"De qui est cette inscription ?

Non au totalitarisme.

Les pharisiens se concertèrent pour voir comment prendre en faute Jésus en le faisant parler. Ils lui envoient leurs disciples, accompagnés des partisans d'Hérode : "Maître, lui disent-ils, nous le savons : tu es toujours vrai et tu enseignes le vrai chemin de Dieu ; tu ne te laisses influencer par personne, car tu ne fais pas de différence entre les gens. Donne-nous ton avis : Est-il permis, oui ou non, de payer l'impôt à l'empereur ?" Mais Jésus, connaissant leur perversité, riposte : "Hypocrites ! Pourquoi voulez-vous me mettre dans l'embarras ? Montrez-moi la monnaie de l'impôt." Ils lui présentèrent une pièce d'argent. Il leur dit : "Cette effigie et cette légende, de qui sont-elles ? - De l'empereur César", répondirent-ils. Alors il leur dit : "Rendez donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu."

Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 22, 15-21

VINGT-NEUVIEME DIMANCHE ORDINAIRE (A)

oOo

Un scoop !

Un scoop, comme on dit en termes journalistiques : l'Irak vient d'envahir Israël. Jérusalem a été entièrement rasée, des dizaines de milliers de Juifs ont été emmenés comme otages, là-bas, du côté de Bagdad, puis disséminés dans tout le pays. Ils attendent une libération qui ne vient pas. Cela va durer cinquante ans, jusqu'au jour où les Iraniens, conduits par Cyrus, envahissent l'Irak et renversent le dictateur. Et le premier geste que fait Cyrus, c'est de permettre aux otages juifs de rentrer dans leur pays et de reconstruire Jérusalem. C'est à peu près ce qu'aurait écrit un journaliste, au VIe siècle avant Jésus Christ. Or il se trouve que les Juifs libérés n'adressent pas leurs remerciements à Cyrus, mais à leur Dieu, Yahweh, car, disent-ils, " de l'Orient à l'Occident, il n'y a rien en-dehors de lui ". Cyrus, un païen, a été choisi et consacré par Dieu pour opérer la libération du peuple.

Un traquenard !

Alors, c'est Dieu qui " tire les ficelles " ? Beaucoup de gens le pensent : nous sommes un peu comme des marionnettes dans la main de Dieu. C'est Dieu qui, comme on dit, est " le maître de l'histoire ". Jésus va nous dire autre chose. Il apporte des nuances, des précisions ; et cela à propos d'une interrogation qui est un traquenard. Les pharisiens sont pour la libération de leur pays occupé par les Romains, les partisans d'Hérode trouvent, eux, que c'est très bien comme cela. Tous ennemis de Jésus, ils s'unissent pour lui demander : " Est-il permis de payer l'impôt à l'empereur ? " De toutes façons, Jésus est coincé. S'il répond " oui ", il se discrédite auprès du petit peuple qui supporte difficilement l'occupation romaine ; et s'il répond " non ", on le dénonce à l'occupant comme un rebelle qui pousse les gens à la révolte.

Une réponse astucieuse ?

La réponse de Jésus : " Rendez à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu " peut être considérée, à première vue, comme une réponse astucieuse. Jésus esquive, adroitement. Dans un deuxième temps, on pourrait dire : le conseil de Jésus, c'est ce que nous pratiquons. Et c'est vrai que, d'une certaine manière, il y a eu un énorme progrès dans l'histoire des relations entre le religieux et le politique lorsqu'on a commencé à distinguer les deux domaines et à ne plus faire d'amalgame : en France, par exemple, grâce à la séparation de l'Église et de l'État. Regardez comment cela se passait au temps des princes et des rois " de droit divin ". Le roi était l'aimé de Dieu, c'est de Dieu qu'il tenait directement son pouvoir, donc, cela lui permettait d'exercer un pouvoir absolu. Regardez comment cela se passe, aujourd'hui encore, dans un certain nombre de régions du globe : on se bat, on se tue au nom de Dieu. Il y a amalgame entre une idéologie religieuse et une idéologie politique. Jésus dit : il faut bien séparer les deux domaines. Oui, mais ! A la limite, cela voudrait dire : " Que la religion ne se mêle jamais des affaires de la cité ". Comme disait Hitler : " Les curés à la sacristie ".

