de chrétiens sans professer pourtant intégralement la foi ou sans garder la communion sous le successeur de Pierre." (Concile Vatican II - Lumen Gentium)

Pour conclure (provisoirement).

La mort et la résurrection du Christ ont inauguré une alliance nouvelle, où le signe de l'eau est plongée dans la mort pour naître à la vie divine. Ce signe que nous avons reçu au jour de notre baptême doit exprimer l'acceptation de mourir à soi-même, de donner sa vie pour le salut du monde. C'est cela, devenir disciple du Christ.

Voilà. Pas trop difficile à suivre ? J'ai essayé de n'être pas trop "intello", mais il n'est pas toujours facile de dire concrètement des réalités spirituelles, qui se vivent au coeur de notre propre expérience, si nous le voulons. Je vous souhaite, à vous toutes et tous qui êtes sur le chemin, de devenir chaque jour davantage "l'homme nouveau créé selon Dieu dans la justice et la sainteté qui viennent de la vérité." (Ephésiens 4, 24)

29 mai 2001