Deux moineaux pour un sou
NE CRAIGNEZ PAS !
Jésus disait aux douze Apôtres : "Ne craignez pas les hommes ; tout ce qui est voilé sera dévoilé, tout ce qui est caché sera connu. Ce que je vous dis dans l'ombre, dites-le au grand jour ; ce que vous entendez dans le creux de l'oreille, proclamez-le sur les toits.
Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent pas tuer l'âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l'âme aussi bien que le corps. Est-ce qu'on ne vend pas deux moineaux pour un sou ? Or, pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille. Quant à vous, même vos cheveux sont tous comptés. Soyez donc sans crainte : vous valez bien plus que tous les moineaux du monde.
Celui qui se prononcera pour moi devant les hommes, moi aussi je me prononcerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux. Mais celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi, je le renierai devant mon Père qui est aux cieux."
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 10, 26-33 DOUZIEME DIMANCHE ORDINAIRE (A) oOo N'ayez pas peur !
Quelle insistance ! Par trois fois dans ce petit passage d'Évangile, Jésus recommande à ses apôtres de n'avoir pas peur : " Ne craignez pas ! " Pourquoi donc une telle insistance ? Replacées dans leur contexte, ces paroles prennent tout leur sens. Tout au long du chapitre 10, Jésus donne des consignes à ces douze hommes qu'il a choisis et que Matthieu nomme Apôtres. Il les envoie en mission, pour continuer sa propre mission. Or, il sait bien qu'ils rencontreront beaucoup d'obstacles dans cette tâche qui leur est confiée : des contradictions, des moqueries, des persécutions. Pour cette tâche qui s'avère difficile, Jésus prévient ses douze amis : même si rien ne leur est épargné, qu'ils ne perdent pas pied et qu'ils gardent une parfaite assurance. Qu'ils ne se laissent pas envahir par la crainte : personne ne leur peut rien, déclare Jésus. Ils valent bien plus que les moineaux !
Signe de contradiction
Au fond, ce que Jésus annonce aux Apôtres, c'est ce qu'il est en train de vivre lui-même. Lui aussi, sans crainte, passe de ville en village pour annoncer la venue du Règne de Dieu. Lui aussi est constamment signe de contradiction, accueilli, certes, par certains, mais contesté, critiqué, moqué par d'autres, et même abandonné parfois par ceux qui trouvent que " ce discours est trop dur à entendre ". Signe de contradiction, il le sera jusqu'au bout : jusqu'à sa mort ignominieuse sur la croix. Au fond, ils pouvaient s'y attendre, à ce destin de contestation et de persécutions violentes, ces hommes pour qui, au début sans doute, c'était " tout nouveau tout beau ", mais qui, plus les mois passaient, se rendaient compte des obstacles qui se levaient sur la route : des haines et des incompréhensions de plus en plus nombreuses.
Et lorsque Matthieu rédigeait son évangile, une trentaine d'années plus tard, ses lecteurs vivaient le drame sans cesse renouvelé qu'avait vécu leur Maître. Eux aussi, rejetés, excommuniés par les autorités religieuses juives, étaient les parias de la société dans laquelle ils vivaient, rejetés par les juifs, leurs compatriotes, et méprisés, incarcérés parfois par les autorités civiles qui les accusaient de troubler l'ordre public. Comment " crier sur les toits " la Bonne Nouvelle, en cette conjoncture. Et comment ne pas craindre, à tout instant, d'être moqués, battus, arrêtés, et même mis à mort ? C'est vraiment inconfortable d'être toujours sur le qui-vive !
