"Vous n'avez qu'un seul maître, le Christ."

Liberté, Egalité, Fraternité.

 

Jésus déclara aux foules et à ses disciples : "Les scribes et les pharisiens enseignent dans la chaire de Moïse. Pratiquez donc et observez tout ce qu'ils peuvent vous dire. Mais n'agissez pas d'après leurs actes, car ils disent et ne font pas. Ils lient de pesants fardeaux et en chargent les épaules des gens ; mais eux-mêmes ne veulent pas les ramasser du doigt. Ils agissent toujours pour être remarqués des hommes : ils portent sur eux des phylactères très larges et des franges très longues. Ils aiment les places d'honneur dans les repas, les premiers rangs dans les synagogues, les salutations dans les places publiques, ils aiment recevoir des gens le titre de rabbi. Pour vous, ne vous faites pas donner le titre de Rabbi, car vous êtes tous frères, et vous n'avez qu'un seul maître pour vous enseigner. Ne donnez à personne sur terre le nom de Père, car vous n'avez qu'un seul Père, celui qui est aux cieux. Ne vous faites pas non plus appeler maîtres, car vous n'avez qu'un seul maître, le Christ. Le plus grand parmi vous sera votre serviteur. Qui s'élèvera sera abaissé, qui s'abaissera sera élevé.

Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 23, 1-12

TRENTE-ET-UNIEME DIMANCHE ORDINAIRE (A)

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Tous concernés ?

En écoutant les avertissements du prophète Malachie ou les conseils du Christ, nous risquons tous d'avoir le même réflexe et de nous dire : " Cela ne nous concerne pas ". Les chrétiens risquent de penser : " Tiens, aujourd'hui, les curés en prennent pour leur grade ". Les prêtres vont dire : " Jésus s'attaque directement aux prêtres de l'ancienne Alliance, aux autorités religieuses d'Israël " Et personne ne se sentira concerné.

Or, nous sommes tous directement concernés par ces avertissements. Parce que, sans cesse, nous cédons à la tentation primordiale, celle qui est racontée au chapitre 2 de la Genèse, la tentation de nous faire dieu. Un dieu, certes, comme on l'imagine, c'est-à-dire un dieu qui aime contraindre, commander, diriger, un dieu qui aime qu'on le vénère, qu'on l'admire et qu'on le flatte. C'est un moyen très pratique pour éliminer de notre esprit l'image du vrai Dieu, un Dieu serviteur, humble et doux.

Quelle image de Dieu ?

Nous sommes concernés parce que chacun de nous a un savoir (ou tout au moins un savoir-faire) et donc, aime à être appelé " maître " (au sens de celui qui enseigne) ; nous sommes tous pères, d'une manière ou de l'autre ; nous sommes tous un peu chefs (ou guides), parce que nous avons un pouvoir, soit dans la famille, soit dans notre profession. Tout cela fait que, si nous n'y prenons pas garde, vous et moi, nous sommes directement visés par les reproches du Christ. Car nous risquons de donner au monde une fausse image de Dieu.

Or le Christ vient et, " image visible du Dieu invisible ", il nous dit : " Mais, vous n'y êtes pas du tout ! " Et surtout, si vous regardez ceux qui aiment être regardés, vous faites totalement fausse route. Ne regardez pas de ce côté-là, mais regardez moi. Je suis le seul maître (enseignant), Dieu est le seul Père, et je suis le seul guide. " Je suis le chemin, la vérité et la vie ". Alors que les gens, autour de vous, les docteurs et les scribes aiment être regardés, considérés, moi, je vous demande simplement de me regarder, moi, le Messie souffrant sur une croix (" Ils regarderont celui qu'ils ont transpercé ")

Liberté, égalité, fraternité.

Ce faisant, Jésus nous enseigne les chemins de la liberté, de l'égalité, de la fraternité. Devise républicaine, qui peut être évangélique, à certaines conditions. La liberté d'abord. Vous avez remarqué, dans l'histoire de notre siècle, comment tous ceux qui ont cherché à obtenir un pouvoir absolu (Hitler comme Staline ou Mao) ont commencé par lutter contre l'idée même de Dieu et donc, contre les religions. Parce qu'ils voulaient que les gens sur qui ils faisaient sentir leur pouvoir n'aient pas d'autre " maître ", d'autre manière de penser que la leur, celle qu'ils imposaient. On parle de " dictature " parce qu'il s'agit d'une manière de dicter aux gens ce qu'il faut penser, ce qu'il faut faire. Or, le disciple du seul Maître, du seul " pédagogue ", Dieu, ne peut que dire " non " en face d'une telle prétention. Et pour l'honneur des Églises, il y a eu des chrétiens (pas assez sans doute, mais dont le rôle a été remarquablement efficace), pour dire " non " à ces formes de dictature. Mais ce n'est pas seulement sur le plan politique que cela joue, mais aussi sur le plan religieux. Et la liberté religieuse du chrétien doit se manifester. Vis à vis de son curé. Parce qu'il y a toujours chez nous la tentation de faire passer, sous couvert de la Parole de Dieu, notre propre idéologie. Il faut faire attention : le prédicateur peut aller, s'il n'y prend pas garde, jusqu'à violer les consciences. Donc, nous saurons garder notre liberté de pensée, notre indépendance, aussi bien sur le plan humain que sur le plan religieux. C'est la " liberté des enfants de Dieu ".

"Vous êtes tous enseignés."

L'égalité. Dans la relation enseignant-enseigné, il y a toujours un peu une relation dominant-dominé. Cela existe également dans l'Église. Je suis curé : vous allez penser que c'est moi qui vous enseigne. Or, nous dit Jésus, faites attention : vous êtes tous enseignés. Le pape et le vieillard, l'évêque et la petite fille, le curé et les fidèles. Je me prêche en vous parlant. C'est-à-dire que si je ne cherche pas moi-même à me convertir à cette parole que je vous adresse, c'est vain. J'aurais beau faire les plus beaux discours du monde, cela ne servirait strictement à rien. Rappelez-vous la parole de saint Augustin : " Je suis évêque pour vous ; mais je suis chrétien avec vous". Nous sommes tous sur le même plan, et nous avons à vivre ensemble, dans le peuple de Dieu, l'égalité de tous les disciples du Christ.

Tous frères.

Enfin, la fraternité. Pourquoi ? Parce que nous n'avons qu'un seul Père et que nous sommes donc tous frères. Le pape et le débile profond, l'enfant et ses parents, chacun de nous, nous sommes tous frères parce qu'également aimés de Dieu. Le bien-pensant comme le mécréant. Dieu, s'il est père, ne peut pas manifester des préférences pour l'un ou l'autre, ou alors, il n'est pas un bon père. C'est cela le fondement de notre fraternité .

Devise républicaine, devise évangélique ? Oui, à une seule condition. C'est que vraiment, à la base de tout cela, il y ait la foi en Dieu maître-enseignant, en Dieu père, en son fils Jésus, notre guide. Si nous vivons cela tous les jours, dans nos relations avec Dieu et avec nos frères, dans notre vie familiale, de quartier ou professionnelle, dans notre attitude de citoyen, nous vivrons la " liberté des enfants de Dieu ".

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