SEPTIÈME DIMANCHE DE PAQUES
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 17, 1-11
A l'heure où Jésus passait de ce monde à son Père, il leva les yeux au ciel et pria ainsi : «Père, l'heure est venue. Glorifie ton Fils, afin que le Fils te glorifie. Ainsi, comme tu lui as donné autorité sur tout être vivant, il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. Or, la vie éternelle, c'est de te connaître, toi, le seul Dieu, le vrai Dieu, et de connaître celui que tu as envoyé, Jésus Christ. Moi, je t'ai glorifié sur la terre en accomplissant l'œuvre que tu m'avais confiée. Toi, Père, glorifie-moi maintenant auprès de toi : donne-moi la gloire que j'avais auprès de toi avant le commencement du monde. J'ai fait connaître ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé fidèlement ta parole. Maintenant ils ont reconnu que tout ce que tu m'as donné vient de toi, car je leur ai donné les paroles que tu m'avais données ; ils les ont reçues, ils ont vraiment reconnu que je suis venu d'auprès de toi, et ils ont cru que c'était toi qui m'avais envoyé.
Je prie pour eux ; ce n'est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m'as donnés : ils sont à toi, et tout ce qui est à moi est à toi, comme tout ce qui est à toi est à moi, et je trouve ma gloire en eux. Désormais je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi.»
oOo
Vous cherchez Jésus Christ ?
Gros émoi chez les archéologues français ! Pour la rénovation du collège du Vieux Port à Marseille, on entreprend de creuser un parking souterrain. Comme le prévoient les textes officiels, les archéologues commencent des fouilles préventives au début de janvier (2005) et, oh merveille, découvrent des vestiges vieux de 26 siècles : la première ville construite en pierre dans une Gaule où toutes les habitations sont en bois. Et au centre, ce qui fut un immense temple dédié sans doute aux dieux de l'Olympe grecque. En plein milieu des HLM qui entourent actuellement ces ruines !
Un jour, un môme du collège s'arrête devant le chantier, regarde les archéologues en train de creuser et crie : "Eh, M'sieur, vous cherchez Jésus-Christ ?" Je ne sais pas si la remarque gouailleuse de ce petit Marseillais a plu aux chercheurs. Personnellement, elle m'a amusé ; puis elle m'a fait réfléchir. Chercher Jésus-Christ dans des fouilles archéologiques, l'image est intéressante. Pour tellement de gens, Jésus-Christ relève, sinon de la préhistoire, du moins d'une histoire très, très vieille. Un homme du passé. En est signe, la quantité de livres et d'émissions de télé qui prétendent tout dire du "Jésus historique". Ce qui, en soi, n'est pas mal : il est normal qu'on cherche à replacer Jésus dans son contexte historique et à expliquer ainsi quelle signification ont ses gestes et ses propos.
Connaître
Mais si on en reste là, on n'a fait que quelques pas sur la longue route. Il nous restera à pénétrer dans l'intimité du Christ. Il nous y invite, comme il s'invite en notre propre intimité. "La vie éternelle, c'est de te connaître, toi, le seul Dieu, le vrai Dieu, et de connaître celui que tu as envoyé, Jésus Christ." C’est dans la longue et belle prière que Jésus adresse à son Père, quelques heures avant d’être arrêté, alors que lui et ses disciples sont encore a table pour le dernier repas qu’il prendra avec eux, qu’on trouve cette forte affirmation. Et cette « vie éternelle », c’est Jésus qui la donne à tous ceux que le Père lui a donnés. En quoi consiste donc cette connaissance ?
