Nos "saintes" familles

 

Après le départ des Mages, l'Ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph et lui dit : "Lève-toi, prends l'enfant et sa mère, et fuis en Égypte. Reste là-bas jusqu'à ce que je t'avertisse, car Hérode va rechercher l'enfant pour le faire périr". Joseph se leva ; dans la nuit, il prit l'enfant et sa mère et se retira en Égypte, où il resta jusqu'à la mort d'Hérode. Ainsi s'accomplit ce que le Seigneur avait dit par le prophète : "D'Égypte, j'ai appelé mon fils".

Après la mort d'Hérode, l'Ange du Seigneur apparaît en songe à Joseph en Égypte et lui dit : "Lève-toi, prends l'enfant et sa mère, et reviens au pays d'Israël, car ils sont morts, ceux qui en voulaient à la vie de l'enfant". Joseph se leva, prit l'enfant et sa mère, et rentra au pays d'Israël. Mais, apprenant qu'Archélaüs régnait sur la Judée à la place de son père Hérode, il eut peur de s'y rendre. Averti en songe, il se retira dans la région de Galilée et vint habiter dans une ville appelée Nazareth. Ainsi s'accomplit ce que le Seigneur avait dit par les prophètes : "Il sera appelé Nazaréen".

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 2, 12-15 19-23

LA SAINTE FAMILLE DE NAZARETH

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Sainte = différente

Après avoir célébré la naissance de Jésus, l'Église nous invite en ce lendemain de Noël à regarder vers cette famille enfin constituée : la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph. Pourquoi l'appelle-t-on sainte, cette famille de Jésus ? Je reprends une de mes explications favorites concernant le mot " saint " : est saint ce qui est différent. Au point de départ, le qualificatif s'applique à Dieu. Dieu seul est saint, parce que différent de tout ce qu'on peut imaginer (dans la Bible, au début, différent des dieux des autres peuples). Ensuite, le mot s'applique au peuple de Dieu : " Soyez saints comme moi-même je suis saint ", dit le livre du Lévitique.

La famille de Jésus ? Elle est sainte à plus d'un titre, mais d'abord parce qu'elle ne ressemble à aucune autre famille terrestre, avec Marie, enceinte du Saint Esprit, Joseph, qui n'est que " père nourricier " et Jésus, le " saint de Dieu ". Elle est sainte parce que son destin est exceptionnel. En particulier parce que Jésus est l'homme des exodes. Marie et Joseph vivent en Galilée : il faut aller à Bethléem pour le recensement. Pas de place pour lui à l'hôtellerie. Danger de mort à Bethléem : Immédiatement, il faut fuir en Egypte, de peur d'être massacré. De retour d'Egypte, on ne peut pas revenir en Judée, donc on revient à Nazareth. Mais un jour Nazareth le rejettera. En fin de compte, il échappe aussi à sa famille. D'abord au Temple, où il déclare qu'il se doit à l'œuvre de son Père, un père qui n'est pas Joseph. Sans oublier que " sa mère et ses frères, ce sont ceux qui écoutent la parole de Dieu et la mettent en pratique ". Jésus sera toujours l'itinérant qui n'a pas où reposer sa tête, jusqu'à l'exode final qu'il accomplira à Jérusalem. Il n'est vraiment chez lui nulle part. Vraiment, il n'est localisable nulle part, mais il est partout chez lui. Effacement de sa famille humaine, qui devra s'étendre à l'humanité entière. Il est l'homme quittant son père et sa mère pour que nous tous, ses fidèles, nous devenions la sainte famille de Jésus.

Que de problèmes !

Mettons-nous à la place de Joseph et de Marie : l'enfant leur a posé bien des problèmes. Et il leur a fallu faire tout un travail de " dépossession " pour qu'ils soient vraiment ses parents, mot qui, étymologiquement, signifie " mettre au monde ". Il a fallu que Joseph accepte de n'être pas géniteur. La dépossession de Marie n'a pas été moindre. Toute mère le sait bien, que mettre au monde, c'est dès le premier instant de l'accouchement, se déposséder de ce bien si précieux qu'on a porté en soi, pour soi, pendant neuf mois. Et ce n'est qu'un premier pas dans un long chemin qui révèle progressivement tout ce qu'ont de faux tant d'attitudes possessives. On ne fait pas des enfants pour soi, n'est-ce pas ! Bien sûr, on le dit. Mais c'est plus difficile à réaliser dans l'existence quotidienne. Marie a connu cela, intensément. Relire l'Évangile.

Cela peut nous prémunir contre la volonté de programmer l'avenir de nos enfants selon une image rêvée, sans rapport avec la réalité de ce qu'ils sont. Saint Paul nous le dit franchement aujourd'hui : " N'exaspérez pas vos enfants : vous risqueriez de leur enlever tout courage ". La vérité simplement humaine rejoint la vérité divine qui, en ce domaine, nous est révélée dans les comportements de la famille de Jésus. Le père et la mère ont à se faire image de Dieu dans leur manière de vivre la paternité et la maternité. Aimer un enfant, c'est vouloir qu'il soit lui-même. Lourde tâche que de l'aider à le devenir, au-delà de ses caprices et de ses illusions. Et aussi des nôtres. C'est tout l'art de l'éducateur : apprendre à l'enfant, puis à l'adolescent, à affronter les dures réalités de l'existence, sans les fuir ni les escamoter dans le rêve, la résignation ou la révolte impuissante. Pour résumer, disons que, dans la famille, personne ne peut être objet de possession, même si l'on dit couramment : " Ma femme, mon mari, mes enfants ".

Transmission

Même si on " fait un enfant ", il vient de plus loin que nous, y compris du point de vue biologique. On transmet la vie, on ne la donne pas. Une vie que nous-mêmes recevons. J'aime la formule biblique, qui dit toujours " un enfant nous a été donné ". Cela implique un immense respect pour l'enfant qui n'est pas un objet ni une poupée. Je n'aime pas la mentalité actuelle qui dit et pense couramment : " Oui, on veut un enfant, parce que ce serait trop triste, un couple sans enfants ". On ne fait pas des enfants pour soi. D'ailleurs, la vie se charge bien de détromper les couples qui pensent ainsi, si ce ne sont pas les enfants qui, eux-mêmes, se chargeront bien un jour de les détromper. Par contre, regarder l'enfant comme un don de Dieu, c'est vouloir devenir une sainte famille, en ce sens qu'elle est le lieu où Dieu inscrit son image, le lieu où se vit, ou du moins peut se vivre, l'amour. Je souhaite que dans vos propres familles, tout enfant y fasse l'expérience d'être aimé et apprenne ainsi à aimer à son tour.

 

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