Marie-Madeleine se rend au tombeau de grand matin,
LE SAINT JOUR DE PAQUES
Evangile de Jésus Christ selon saint Jean 20, 1-9
Après la mort de Jésus, le premier jour de la semaine, Marie-Madeleine se rend au tombeau de grand matin, alors qu'il fait encore sombre. Elle voit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court donc trouver Simon-Pierre et l'autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit: "On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l'a mis." Pierre partit donc avec l'autre disciple pour se rendre au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l'autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. En se penchant, il voit que le linceul est resté là ; cependant il n'entre pas. Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau, et il regarde le linceul resté là, et le linge qui avait recouvert la tête, non pas posé avec le linceul, mais roulé à part à sa place. C'est alors qu'entra l'autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit et il crut. Jusque-là, en effet, les disciples ne savaient pas que, d'après les Ecritures, il fallait que Jésus ressuscite d'entre les morts.
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Explosion de vie
Hier, d'un seul coup, tous les forsythias de mon quartier ont éclaté. Une débauche de lumière et de couleur. Lors de ma marche (presque) quotidienne - c'est bon pour la santé - je me suis arrêté à tout bout de champ pour contempler. Il y a ceux qui sont trop bien taillés, comme une grosse boule d'un jaune éclatant. Il y a aussi ceux qui lancent des flèches de lumière en tous sens. La veille, je vous assure, il n'y avait que quelques timides apparitions de couleur ; hier, c'était l'explosion. Une explosion de vie.
Depuis quelques semaines, ce sont les primevères qui peuplent mon jardin. Après les perce-neige, les crocus, les jonquilles, elles ont fait leur apparition, d'abord timide, puis débordante. Chaque matin, elles sont plus nombreuses, de toutes couleurs, de toutes tailles. Il y a les petites toutes timides, et les matrones plantureuses. A croire qu'une main invisible vient les planter chaque nuit dans mon jardin. Oui, l'hiver est fini. Bien fini.
Je crois que plus on avance en âge, plus on aspire à voir la fin de ces semaines tristes, grises et froides comme un monde de mort. Nos corps et nos esprits ont besoin, physiquement, de lumière et de soleil. Aujourd'hui, c'est comme si on ouvrait tout grands volets et fenêtres sur la vie. "C'est reparti pour un tour", déclarait autrefois un vieil ami qui, dès les premiers beaux jours, aimait se faire dorer au soleil. C'est bon de constater ainsi que le printemps est plus fort que les hivers, et que toujours la vie triomphe de la mort.
Une réalité divine
Si je vous parle de la nature, des plantes et du soleil, ne croyez pas qu’il s’agit d’une simple comparaison pour en venir à la Résurrection. C’est bien plus qu’une comparaison. La résurrection est une réalité divine. Elle affecte la création entière, à divers niveaux. Il y a divers degrés de résurrection, celui des végétaux étant le premier degré, le plus facilement vérifiable. Jésus parle du grain de blé semé en terre. Saint Paul, lui aussi, prend la même comparaison de la graine semée en terre. Tout ce qui revient à la vie, santé retrouvée, amour revivifié, nous parle de résurrection. Une résurrection qui culmine en l'homme-Jésus.
Il nous faut, à partir de ces quelques réflexions, essayer de comprendre la signification de cette fête de Pâques que nous célébrons aujourd’hui. Je relis les évangiles relatant l’événement de la résurrection de Jésus : quelques paroles me frappent. Et d’abord, une indication de temps : c’est arrivé « le premier jour de la semaine, de grand matin, alors qu’il fait encore sombre. » Comment ne pas songer à ce premier jour du monde, où Dieu commença par créer la lumière. Je crois que Matthieu fait ici allusion à la première création, pour nous faire entrevoir qu’avec la résurrection de Jésus, nous assistons à une nouvelle création, un nouveau monde, un recommencement de l’histoire. Au premier jour, « la terre était informe et vide » ; de même, en cette nouvelle création, la vie jaillit d’un tombeau vide.
