LE SEPTIEME HOMME.
Jésus arrivait à une ville de Samarie appelée Sykar, près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph, et où se trouve le puits de Jacob. Jésus, fatigué par la route, s'était assis là, au bord du puits. Il était environ midi.
Arrive une femme de Samarie qui venait puiser de l'eau. Jésus lui dit : "Donne-moi à boire." (En effet, ses disciples étaient partis à la ville pour acheter de quoi manger.) La Samaritaine lui dit : "Comment ! Toi qui es Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ?" (En effet, les Juifs ne veulent rien avoir de commun avec les Samaritains.) Jésus lui répondit : "Si tu savais le don de Dieu, si tu connaissais celui qui te dit : "Donne-moi à boire", c'est toi qui lui aurais demandé, et il t'aurait donné de l'eau vive."
Elle lui dit : "Seigneur, tu n'as rien pour puiser, et le puits est profond ; avec quoi prendrais-tu l'eau vive ? Serais-tu plus grand que notre père Jacob qui nous a donné ce puits, et qui en a bu lui-même, avec ses fils et ses bêtes ?" Jésus lui répondit : "Tout homme qui boit de cette eau aura encore soif ; mais celui qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif ; et l'eau que je lui donnerai deviendra en lui source jaillissante pour la vie éternelle."
La femme lui dit : "Seigneur, donne-la moi, cette eau : que je n'aie plus soif, et que je n'aie plus à venir ici pour puiser. Je le vois, tu es un prophète. Alors, explique-moi : nos pères ont adoré Dieu sur la montagne qui est là, et vous, les Juifs, vous dites que le lieu où il faut adorer est à Jérusalem." Jésus lui dit : "Femme, crois-moi : l'heure vient où vous n'irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père. Vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous adorons, nous, celui que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. Mais l'heure vient - et c'est maintenant - où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et en vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père. Dieu est esprit, et ceux qui l'adorent, c'est en esprit et vérité qu'ils doivent l'adorer." La femme lui dit : "Je sais qu'il vient, le Messie, celui qu'on appelle Christ. Quand il viendra, c'est lui qui nous fera connaître toutes choses." Jésus lui dit : "Moi qui te parle, je le suis."
Beaucoup de Samaritains de cette ville crurent en Jésus. Lorsqu'ils arrivèrent auprès de lui, ils l'invitèrent à demeurer chez eux. Il y resta deux jours. Ils furent encore plus nombreux à croire à cause de ses propres paroles, et ils disaient à la femme : "Ce n'est plus à cause de ce que tu nous as dit que nous croyons maintenant ; nous l'avons entendu par nous-mêmes, et nous savons que c'est vraiment lui le Sauveur du monde."
Evangile de Jésus Christ selon saint Jean 4, 5-42 TROISIEME DIMANCHE DE CAREME (A) oOo Trois bonnes raisons.
Décidément, Jésus ne fait jamais rien comme les autres ! Il est envoyé par son Père pour apporter au monde une Bonne Nouvelle. On aurait pu imaginer que, pour transmettre cette Bonne Nouvelle, il s'adresserait à un homme, à un compatriote Juif, à quelqu'un d'honorable. Non ! Il s'adresse à une femme, une Samaritaine, et, qui plus est, à une femme dont la réputation est certainement douteuse.
Jésus, en effet, avait trois bonne raisons de ne pas s'adresser à la Samaritaine. D'abord, parce que c'était une femme et qu'à cette époque-là, jamais un homme ne se permettait de s'adresser seul à seule à une femme qui n'était pas la sienne. Deuxièmement, cette femme était une Samaritaine, et depuis 700 ans, les Juifs considéraient les Samaritains comme des bâtards, des hérétiques, des ennemis. On ne se parlait plus. Enfin, il y avait une troisième bonne raison pour ne pas s'adresser à cette femme : c'est qu'elle en était à son sixième mari, et donc qu'aux yeux de ses compatriotes, elle ne devait pas avoir une réputation de sainteté !
Grâce à l'ADN.
