THÉOLOGIE "POUR LES NULS"

 

            

       Cette année 2015 : 


NOS PERES DANS LA FOI

 

 

 

14 - ATHANASE D’ALEXANDRIE

 

par Vénuste Linguyeneza

 

 

 

I.              La vie mouvementée d’Athanase

 

Dans l’Eglise orientale, saint Athanase est appelé « le pilier de l'Église » ou encore « le Père de l’orthodoxie ». Il est si imposant comme pasteur et théologien que certains appellent le 4ème siècle, « le siècle d’Athanase », alors que d’ordinaire on l’appelle « l’âge d’or de la patristique ».

Le pape Benoît XVI lui a consacré une audience générale le 20 juin 2007. Il disait : « Cet authentique et important acteur de la tradition chrétienne, très peu d’années après sa mort, commença à être salué comme « la colonne de l’Église » par le grand théologien et évêque de Constantinople qu’était Grégoire de Nazianze (Discours XXIV, 26), et il a toujours été regardé comme un modèle d’orthodoxie, tant en Orient qu’en Occident. Ce n’est donc pas par hasard que Jean-Laurent Bernini, dit Le Bernin, plaça sa statue parmi celles des quatre saints docteurs de l’Église d’Orient et d’Occident, Ambroise, Jean-Chrysostome et Augustin, qui entourent la Chaire de saint Pierre dans la merveilleuse abside de la basilique vaticane. »

Athanase est né vers 295 à Alexandrie, juste avant l'éclatement de la grande persécution de Dioclétien (297-313). Il suivit une formation classique. Il a été en contact avec les moines de la Thébaïde, auprès de saint Antoine (le premier moine chrétien de l’histoire), dont il resta toute sa vie le fervent disciple ; « Athanase avait été l’ami du grand ermite, dit le pape Benoît XVI, au point de recevoir une des deux peaux de brebis qu’Antoine laissa en héritage avec le manteau reçu en cadeau de l’évêque d’Alexandrie lui-même » (audience générale du 20 juin 2007). Son évêque Alexandre remarqua assez vite ses qualités : il l’ordonna diacre en 319, et le prit comme secrétaire. C'est comme son secrétaire (on dirait aujourd’hui comme son « expert ») que l’évêque Alexandre le prit avec lui au fameux concile de Nicée (aujourd'hui Iznik, à 50 km de Bursa, sur la façade orientale du Bosphore), premier concile à caractère œcuménique, convoqué et présidé par l’empereur Constantin le 20 mai 325, dans le but d’assurer l’unité de l’Église. Athanase, toujours diacre, se fit remarquer là aussi, à la façon de donner la réplique aux ariens. Trois ans après, il  succéda à Alexandre au siège d’Alexandrie, devenant par le fait même, le chef de presqu’une centaine d’évêques d’Egypte et de Lybie.

La vie d’Athanase ne fut qu’une lutte sans répit contre les ariens (les partisans d’Arius, prêtre hérétique d’Alexandrie) qui cherchèrent par tous les moyens à l’abattre ou du moins à l’éloigner, souvent avec l’appui des empereurs et le glaive de l’armée, souvent avec des calomnies invraisemblables. C’est ainsi qu’on soudoya une femme pour venir l’accuser de l’avoir violée ; la femme fut confondue quand on lui demanda de désigner du doigt Athanase et qu’elle pointa le doigt vers quelqu’un d’autre. Une autre fois, il fut accusé d’avoir assassiné un évêque et celui-ci sortit de sa cachette pour faire éclater l’innocence du patriarche d’Alexandrie. Athanase se fit le champion et le défenseur de la foi de Nicée et jamais il ne fléchira. Athanase n’était pas homme à se satisfaire de rester sur la défensive, il luttait avec passion et son ton fut toujours catégorique : « Son intransigeance à l’égard de ceux qui s’étaient opposés à son élection épiscopale, et surtout à l’égard des adversaires du symbole de Nicée, fut tenace et occasionnellement très dure parce que nécessaire ; elle lui attira l’hostilité implacable des Ariens et des philo-Ariens » (Benoît XVI, lors de l’audience générale du 20 juin 2007).

