Quel est le grand commandement ?

Parlez-moi d'amour !

 

Les pharisiens, apprenant que Jésus avait fermé la bouche aux sadducéens, se réunirent, et l'un d'eux, un docteur de la Loi, posa une question à Jésus pour le mettre à l'épreuve : "Maître, dans la Loi, quel est le grand commandement ?" Jésus lui répondit : "Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement. Et voici le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Tout ce qu'il y a dans l'Ecriture, dans la Loi et les Prophètes, dépend de ces deux commandements."

Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 22, 34-40

TRENTIEME DIMANCHE ORDINAIRE (A)

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Deux en un !

C'est encore un piège que l'on tend à Jésus. Ce docteur de la Loi, qui a étudié pendant des années, qui a disputé à perte de vues, pendant des années, pour savoir quel était le plus grand commandement, lui qui a donc vraiment travaillé la question, interroge Jésus. Pour lui, comme pour tous ceux qui ont étudié, ce Jésus est un homme sans diplômes, sans culture supérieure. Il vient de Galilée, un pays d'ignorants. On va pouvoir le piéger. Or Jésus, non seulement évite le traquenard, mais retourne la question. A cet homme qui manifeste son antipathie pour lui, il répond : " Le grand commandement, c'est 'tu aimeras' " Il le renvoie à lui-même et, ce faisant, il lui ouvre une porte, un avenir.

Jésus n'a rien inventé en faisant cette réponse. Il n'a pas inventé le commandement de l'amour. Mais à la question : " Quel est le grand commandement ", il aurait dû normalement répondre en citant les commandements de Dieu tels qu'ils sont inscrits dans le Décalogue, et particulièrement le premier : " Tu adoreras Dieu seul. " Eh bien non ! Il cite deux autres passages de la Bible, l'un du Deutéronome, l'autre du Lévitique, et il assemble ces deux passages en disant : "Voilà le grand commandement". C'est le fondement de toute attitude chrétienne. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de tout ton esprit, de toutes tes forces, et tu aimeras ton prochain comme toi-même. Et ces deux réalités sont tellement étroitement liées qu'elles ne font plus qu'une seule obligation.

Commandement ? ou piste ?

Le commandement de l'amour. Mais est-ce qu'on peut commander à quelqu'un d'aimer ? Vous allez me dire : ce n'est pas possible. L'amour est quelque chose de spontané. Aussi il faut bien s'entendre sur le sens du mot " commandement ", qui n'a pas la même signification de nos jours et à l'époque biblique. Aujourd'hui, c'est quelque chose qui nous est imposé de l'extérieur par un maître. Dans la Bible, le mot n'a pas le même sens. Dans le psaume 118, il y a des synonymes du mot, et on trouve chemin, vérité, voie. C'est comme si on disait aujourd'hui, à la place du mot "commandement" : "orientation, ligne de conduite, ou piste". Jésus n'a rien inventé, et pourtant, par ces deux commandements, il résume, nous dit-il toute la loi et les prophètes, c'est-à-dire toute la Bible.

Positifs et négatifs...

Vous le savez, dans les commandements de Dieu, il y a trois commandements positifs et sept commandements négatifs (tu ne feras pas telle chose : par exemple, tu ne tueras pas, tu ne voleras pas). Ces commandements négatifs sont comme la limite inférieure qu'il ne faut pas franchir, sinon on se dé-crée, on se détruit soi-même et on détruit la société, on va à la mort, la mort personnelle et la mort de la société. Mais, en ce qui concerne les commandements positifs, l'amour de Dieu, de soi-même et du prochain , il n'y a pas de limites. C'est laissé à notre propre imagination, à notre propre manière d'être, à notre initiative. Nous avons à chercher, en fonction des circonstances dans lesquelles nous vivons, en fonction des personnes rencontrées, quelle sera la meilleure manière de les aimer. En tout cas, ce qu'il y a de certain, c'est que chaque fois que je n'aime pas, je me détruis un peu. Au contraire, si je veux réussir ma vie, je n'ai qu'à marcher dans le sens de cette voie, de ces deux commandements.

Parlez-moi d'amour !

Encore faut-il bien s'entendre. On parle beaucoup d'amour. C'est un mot qu'on emploie à toutes les sauces, et si on en parle tellement, c'est qu'on ne sait pas très bien de quoi il s'agit. Aujourd'hui, Jésus nous le dit. En premier, il y a une chose essentielle à croire, c'est que Dieu m'aime. C'est souvent difficile à croire. C'est peut-être facile quand tout va bien, c'est beaucoup plus difficile quand on a des ennuis, des soucis, quand on connaît la maladie. Quand on est affronté à la mort, la mort d'un être cher ou la perspective de notre propre mort. C'est difficile de croire que Dieu m'aime plus que tout, moi personnellement. Et pourtant, c'est le fondement même de ma vie. Cette vie qu'il m'a donnée, ce n'est pas seulement ma vie naturelle, biologique. C'est aussi une certaine manière d'être : il me " met au monde ", il me fait tenir debout dans mon existence personnelle. Si je réponds à cet amour, je ne vais pas me contenter de lui dire " je t'aime ", mais je vais vivre d'une certaine manière. Une certaine manière de vivre qui correspond à ce qu'il attend de moi, à son dessein sur moi, à sa volonté de me voir réussir ma vie. Ce n'est pas celui qui dit "Seigneur, Seigneur", ce n'est pas celui qui dit toujours " Je t'aime ", qui vit vraiment l'amour.

Un test !

Il y a un test de l'amour qu'on a pour Dieu. C'est notre manière de nous situer par rapport aux autres, et d'abord de les aimer comme nous-mêmes. On n'insiste pas assez sur cette nécessité de s'aimer soi-même. Il faut me poser cette question : "Est-ce que je m'aime, moi ?" Quand on fait, par exemple, une dépression nerveuse, on ne s'aime plus, et on en vient même à vouloir se détruire. La bonne santé physique, psychique et morale, c'est de s'aimer et de vouloir son bonheur personnel, un surcroît de vie. Jésus nous dit : Si tu veux arriver à une vie plénière, il faut essayer de bien te situer par rapport aux autres. Il faut les aimer. Encore là, c'est à inventer, tous les jours, en fonction des circonstances. Le livre de l'Exode explique ce commandement de l'amour. Il nous dit : Attention ! il y a des priorités. Ceux qu'il faut aimer en premier, ce sont ceux qui sont les non-prochains, les sous-prochains, les immigrés, la veuve et l'orphelin. Tous ceux qu'on a tendance aujourd'hui à marginaliser, tous ceux dont la société fait des exclus. L'Exode ajoute : si vous ne faites pas cela, vous courez à la mort. Est-ce que nous le croyons ? Concrètement, dans nos attitudes quotidiennes. Vis-à-vis de celui qui n'est pas "intéressant", de celui qui ne m'apporte rien, de celui qui "me rase". C'est facile de dire "moi j'aime tout le monde." C'est plus difficile à réaliser, car c'est à inventer tous les jours. Je vous souhaite de chercher à le faire.

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