Rembrandt - Christ
VOUS ETES LA SEULE BIBLE.
A l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il disait à ses disciples : "Ne soyez donc pas bouleversés : vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. Dans la maison de mon Père, beaucoup peuvent trouver leur demeure ; sinon, est-ce que je vous aurais dit : Je pars vous préparer une place ? Quand je serai allé vous la préparer, je reviendrai vous prendre avec moi ; et là où je suis, vous y serez aussi. Pour aller où je m'en vais, vous savez le chemin." Thomas lui dit : "Seigneur, nous ne savons même pas où tu vas ; comment pourrions-nous savoir le chemin ? Jésus lui répond : "Moi, je suis le chemin, la vérité et la vie ; personne ne va vers le Père sans passer par moi. Puisque vous me connaissez, vous connaîtrez aussi mon Père. Dès maintenant vous le connaissez, et vous l'avez vu." Philippe lui dit : "Seigneur, montre-nous le Père ; cela nous suffit." Jésus lui répond : "Il y a si longtemps que je suis avec vous, et tu ne me connais pas, Philippe ! Celui qui m'a vu a vu le Père. Comment peux-tu dire : Montre-nous le Père ? Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ! Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même ; mais c'est le Père qui demeure en moi et qui accomplit mes propres œuvres. Croyez ce que je vous dis : je suis dans le Père et le Père est en moi ; si vous ne croyez pas ma parole, croyez au moins à cause de mes œuvres. Amen, amen je vous le dis : celui qui croit en moi accomplira les mêmes œuvres que moi. Il en accomplira même de plus grandes, puisque je pars vers le Père."
Evangile de Jésus Christ selon saint Jean 14, 1-12 CINQUIEME DIMANCHE DE PAQUES oOo Montre-nous le Père !
Le désir de voir Dieu est inscrit, je crois, dans le cœur de tout homme. Et, un peu comme les enfants qui me disent parfois : "Si je voyais Dieu seulement une fois, je croirais", beaucoup d'hommes pensent ainsi qu'il faudrait qu'ils aient une communication directe avec la divinité pour affermir leurs certitudes. En tout cas, c'est déjà la remarque de Philippe à Jésus. Alors que Jésus tient un discours qui passe largement au-dessus de l'esprit de ses amis, Thomas, le premier, intervient : "Nous ne savons pas où tu vas ! Alors, comment saurions-nous le chemin ?" Et Philippe, d'une façon encore plus péremptoire, dit à Jésus: Ce n'est pas la peine de faire des grands discours. Montre-nous le Père et cela nous suffit.
Comment ?
Nous sommes un peu comme Philippe, nous aussi. Serons-nous capables d'entendre la réponse de Jésus : "Celui qui me voit, voit le Père." C'est net. Oui, mais ! Comment voir Jésus ? Ce qui nous saute à l'esprit en premier lieu, c'est de dire : Il y a l'Evangile. Et c'est vrai, d'une certaine manière. Mais l'évangile, il faut d'abord y avoir accès. Nous sommes souvent comme l'Ethiopien qui quittait Jérusalem et s'en retournait vers son pays, en direction de la bande de Gaza et de l'Egypte, lorsque un autre Philippe, l'un des "Sept" du livre des Actes, le rejoint sur la route et lui demande : "Comprends-tu ce que tu lis ?" L'Ethiopien lui répond : "Comment pourrais-je comprendre, si personne ne m'explique !"
L'Evangile ne suffit pas.
L'Evangile a été écrit il y a vingt siècles, dans un environnement culturel différent du nôtre, par des gens qui n'avaient absolument pas notre tournure d'esprit. Je pense qu'on peut cependant, en relisant l'évangile, connaître Jésus, quelles ont été ses attitudes, ses actes, ses relations, assimiler ses paroles. Mais il reste cependant que pour beaucoup de nos contemporains, l'Evangile lui-même ne suffit pas pour avoir accès à Jésus, donc, pour avoir accès à Dieu. Et pourtant Jésus nous dit : Je suis le seul chemin. Il n'y en a pas d'autre. Si tu veux connaître Dieu, entrer dans son esprit, le voir même, il faut me voir. Alors, comment faire.