Premières, les femmes
Depuis le début du monde, la mort régnait, inexorable. L’ange de Dieu, ouvrant la tombe, détruit la séparation entre les vivants et les morts. Jésus ne peut rester prisonnier de la mort et, dans sa résurrection, il entraîne tous les humains. Des femmes seront là, les premières, pour être témoins et messagères de cette naissance. C’est normal. La résurrection est un accouchement, une naissance. Il a fallu un enfantement dans la douleur .Il a fallu la présence des femmes, maternelles, aimantes, maternantes. La mort et le mal sont en train d’être chassés. L’ange de la résurrection est assis sur la pierre roulée d’une tombe vide. Les forces de mort et de barbarie n’auront pas le dernier mot. Surgit la vie.
Lorsque je relis les textes évangéliques qui nous annoncent la résurrection de Jésus, je suis frappé, au premier abord, par leur incohérence. Ils ne se contredisent pas, certes, mais ils donnent l’impression que chacun ne sait plus très bien où il en est. A commencer par les femmes. Le groupe qu’elles forment et qui, au petit matin, ont reçu l’annonce de l’ange et la mission d’aller prévenir les disciples, rencontre Jésus sur le chemin, lui embrasse les pieds, avant que Jésus ne leur recommande à son tour d’aller trouver les apôtres et de les inviter à rejoindre la Galilée. Marie-Madeleine ne reconnaîtra son Seigneur qu’à sa voix, lorsqu’il l’appelle par son nom, Marie. Pierre et Jean courent au tombeau ; tous deux constatent que le tombeau est vide, mais seul Jean nous dit qu’alors « il vit et il crut », alors que Pierre se contente de constater le fait. Ainsi de toute cette folle journée où tout va si vite. Les auteurs n’ont même pas pris la peine d’arranger leurs témoignages pour qu’il y ait un minimum de concordances. Le fait brut est là, proprement inouï.
Crier sur les toits
Tellement inouï que tous les récits évangéliques répètent inlassablement que les témoins n’arrivaient pas à y croire. Tous, et pas seulement Thomas. Il leur a fallu du temps pour se faire à cette idée, pour accueillir cette extraordinaire bonne nouvelle. Il leur a fallu sans doute des semaines avant qu’ils n’osent la crier sur les toits. Avec quelle assurance ! Alors, tout bascule dans leur vie. Car c’est plus qu’une bonne nouvelle qu’ils reçoivent, c’est un nouveau mode de présence qu’ils vont expérimenter : « Le Seigneur est avec nous », crieront-ils. D’une présence plus intime que celle qui fut la sienne durant les années de sa vie terrestre. Et alors, cette assurance fera boule de neige. Le bouche à oreille fonctionnant particulièrement bien, très vite, en quelques mois, en quelques années, la nouvelle fera le tour du monde connu de l’époque. Tous les témoins se feront messagers, passant le relais de siècle en siècle, en une tradition ininterrompue jusqu’à nous.
A nous qui sommes réunis aujourd’hui dans cette église pour chanter, comme les premiers témoins : « Christ est vraiment ressuscité. » Et pas seulement pour exprimer ainsi vocalement notre joie, mais pour manifester, de mieux en mieux, la résurrection qui s’opère en nous. Je vous disais tout à l’heure que la résurrection est une réalité divine. Elle affecte la création entière, et pas seulement le monde végétal. Elle est aussi pour tout homme qui croit à « la résurrection de la chair » et à « la vie éternelle ». Car si la vie est éternelle, elle nous traverse et elle est déjà commencée pour chacun de nous. Une belle préface de l’office des défunts nous dit que « la vie n’est pas détruite, elle est transformée ». J’ajouterai que c’est aujourd’hui et tous les jours que notre vie se transforme. Certes, le processus naturel de nos existences terrestre consiste, après les années de croissance et de mûrissement, en une plus ou moins lente dégradation. Mais je sais aussi qu’il y a des résurrections possibles dès cette terre, pour chacun de nous, et que nous pouvons grandir dans l’amour, mûrir dans la confiance en l’avenir, accueillir dans les rencontres une plus grande fraternité. C’est Pâques aujourd’hui. Ce peut être Pâques tous les jours. Soyons des vivants.