NE CRAIGNEZ PAS.

 

Jésus disait aux douze Apôtres : "Ne craignez pas les hommes ; tout ce qui est voilé sera dévoilé, tout ce qui est caché sera connu. Ce que je vous dis dans l'ombre, dites-le au grand jour ; ce que vous entendez dans le creux de l'oreille, proclamez-le sur les toits.

Ne craignez pas ceux qui tuent le corps, mais ne peuvent pas tuer l'âme ; craignez plutôt celui qui peut faire périr dans la géhenne l'âme aussi bien que le corps. Est-ce qu'on ne vend pas deux moineaux pour un sou ? Or, pas un seul ne tombe à terre sans que votre Père le veuille. Quant à vous, même vos cheveux sont tous comptés. Soyez donc sans crainte : vous valez bien plus que tous les moineaux du monde.

Celui qui se prononcera pour moi devant les hommes, moi aussi je me prononcerai pour lui devant mon Père qui est aux cieux. Mais celui qui me reniera devant les hommes, moi aussi, je le renierai devant mon Père qui est aux cieux."

Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 10, 26-33

DOUZIEME DIMANCHE ORDINAIRE (A)

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Connaissez-vous Jérémie ?

Connaissez-vous Jérémie ? Le connaissez-vous autrement que comme l'auteur des "Lamentations" (qui d'ailleurs ne sont pas de lui), d'où vient le mot " jérémiades " qui sert à décrire l'attitude de celui ou de celle qui se plaint tout le temps ! Eh bien, le prophète Jérémie mérite d'être connu, car il est l'un des plus attachants parmi les prophètes de la Bible. Cet homme d'une grande sensibilité, à la fois timide et tendre ; cet homme d'une profonde vie intérieure a sans cesse prêché une religion personnelle, en opposition à tout ce qu'avait de formaliste la religion de son époque. Il est surtout l'homme du dialogue avec Dieu. Ce qu'on appelle ses "confessions" (les chapitres 16-20) nous le montrent en train d'apostropher Dieu, de lui faire des reproches, avant de lui redire sa confiance et son amour. Il a vécu de près le drame de la ville de Jérusalem au début du 6e siècle avant Jésus Christ. Contraint de prendre parti au nom de sa mission, il se trouve en opposition totale avec ses compatriotes. Signe de contradiction, rien ne lui sera épargné : railleries, calomnies, coups, menaces de mort. Alors, il s'adresse à Yahweh pour lui dire (en substance) : " Tu m'as eu et tu m'as mis dans de beaux draps ", avant de réitérer son chant de confiance : " Chantez le Seigneur, alléluia ! Il a délivré le pauvre du pouvoir des méchants ".

Voilà donc une vie marquée par une suite d'échecs apparents mais qui, par son message, a contribué à faire de la religion une religion intérieure, et surtout a permis à son peuple de survivre au désastre de 587 (prise de Jérusalem par Nabuchodonosor et déportation à Babylone) en préparant ses compatriotes à ne pas perdre confiance en Dieu.

Jésus, signe de contradiction.

" Signe de contradiction " : c'est ainsi que le vieillard Syméon prophétise la mission de Jésus en s'adressant à Marie, qui vient présenter son enfant au Temple. Et ce sera exactement ce qui se passera. Au début, les gens courent après Jésus. Les foules sont de plus en plus nombreuses, pour le voir, l'entendre, assister à des miracles. Beaucoup courent après lui, un certain nombre reste avec lui, décidés à le suivre. Puis, au fur et à mesure que les mois passent, les gens perdent de leur enthousiasme, beaucoup quittent le Maître. " C'est trop dur à entendre ", disent-ils ; à tel point qu'un jour, Jésus demandera à la petite troupe de ceux qui restent malgré tout : " Et vous, voulez-vous me quitter ? " Dès lors, rien ne sera épargné à Jésus, ni la dérision, ni la calomnie, ni les contradictions multiples, ni surtout les complots qui aboutiront à son arrestation, à son procès, à sa mort. Et comme Jérémie, il connaîtra la souffrance et le terrible sentiment d'être abandonné de Dieu (" Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? " ), avant de prononcer l'ultime parole de la confiance en son Père : "Entre tes mains, Père, je remets ma vie ! "

Aujourd'hui encore.

" Le disciple n'est pas au-dessus du maître ". C'est à nous, aujourd'hui, que Jésus adresse les consignes qu'il donnait à ses premiers disciples. Ces consignes font partie d'un ensemble, au chapitre 10 de Matthieu, qu'on pourrait résumer ainsi : les disciples que Jésus envoie en mission (l'Eglise aujourd'hui) connaîtront nécessairement les mêmes épreuves que celles qu'a connu Jésus durant sa vie terrestre. Ils seront - nous serons - signes de contradiction, si nous " crions sur les toits " la Bonne Nouvelle. Ce ne sera pas toujours facile, mais nous pouvons garder confiance : Dieu ne nous abandonne jamais, il ne nous lâche pas. Il prend soin de chacun de nous personnellement. Qu'en est-il aujourd'hui ?

Premièrement, nous avons à " crier sur les toits " une Bonne Nouvelle. Donc, par tous les moyens modernes mis à notre disposition : la télé, la radio (je regrette personnellement qu'on n'ait pas une radio chrétienne dans notre région), Internet… Jésus recommande aux " enfants de lumière " d'être aussi habiles que les " enfants de ce monde "

Deuxièmement, il s'agit de " crier ", mais pas n'importe quoi ! Il s'agit d'annoncer une Bonne Nouvelle qui, en fait, provoque une rupture d'avec les valeurs de ce monde. Les valeurs du Royaume (pauvreté de cœur, douceur, justice et paix, miséricorde…) sont radicalement en opposition avec ce qui compte aujourd'hui pour " réussir " : richesse, pouvoir, domination, violence, chacun pour soi…

Ne craignez pas !

Troisièmement : si vous vivez les valeurs du Royaume, votre position sera certainement inconfortable. Je ne pense pas que cela ira jusqu'à la persécution (encore que.. !) mais vous connaîtrez probablement dérision et moquerie. Il y a tant de façons modernes de stériliser le Message, de fermer la bouche au témoin. Par exemple : je prêche l'Évangile. On peut penser : "Il fait son boulot de curé…On sait ce qu'il va dire : la bonne parole insignifiante, irréaliste, inapplicable ; il dit ça , c'est normal, puisqu'il est curé ! " Et si c'était le contraire ? Si c'était parce qu'il croit à ces paroles, parce qu'il croit à Jésus qu'il s'est fait curé ? Il en va de même pour chacun de nous : chaque fois que nous voulons vivre en témoins authentiques de l'Évangile, nous rencontrerons incompréhension, moquerie, dérision. Ce qui risque d'engendrer en nous découragement et lassitude.

Jésus nous redit aujourd'hui : confiance. Ne craignez pas. Vous valez plus que les moineaux. "Levez les yeux vers le Seigneur. Criez vers lui sans perdre cœur."

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