Le mot « connaître » a plusieurs significations : il y a en effet plusieurs manières de connaître. En hébreu, le même mot désigne plusieurs réalités. Il déborde le savoir abstrait et exprime une relation existentielle. Connaître quelque chose, c’est en faire concrètement l’expérience. On connaît ainsi la souffrance, le péché, la guerre ou la paix, le bien et le mal, la joie ou la peine. Mais connaître quelqu’un, c’est autre chose : c’est entrer en relations personnelles avec lui. Ces relations peuvent prendre des formes bien différentes, comporter bien des degrés. Dans la Bible, le mot sert à exprimer la solidarité qui doit exister entre frères et sœurs. Bien plus, treize fois, on dit d’un homme ou d’une femme qui ont des relations sexuelles qu’ils « connaissent » leur partenaire. Connaître quelqu’un, c’est essentiellement entrer dans son intimité. Pour Jérémie par exemple, le fait d’entrer en alliance avec Dieu, d’entrer dans son intimité, c’est le connaître. Tout l’Ancien Testament va insister sur le fait que, d’abord, il y a l’initiative de Dieu. Avant de le connaître, on est connu de lui. Avant même notre naissance. Et cette connaissance est une autre manière de dire quel amour unique Dieu nous porte. Il nous connaît, chacun de nous, par notre nom. Personnellement. Et c’est pour cela qu’il veut se faire connaître de chacun de nous, qu’il se révèle aux hommes.
Une expérience
Cette révélation se fera progressivement. Ne nous en étonnons pas : lorsqu’un homme et une femme se rencontrent, il leur faut du temps pour qu’ils apprennent à se connaître. Il leur faudra des mois, des années. Toute la vie, sans doute. Demeure toujours la part mystérieuse et secrète dans toute personnalité humaine. Il en est de même pour Dieu. C’est toute l’Écriture qui nous raconte cette expérience progressive qu’ont fait certains hommes célèbres, Abraham, Moïse, Samuel, David, Elie, et combien d’autres. L’Écriture, pour chacun d’eux, rapporte concrètement comment ils sont devenus, chacun à leur manière, des amis intimes de Dieu. Mais, à côté de l’expérience personnelle de ces hommes, il y a l’expérience de tout un peuple, avec ses hauts et ses bas, ses fidélités et ses infidélités ; et malgré les infidélités répétées, le sentiment toujours plus fort d’être le peuple choisi, pour qui la fidélité divine ne se dément jamais.
Intimité
La révélation du Dieu vivant va se faire plus plénière avec Jésus, image visible du Dieu invisible. Il est le Fils, l’envoyé du Père pour nous introduire définitivement dans l’intimité divine. « Qui me voit, voit le Père », déclare-t-il à Philippe. Tu veux connaître Dieu ? Regarde Jésus. Oui, mais ce n’est pas si simple que cela. J’en reviens toujours à notre expérience personnelle : pour connaître quelqu’un il faut désirer le connaître, puis il faut le fréquenter, chercher à entrer dans son intimité. Disons qu’il y a des degrés dans la connaissance d’une personne. Je connais quelqu’un, certes, si je peux le re-connaître lorsque je le rencontre dans la rue, mettre un nom, une identité sur un visage. On peut même connaître ses origines, son métier, un peu de son histoire personnelle : cela ne va pas très loin. Par contre si je vis avec lui, ou si je travaille avec lui, ou si j’ai des centres d’intérêts communs avec lui, ma connaissance de l’autre sera beaucoup plus profonde. Mais si je l’aime, et s’il répond à mon amour, si notre intimité se fait plus entière, je le connaîtrai beaucoup mieux. Ce qui revient à dire que la condition première pour connaître une personne, c’est l’amour qu’on lui porte et qu’il nous rend.
Donc, pour connaître le Dieu de Jésus-Christ, il faudra, d’abord, le désir de le connaître, et ensuite, la démarche d’amour la plus parfaite possible. « Si quelqu’un m’aime, dit Jésus, mon Père l’aimera, nous viendrons en lui et nous ferons chez lui notre demeure. » C’est dans cette fréquentation amoureuse que se fera la rencontre. Et cela se verra : nous serons comme Dieu. Avez-vous déjà remarqué ce phénomène de mimétisme qu’on observe chez certaines personnes qui, inconsciemment, adoptent les manières d’être, les gestes, les attitudes de celui, de celle qu’ils aiment ? De la même façon, celui qui connaît intimement le Dieu de Jésus-Christ adopte les manières d’être du Christ : bienveillance, écoute de l’autre, amour des petits, service des humbles. Vous voyez combien le fait de connaître, dans ce cas, dépasse infiniment une connaissance livresque ou intellectuelle. Il engage toute notre vie dans une ressemblance concrète : nous en sommes divinisés. C’est cela, la « vie éternelle. »