Corps du Christ.
Je vous ai déjà cité ce texte du XIVe siècle qui dit : "Christ n'a pas de mains aujourd'hui, il n'a que nos mains. Christ n'a pas de bouche, il n'a que nos bouches. Christ n'a pas de pieds, il n'a que nos pieds pour aller vers les hommes." C'est ce que traduisait très fortement la première communauté chrétienne. En premier lieu l'apôtre Paul qui dit : "Vous êtes le corps du Christ." Le corps, c'est ce qui sert à entrer en relations, à communiquer avec autrui, à identifier. Vous êtes le corps du Christ. Pourquoi disait-il cela ? Parce que les apôtres étaient en train de faire une expérience vitale pour eux. Le Christ les avait quittés, et pourtant, il était là, avec eux, comme il l'avait promis. Et ils touchaient du doigt son action. C'était lui qui inspirait et leurs actes, et leurs paroles. Si bien que chaque fois qu'ils se réunissaient, ils se disaient mutuellement : "Le Seigneur est avec nous." Comme nous nous le disons encore aujourd'hui. Mais faisons-nous vraiment cette expérience vitale d'une présence active de Jésus dans nos communautés ? En tout cas, l'apôtre Pierre qui, lui aussi, a fait cette expérience que le Seigneur inspire tous ses actes et toutes ses paroles, va dire en s'adressant aux chrétiens : "Vous êtes le Temple spirituel...Vous êtes les pierres vivantes de cet édifice spirituel qu'est l'Eglise." Ce qui veut dire, en bon français, que nous sommes chargés, nous aujourd'hui, l'Eglise qui est ici (pas seulement le pape et les évêques, mais toute la communauté des baptisés et la communauté dans chaque paroisse), de constituer le Corps du Christ. C'est-à-dire que nous avons pour mission de rendre présent, de rendre visible Jésus, Dieu lui-même. C'est une lourde responsabilité. Collective et personnelle. Nos contemporains n'auront accès au Dieu de Jésus-Christ qu'à travers l'image que nous donnerons collectivement du Dieu-Amour.
Discuter.
Ce qui veut dire, concrètement, qu'il faut faire preuve d'imagination et ne pas ronronner. Je dis cela en pensant au très beau passage des Actes que nous venons de lire. Que s'est-il passé ? Depuis le début, il y a eu des conflits dans l'Eglise. Un conflit surgit à Jérusalem entre les chrétiens de langue grecque et ceux de langue hébraïque, parce que les aides matérielles sont distribuées plus facilement aux veuves de langue hébraïque qu'aux autres. Il y a un problème. Bien ! On va en discuter. Pas "derrière le dos" des apôtres. Non. On en discute ouvertement, publiquement. On fait des propositions, on vote, on choisit sept hommes et, ensuite seulement, les Apôtres leur imposeront les mains pour confirmer officiellement leur mission. Et ces sept hommes à qui on voulait confier des tâches matérielles vont devenir des super-apôtres.
Inventer.
Voilà : l'imagination au pouvoir, dans l'Eglise. Il ne s'agit pas de copier. Il ne s'agit pas de reproduire des modèles qui, de toutes façons, sont dépassés, parce qu'ils datent de vingt siècles. Il s'agit, aujourd'hui, d'inventer. Il y a des problèmes dans l'Eglise aujourd'hui. Il y a, par exemple, un problème de plus en plus criant de raréfaction et de vieillissement du clergé. Allons-nous continuer à ronronner, à attendre passivement que la situation s'aggrave encore, ce qui ne va pas tarder. Les chrétiens baptisés ont droit à l'Eucharistie, droit au sacrement de Pénitence, droit au sacrement des malades. Pourquoi ne réclament-ils pas dans l'Eglise la satisfaction de ces droits fondamentaux ? C'est important pour nous. C'est important pour notre monde. Quelle image du Dieu de Jésus-Christ pourrait donner une Eglise qui n'est plus visible ? C'est pourquoi je pense qu'il s'agit d'être inventifs, de prendre des initiatives. Il y va du salut du monde. C'est à nous de montrer à nos contemporains que Dieu les aime.
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