Et pourtant, c'est grâce à cette femme, à la Samaritaine, que nous est parvenu, à nous aujourd'hui, le grand message de l'Amour de Dieu : Dieu nous aime tellement qu'il nous envoie son fils ; bien plus, il nous donne sa vie. Jésus dit à la Samaritaine : "Si tu savais le don de Dieu ET qui est celui qui te parle, tu lui demanderais de l'eau vive".
Il nous faut réfléchir sur ce don que Dieu nous fait en son fils Jésus. Je lisais encore dernièrement, une information concernant les empreintes génétiques. Vous savez que maintenant, grâce à une simple prise de sang, un homme peut savoir, par exemple, s'il est vraiment le père de tel enfant. On peut également grâce à l'ADN qui est unique pour chaque individu, conduire une enquête policière. Chaque être humain est unique et transmet une part de ce qui fait son identité à ses descendants. Quand un homme donne la vie, il ne se contente pas de transmettre la vie, il donne un peu de SA vie. Il donne certains traits qui sont de lui, et de lui seul ; il transmet certains traits qui fondent sa propre identité. De même, Dieu ne nous donne pas seulement la vie, mais SA vie. C'est-à-dire que par certains aspects de notre personnalité, nous ressemblons à Dieu, notre Père. C'est cela que Jésus veut nous dire quand il parle du don de Dieu : Dieu nous communique sa vie d'amour, comme une source jaillissante de vie éternelle.
Avez-vous soif ?
C'est donc une révélation extraordinaire que Jésus fait à cette femme. Et s'il l'a fait à la Samaritaine, ce n'est pas pour rien. Car cette vie qu'il nous communique comme une source d'eau vive, elle jaillit pour nous, et elle nous transforme pour que nous puissions être nous-mêmes source d'eau vive. Mais est-ce que nous avons soif ?
En tout cas, la Samaritaine, elle, avait soif. Pas seulement soif de l'eau qu'elle venait puiser plusieurs fois par jour au puits de Jacob, une soif qui s'éteignait seulement pour quelques instants quand elle avait bu. Elle avait soif d'absolu, je crois. Elle avait une soif d'amour : six couples, les cinq premiers, ratés, et le sixième ? "Je n'ai pas de mari". Le sixième ne devait pas encore être le bon. Elle voulait trouver l'amour, et elle cherchait désespérément jusqu'à ce qu'elle rencontre le "septième homme", celui qui vient se présenter pour apaiser toute sa soif d'amour. Avons-nous soif ?
De passage en passage.
A la Samaritaine, Jésus a fait faire des "passages". Je pense qu'elle n'a peut-être pas très bien compris le premier passage : de l'eau ordinaire à l'eau vive. Jésus voulait lui dire qu'il y avait toutes sortes de soifs, et pas seulement la soif ordinaire d'une boisson quelconque : toutes nos soifs humaines, faim et soif de respectabilité, de bonheur, d'amour. Est-ce que nous avons ainsi soif d'absolu, soif d'un amour total ? En tout cas, Jésus va lui faire faire ce passage. Et bien d'autres passages ! La Samaritaine, comme nous tous, avait dans l'idée un Dieu lointain, et voilà que d'un seul coup, elle fait la rencontre d'un Dieu tout proche. Elle pensait "religion", et même (pardonnez-moi l'expression) "boutique". Faut-il adorer sur la montagne ou à Jérusalem ? Jésus l'invite à passer de la religion-boutique au culte "en esprit et en vérité". Elle va parvenir à la vraie foi.
Et nous ?
La Samaritaine a fait ces passages très rapidement, et ensuite, elle est allée crier sa foi aux gens de son pays. Avons-nous soif ? Sommes-nous, en ce temps de Carême, prêts à ces passages, à ces conversions, pour passer d'une religion plus ou moins formaliste à une foi vraie, à une quête de Dieu qui nous fera dire, avec le psaume :
"Mon âme a soif du Dieu Vivant,
"Quand te verrai-je face à face ?"Retour au sommaire