Aujourd'hui
Mais aujourd'hui, il ne s'agit pas de faire une rétrospective historique. C'est à vous, c'est à moi, que Jésus s'adresse pour nous donner les mêmes consignes. Nous avons, nous aussi, à crier sur les toits la Bonne Nouvelle d'un Dieu qui aime le monde, qui aime toute l'humanité, la Bonne Nouvelle d'un amour plus fort que la haine et que la violence institutionnelle, d'un amour qui finira par triompher. Et face à cette annonce qu'il faut crier par tous les moyens, se dressent des obstacles incroyables, devant lesquels on risque de reculer ou de se taire, de peur d'être, non pas seulement incompris ou moqués, mais même persécutés et mis à mort. C'est dans cette situation, qui est la nôtre aujourd'hui comme au premier jour, que Jésus nous redit fortement et à plusieurs reprises : " N'ayez pas peur ! "
L'imagination au pouvoir
" Crier sur les toits ", c'est prendre les moyens d'être entendus de tous. Le message n'a rien de confidentiel. Attention aux petites chapelles d'où rien ne filtre, où l'on professe sa croyance en toute confidentialité ! L'Église de Jésus Christ se doit d'être ouverte sur le monde, car elle se doit de s'adresser à toute l'humanité. Donc, qu'elle en prenne les moyens ! Qu'elle n'attende pas que les gens viennent à elle. C'est elle qui doit aller au-devant des gens. Si le prêtre se contente de prêcher à l'église, quelques minutes chaque dimanche, il reste frileux, peut-être peureux. Encore une fois, ne cherchons jamais la confidentialité d'une petite secte. Alors, quels moyens employer pour " crier sur les toits " ? Les moyens sont multiples. Il suffit de faire preuve d'imagination.
J'ai un copain prêtre qui, entre autres activités, s'installait avec une espèce de camionnette sur les marchés de la région et qui, sans faire de grands discours, rencontrait ainsi chaque semaine quantité d'hommes, de femmes, en quête d'une " bonne nouvelle " adaptée à leur propre vie. Un journaliste, un homme de radio ont à leur disposition des moyens extraordinaires et j'ai toujours regretté que notre région n'ait pas une radio chrétienne à sa disposition pour redire à longueur d'année, en termes appropriés certes, et sans " sermons " que Dieu aime ce monde. Aujourd'hui, nous avons Internet, et grâce à ce modeste " murmure ", je ne me contente pas de murmurer, puisque la Bonne Nouvelle parvient " jusqu'aux extrémités du monde ".
Attention !
Mais il faut faire attention. Les moyens ne sont que des moyens. Encore faut-il qu'on les utilise à bon escient pour répondre à l'appel de Jésus. Nous admirons les gens qui ont le courage de leurs convictions. Mais quelles convictions ? Il s'agit de " parler vrai ". C'est tout le contraire de la " langue de bois ". Le " parler vrai ", c'est, dans la mesure où nous sommes nous-mêmes, jamais nous ne répétons des mots appris. Il s'agit donc de dire ce que nous pensons, et donc d'être nous-mêmes.
" Ne craignez pas " ! Une dernière remarque. Cela m'est relativement facile d'adhérer aux propos du Christ, aujourd'hui, en France. Je ne risque pas beaucoup d'être emprisonné à cause de ce que je proclame. Mais je ne dois pas oublier qu'actuellement, il y a plus du tiers de la planète où, si je voulais proclamer la Bonne Nouvelle, je serais immédiatement arrêté et contraint au silence, pour ne pas dire plus. Et même ici, si personne, je pense, n'userait de violence à mon égard, il y a d'autres moyens pour discréditer la Parole de vérité. A commencer par la dérision. Et Dieu sait si certains médias utilisent cette arme de la dérision pour réduire l'impact de l'annonce de la Bonne Nouvelle ! Plus simplement encore, je me souviens de cet homme qui, un jour, me disait : " Oui, vous parlez bien, d'accord, mais bof ! C'est votre métier de parler de Dieu. Vous faites simplement votre métier. " Je lui ai répondu : " Non, ce n'est pas pour faire mon métier que j'annonce la Parole de Dieu. C'est parce que cette Parole m'a atteint un jour que je fais ce métier (si on peut appeler cela un métier). " Certes, ce n'est pas toujours facile, mais assuré que la Parole de Dieu fera son chemin malgré tous les obstacles, je garde confiance en Celui qui nous répète aujourd'hui : " Ne craignez pas. "
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