Une attitude authentiquement politique.

Vous sentez bien qu'il y a quelque chose qui ne va pas. Alors, essayons d'entrer plus profond dans l'esprit de l'Evangile. C'est comme si Jésus disait : " Mais pourquoi voulez-vous mêler Dieu à des histoires d'impôts, de politique, ou d'économie. Vous avez votre liberté de choix, C'est votre responsabilité propre. Vivez en hommes responsables. Faites vos choix. On ne va pas demander à l'Évangile si un chrétien doit voter à droite ou à gauche. C'est votre choix personnel, au regard de votre propre conscience. Surtout, ne mêlez pas Dieu à cela. Ayez le courage de vos choix, politiques, économiques, sociaux. Mais n'allez pas tout le temps en disant : " La religion dit… la foi chrétienne exige… l'Évangile demande… "

Allons plus loin. Nous sommes un peu, nous les chrétiens (pas tous, Dieu merci), comme ces membres d'un certain nombre de sectes pour qui la politique, c'est sale, c'est le mal. Jésus redit à chacun d'entre nous : " Rendez à César ce qui est à César ". Pour bien faire comprendre cela à ses interlocuteurs, il leur demande : " Montrez-moi la pièce de monnaie. " L'un d'eux sort de sa poche une pièce : c'est une pièce de monnaie romaine. Ah, vous vous en servez, de l'argent des Romains pour votre commerce, pour vos affaires ; vous en profitez, du pouvoir romain, avec les routes bien tracées, l'ordre et la sécurité des voyages, bref, la "paix romaine". Eh bien, puisque vous vivez du système, il faut payer l'impôt. C'est normal. Vous n'êtes pas des assistés, vous devez être des responsables, des participants, et pas seulement des profiteurs. Rappelez-vous la parole de Pie XI : " La politique, la forme de la plus haute charité. "

Non au totalitarisme.

Dernière remarque : Il y a dans tout pouvoir une volonté de " sacralisation ", c'est-à-dire comme un besoin de devenir maître absolu, un besoin d'être, plus que flattés, plus que respecté: adoré. Le chef désire, dans son inconscient, être divinisé. La pièce de monnaie qu'on présente à Jésus comporte une inscription qui dit : " Effigie du divin Auguste ". L'empereur, c'était un dieu vivant ? Jésus dit : " Non ! César, ce n'est que César, ce n'est pas Dieu. " La vraie traduction de cette phrase de l'Évangile devrait être : " Rendez à César ce qui est à César, mais à Dieu ce qui est à Dieu." On ne met pas Dieu et César sur le même plan. J'en reviens donc à l'histoire de Cyrus. Il ne connaissait même pas Dieu. Mais ce qu'il entreprend pour la libération d'un groupe de captifs, çà intéresse Dieu. Tout ce que font les hommes pour plus de justice, de vérité, de liberté, Dieu l'encourage. "Rien de ce qui est humain ne lui est étranger". Mais nous, nous n'avons pas à sacraliser le pouvoir, c'est-à-dire à adorer le chef, quel qu'il soit. Nous avons le droit, et le devoir, de dire parfois " non ". Au nom de notre liberté personnelle, et au nom de notre foi de chrétiens. Vous voyez comment tout est imbriqué. Il y a une importance du choix politique pour le chrétien, parce que Dieu veut des hommes libres. Le premier commandement " Tu adoreras Dieu seul " est le plus important, parce qu'il protège l'homme contre l'arbitraire de tous les pouvoirs. C'est au nom de ma foi en Dieu que je serai capable de dire " non ". C'est ma foi en Dieu qui fait de moi un homme libre.

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