Je vous laisse la paix
Je vous donne ma paix 

      6e DIMANCHE DE PAQUES

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean ( 14, 23-29)

En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples :
« Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole ;
mon Père l’aimera, nous viendrons vers lui
et, chez lui, nous nous ferons une demeure.
Celui qui ne m’aime pas ne garde pas mes paroles.
Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi :
elle est du Père, qui m’a envoyé.
Je vous parle ainsi, tant que je demeure avec vous ;
mais le Défenseur, l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom,
lui, vous enseignera tout, et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit.

Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ;
ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne.
Que votre cœur ne soit pas bouleversé ni effrayé.
Vous avez entendu ce que je vous ai dit :
Je m’en vais, et je reviens vers vous.
Si vous m’aimiez, vous seriez dans la joie puisque je pars vers le Père,
car le Père est plus grand que moi.
Je vous ai dit ces choses maintenant, avant qu’elles n’arrivent ;
ainsi, lorsqu’elles arriveront, vous croirez. »

oOo

Où est Dieu

Il en est de certains passages d’évangile - de celui-ci en particulier - comme de certaines liqueurs : on ne les boit pas d’un seul coup, mais on les savoure par petites gorgées. Ce matin, on ne va pas tout boire d’un seul coup. On va savourer une toute petite gorgée de la Parole de Dieu, cette phrase de Jésus : « Si quelqu’un m’aime, mon Père l’aimera, nous viendrons chez lui, et nous ferons en lui notre demeure ».

 C’est une question très actuelle, c’est une question de tous les temps, de savoir où est Dieu. Les peuples les plus anciens avaient imaginé leurs dieux siégeant là-haut, au ciel (ou sur l’Olympe) et ils leur avaient attribué toutes les qualités et tous les défauts, et même les vices des humains. Notre Dieu, par contre, quand il se révèle à l’aube de l’histoire, le fait pour répondre au cri d’un peuple menacé de génocide, le peuple israélite qui crie, dans le malheur de l’esclavage en Egypte : « Mais Dieu, où est-il ? Et que fait-il ? » Dieu se manifeste à Moïse : « J’ai vu la misère de mon peuple en Egypte et je t’envoie pour le libérer ».

Le Tout-Proche 

Dieu se révèle comme le Tout-Autre, certes, mais aussi comme le Tout-Proche. il s’engage dans l’histoire humaine, aux côtés de ce ramassis de gens malheureux, menacés de mort. Il intervient pour libérer son peuple. Si bien que pour les Israélites, aussi bien dans leur longue marche au désert qu’après leur installation dans la terre de Canaan, Dieu est « Dieu-avec-nous ». Un Dieu proche de son peuple. Et le signe de cette proximité, c’est, d’abord, l’arche d’alliance pendant la longue marche, et ensuite le Temple de Jérusalem après la conquête de la Palestine. 

Mais cette situation sera toujours une situation conflictuelle, entre un peuple qui veut « annexer » son Dieu, le récupérer, l’utiliser, et Dieu, qui veut que sa présence soit une présence critique. Dieu qui ne veut pas être le Dieu d’une nation, d’un petit peuple, mais qui désire façonner le peuple pour qu’il soit au milieu des nations le témoin de l’universel.

 En esprit et en vérité

Si vous aviez demandé à Pierre, à André, à l’un des amis de Jésus : « Où est Dieu ? », il vous aurait répondu : « Dieu a sa résidence principale au ciel ». Le ciel étant l’espace situé au-dessus du « firmament », le ciel où se trouvent, au-dessus des « eaux supérieures », de magnifiques jardins et le palais de Dieu. Et puis Pierre, où l’un des autres, aurait ajouté : « Mais Dieu a aussi une « résidence secondaire », au centre du monde, à Jérusalem : c’est le Temple. C’est là qu’on va l’adorer ». C’était la pensée commune des Juifs. Mais il y avait les « hérétiques » : les Samaritains. Rappelez-vous la conversation de Jésus et de la femme de Samarie qui vient puiser de l’eau pendant l’heure de midi. La Samaritaine, à bout d’arguments, dit à Jésus : « Vous, les Juifs, vous dites qu’il faut adorer Dieu à Jérusalem, mais nous, les Samaritains, nous adorons Dieu sur la montagne, comme l’ont fait nos pères, depuis Abraham ». Jésus lui répond : « L’heure vient, et c’est maintenant, où tous ceux qui adorent le Père l’adoreront, non sur la montagne, non à Jérusalem, mais en esprit et en vérité ». C’est-à-dire partout. 

Les apôtres n’ont sans doute pas compris, au soir du Jeudi-Saint, la parole de Jésus : « Si quelqu’un m’aime...mon Père l’aimera...et nous ferons chez lui notre demeure ». La demeure de Dieu, ce n’est plus le Temple de Jérusalem, ce n’est plus n’importe quel édifice. C’est tout homme qui croit en lui et qui l’aime d’un amour personnel. D’une religion fermée sur elle-même, l’Esprit va pousser les disciples à passer à une religion ouverte sur le monde.

catholique = universelle 

C’est l’enjeu du concile de Jérusalem, dont nous lisions (1ère lecture de ce jour) les résolutions finales. Alors que Paul et Barnabé, missionnaires en territoire païen, accueillent dans la jeune Eglise des hommes de toutes conditions sans les soumettre aux obligations de la religion juive, un courant conservateur (l’Eglise qui est à Jérusalem est issue en partie des milieux pharisiens) voudrait que tout le monde, avant de devenir chrétien, devienne un bon juif. Il y aura discussion large et franche, avant qu’à l’unanimité, on ne décide d’ouvrir l’Eglise à tous, sans aucune obligation supplémentaire. L’Esprit de Jésus est un Esprit d’ouverture à l’universel.

 Et nous aujourd’hui ? Sommes-nous des chrétiens ouverts, ou des gens figés, crispés, avec des œillères, confondant l’Esprit de Jésus et tout ce qui est coutume, traditions, mentalités nationalistes, voire racistes ? Ce cadeau que Dieu nous fait, son Esprit, qu’en faisons-nous ? Parfois, on fait un cadeau et celui qui le reçoit ne manifeste qu’un plaisir modéré, ou n’utilise pas ce qu’on lui a offert : on est tombé à côté. Je voudrais être certain que Dieu, en nous donnant son Esprit, n’est pas « tombé à côté ». Voilà, aujourd’hui, l’enjeu de la Parole que Dieu nous adresse. Laissons-nous transformer par l’Esprit : il nous ouvrira à l’Universel.

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