Athanase fut chassé cinq fois de son siège épiscopal, de sorte qu’il passa plus de dix-sept ans en exil, sur ses quarante-six années d'épiscopat. Lors de ces exils, il continuait d'administrer son diocèse par correspondance. Providentiellement (à quelque chose malheur est bon), ces longs séjours en exil seront pour l’Occident la chance de comprendre ce qui se vivait en Orient : les évêques exilés (Athanase ne fut pas le seul) expliquaient aux occidentaux les querelles théologiques de leurs communautés et les nuances, les finesses, des formules définies au concile de Nicée ; Athanase apporta un plus : il fit connaître le mouvement monastique qui était né en Egypte avec le grand ermite, saint Antoine. Ce que résume Benoît XVI : « Mais au cours de ces absences forcées d’Alexandrie, l’évêque eut l’occasion de soutenir et de répandre en Occident, d’abord à Trèves puis à Rome, la foi de Nicée et également les idéaux du monachisme qu’avait embrassés en Égypte le grand ermite Antoine, en un choix de vie dont Athanase fut toujours proche » (même audience générale du 20 juin 2007).

Il faut savoir que la doctrine arienne avait été condamnée au concile de Nicée, mais les tenants de cette hérésie avaient de puissants appuis. Ceux-ci avaient obtenu de l’empereur Constantin qu’Arius soit réadmis dans le clergé d’Alexandrie, ce qu’Athanase refusa catégoriquement. Suite à ce refus, ses ennemis se réunirent en synode à Tyr, en 335, pour déposer Athanase que l’empereur exila à Trèves, malgré le soutien du peuple d'Alexandrie et les lettres de saint Antoine à l'empereur en sa défense. À la mort de Constantin en 337, Athanase revient dans son diocèse le 23 novembre de cette même année, en faisant un détour par Césarée de Cappadoce et Antioche afin d'y confirmer la foi orthodoxe (orthodoxe dans le sens de fidèle aux « définitions » de Nicée).

Un concile des confesseurs de la foi, réuni à Alexandrie en 338, assura Athanase du soutien unanime de tout l'épiscopat égyptien. Saint Antoine lui-même décida de sortir de son lointain désert pour se rendre à la capitale et soutenir l'évêque par le témoignage de sa parole. Pourtant les intrigues ne cessèrent pas contre Athanase. Ses ennemis réunirent un synode à Antioche, en 339, sous l’instigation de leur chef, Eusèbe, l'évêque de Nicomédie ; ils déposèrent Athanase pour la deuxième fois ; ils tentèrent sans succès d’imposer, comme évêque d'Alexandrie, un prêtre excommunié du nom de Pistus et arrivèrent à installer de force Grégoire de Cappadoce. Entretemps, Athanase avait fui à Rome où un synode, réuni en 341 par le pape Jules 1er, le réhabilita ;  le synode de Sardaigne en 343 le reconnut seul évêque légitime d'Alexandrie. Athanase dût cependant attendre la mort de Grégoire de Cappadoce (345), pour rentrer à Alexandrie le 21 octobre 346.

Les ennemis d’Athanase ne vont pas désarmer. L’empereur Constant, qui protégeait Athanase, mourut en 350 ; Constance, qui lui était opposé, devint alors l’unique empereur de l’Orient et de l’Occident. Celui-ci s’empressa de convoquer un synode à Arles en 353 et un autre à Milan en 355 pour condamner Athanase et installer Georges de Cappadoce, évêque d'Alexandrie. Athanase se réfugia chez les moines du désert d’Egypte ; il mit à profit les six années qu’il y resta pour écrire quelques œuvres comme l' « Apologie à Constance », l' « Apologie pour sa fuite », la « Lettre aux Moines » et l’ « Histoire des ariens ».

