LA PORTE DES BREBIS.
Jésus parlait ainsi aux pharisiens : "Amen, Amen, je vous le dis : celui qui entre dans la bergerie sans passer par la porte, mais qui escalade par un autre endroit, celui-là est un voleur et un bandit. Celui qui entre par la porte, c'est lui le pasteur et le berger des brebis. Le portier lui ouvre, et les brebis écoutent sa voix. Ses brebis à lui, il les appelle chacune par son nom, et il les fait sortir. Quand il conduit dehors toutes ses brebis, il marche à leur tête, et elles le suivent, car elles connaissent sa voix. Jamais elles ne suivront un inconnu, elles s'enfuiront loin de lui, car elles ne reconnaissent pas la voix des inconnus."
Jésus employa cette parabole en s'adressant aux pharisiens, mais ils ne comprirent pas ce qu'il voulait leur dire. C'est pourquoi Jésus reprit la parole : "Amen, amen, je vous le dis : je suis la porte des brebis. Ceux qui sont intervenus avant moi sont tous des voleurs et des brigands ; mais les brebis ne les ont pas écoutés. Moi, je suis la porte. Si quelqu'un entre en passant par moi, il sera sauvé ; il pourra aller et venir, et il trouvera un pâturage. Le voleur ne vient que pour voler, égorger et détruire. Moi, je suis venu pour que les hommes aient la vie, pour qu'ils l'aient en abondance."
Evangile de Jésus Christ selon saint Jean 10, 1-10 QUATRIEME DIMANCHE DE PAQUES (A) oOo Jésus, qui est-il ?
Mais qui est cet homme, Jésus ? Depuis le premier jour, tous se sont interrogés, ses amis, les disciples, comme ses ennemis. Tous ont cherché à donner une réponse à cette question : "Qui est Jésus ?" Et les réponses les plus diverses ont été données. Certaines très favorables - j'allais dire pleines d'adulation, pour ne pas dire d'adoration ; d'autres, au contraire, mesquines, déformantes, haineuses, selon l'idéologie de celui qui les donne. Chaque année encore, des centaines de livres paraissent, concernant Jésus. Certains de ces livres ont une vocation scientifique et font une étude critique, et c'est normal. D'autres au contraire, reflètent la personnalité de ceux qui les écrivent. Depuis la "Vie de Jésus" de Renan jusqu'à celle de Mauriac, en passant par celle de Dickens, je ne sais combien d'hommes ont essayé de dire Jésus, et chaque fois il y a quelque chose de partiel, et même de partial. Aujourd'hui, ce ne sont plus seulement des livres qui paraissent, mais aussi des films qui veulent dire Jésus, avec plus ou moins de bienveillance. Cet hiver, j'ai commencé de lire un livre sur Jésus écrit par un homosexuel : il présentait un Jésus homosexuel. On a dit aussi Jésus marié à Marie-Madeleine, ou Jésus réincarné. Bref, un tas de choses plus ou moins farfelues.
Méfiez-vous !
Mais, est-ce qu'on peut dire qui est Jésus ? Est-ce qu'on peut le connaître vraiment ? Jésus nous dit aujourd'hui : "Mes brebis me connaissent, comme moi je les connais, personnellement." Et il se met en opposition avec ceux qu'il appelle des voleurs, des brigands, des égorgeurs. Ceux qui prétendent diriger les hommes et leur conscience. Et lui, il dit : Mais moi, vous me connaissez. Pas seulement vous les chrétiens, mais tous les hommes. Il est chez lui ici, il n'est pas un étranger qui s'introduit dans notre humanité par ruse. Que veut-il dire ?
Notre époque a connu des faux-bergers, de ceux dont le Christ dit qu'ils sont voleurs, rapaces, meurtriers. Des hommes politiques. Ma génération aura connu un führer, un duce, un caudillo, un "petit père des peuples", un "conducator ", pour n'en citer que quelques-uns, qui, au nom de leur idéologie, ont voulu mener des foules, des nations, des races, des classes sociales. Ils les ont toujours conduit à la mort, à des exterminations. Il n'y a pas que des hommes politiques qui ont la prétention de conduire les hommes. Il y a aussi tous ces hommes qui, au nom de leur idéologie religieuse, veulent séduire les foules. Dieu sait si, aujourd'hui, les sectes prolifèrent. C'est toujours la même chose. Beaucoup de gens cherchent un sens à leur existence. Beaucoup d'hommes ont besoin de se sécuriser, de trouver une sécurité, même dans des affirmations grossières, très fortes, sans esprit critique. L'essentiel, c'est qu'on suive, qu'on marche aveuglément. Un exemple : il y a quelques années, cette secte de Waco, au Texas, où des centaines de personnes sont mortes après avoir suivi un homme qui se disait Jésus Christ réincarné. Voilà où on en est ! Jésus dit : "Faites attention. Ayez suffisamment d'esprit critique pour ne pas être des "gogos", pour ne pas suivre n'importe qui."
Le libérateur.
Et il donne les critères du bon berger qu'il est - que nous, responsables dans l'Eglise, nous devons être, et que nous ne sommes pas toujours, hélas ! C'est un chemin de liberté qu'il nous ouvre. Toutes les images qu'il emploie sont des images de liberté : la porte qui s'ouvre pour aller et venir, entrer et sortir. Jamais enfermés. La porte, et la route, sur laquelle il nous guide. La grande image, c'est sans cesse le retour à l'histoire de la Libération d'Egypte. Dieu fait attention à un ramassis de gens qui sont enfermés, emprisonnés dans un pays, l'Egypte, avec déjà une idéologie raciste qui entreprend un génocide contre ce ramassis de gens. Dieu va intervenir pour ouvrir la porte de la maison d'esclavage, pour faire passer la mer, et ensuite, les conduire, avec toutes les possibilités qu'a chaque membre de ce peuple de garder sa liberté, à tel point qu'ils ont la possibilité de nier ce Dieu qui les a sauvés (voir l'épisode du veau d'or), d'être infidèles à ce Dieu qui, malgré cela, leur restera toujours fidèle et les invitera sans cesse au bonheur de la Terre Promise.
Une histoire d'amour.
Mais, me direz-vous, comment Jésus Christ, s'il veut être notre guide, ne va-t-il pas un peu opprimer nos consciences humaines ? Comment serons-nous encore libres ? Je crois que c'est une histoire d'amour. La connaissance d'une personne, vous le savez, est totalement différente de la connaissance scientifique, qui exige des preuves. On est attiré par quelqu'un, on adhère à cette personne et, pour reprendre un mot de Saint-Exupéry qui a été extrêmement banalisé : "Aimer, ce n'est pas se regarder l'un l'autre, c'est regarder ensemble dans la même direction." Eh bien, c'est cela, l'amour de Jésus et des brebis. Jésus nous invite à regarder dans la même direction que lui. Et c'est ainsi que nous serons libres. C'est à nous, une fois que le sens nous est donné, d'inventer notre démarche. Chacun de nous, sans directives. Il nous dit simplement de regarder tous les hommes comme nos frères. Là, nous sommes sûrs d'être sur un chemin de liberté. Il nous dit de regarder Dieu comme notre Père. Là encore, nous sommes sûrs d'être sur un chemin de liberté. Il ne nous brimera pas, il ne nous opprimera pas. Il ne violera jamais notre conscience.
Voulez-vous, frères, que nous nous demandions sincèrement comment nous pourrons être témoins du Christ par notre liberté de pensée et par notre manière de vivre la fraternité. Il est venu "pour que nous ayons la vie, et la vie en abondance."