Constance mourut en 361 ; l’usurpateur Georges de Cappadoce fut assassiné cette même année le 23 décembre ; le nouvel empereur, Julien l’Apostat, rappela les évêques exilés. Athanase put retrouver son siège épiscopal le 22 février 362. Sans attendre, il réunit, la même année, un synode à Alexandrie pour essayer de réconcilier orthodoxes et hérétiques ; on profita de cette réunion pour définir la divinité du Saint-Esprit, qui commençait à être attaquée, elle aussi, par les hérétiques. Cela ne fut pas du goût de l’empereur Julien qui cherchait plutôt la division parmi les chrétiens. Athanase fut chassé comme « perturbateur de la paix et ennemi des dieux ». A la mort de Julien, l’année suivante en 363, Athanase revint dans la capitale égyptienne, mais pour être exilé une cinquième fois en 365, quand Valens devint le maître de l'Orient (364-378). Cette fois-ci, il ne s’exila pas loin : il se retira dans une maison de campagne hors de la cité (certaines sources disent qu’il se cacha pendant quatre mois dans un cimetière de la banlieue d'Alexandrie). Le peuple d’Alexandrie en avait assez de voir son évêque malmené de la sorte, il menaça de se révolter ; alors Valens rappela le patriarche. Athanase fut rétabli sur son siège le 1er  février 366, vécut le reste de ses jours dans la paix, et mourut le 2 mai 373.

      

II.            Le milieu politico-religieux qui vit naître l’arianisme ?

 

Il est utile de rédiger quelques lignes pour situer Athanase et son combat afin de mieux comprendre cette époque et l’évolution du dogme que l’Eglise lui doit. En parlant de la vie et de l’œuvre d’Athanase, nous entrons dans les vives discussions théologiques du 4ème  siècle, « querelles » qui touchent le mystère central de la foi chrétienne, celui qui fait son originalité : la Trinité.

Il faut se rappeler que l’Eglise a connu la persécution dès sa naissance. C’est avec l’empereur Constantin et son « Edit de Milan » du 13 juin 313 que les chrétiens retrouvent la pleine liberté de culte et récupèrent même leurs biens confisqués.

C’est une ère nouvelle qui commence alors, avec quelques conséquences. Avec la liberté religieuse et la paix constantinienne, de nombreux courants théologiques vont foisonner et se propager dans l’Église. Ces querelles christologiques vont provoquer des divisions, des hérésies et des schismes. Aux siècles précédents, les théologiens défendaient ce qu’ils croyaient être la vraie doctrine transmise par les Apôtres et que ceux-ci avaient reçue de la bouche même de Jésus. Maintenant que beaucoup d’intellectuels ont embrassé le christianisme, c’est le cas de dire « fides quaerens intellectum » (formule d’Anselme de Canterbury), c’est-à-dire « rendre raison de la foi chrétienne ». Il faut chercher à comprendre ce qu’on croit, et fatalement on ne se contente plus uniquement des versets bibliques, on cherche à rentrer le donné biblique dans des « catégories » de la philosophie à laquelle on adhère. Les discussions théologiques et les débats doctrinaux finiront en querelles et en hérésies. Paradoxalement, c’est à la faveur des hérésies (si on peut se permettre, en ce cas, l’expression « à la faveur »), que le dogme va progresser : les hérésies vont amener la hiérarchie de l’Eglise à réunir des synodes et des conciles pour fixer, en des formules « dogmatiques », la foi qui fera l’unité entre les chrétiens (on dit que l’Eglise « définit » le dogme).

Constantin va favoriser l’essor de l’Eglise. On va même dire que le christianisme est devenu une religion d’Etat, avec, comme une des conséquences, le césaropapisme : le César fait en même temps le pape, l’autorité politique dirige aussi l’Eglise, les évêques se soumettent aux ordres de la cour. Rares sont les évêques (par exemple Ambroise en Occident et Athanase en Orient) qui défendent farouchement l’indépendance de l’Eglise contre un prince qui s’affiche chrétien. C’est ainsi que les empereurs convoquaient les conciles : non pas tellement parce qu’ils étaient préoccupés de la vérité théologique, mais parce qu’ils cherchaient « l’unité à tout prix » de l’empire sans ces disputes théologiques auxquelles ils ne comprenaient rien. Pour assurer l’unité, une seule alternative : la conciliation ou la condamnation. Voilà pourquoi Constantin convoqua et présida, en Bithynie, le 20 mai 325, le concile de Nicée qui condamna Arius. C’est ainsi que l’empereur se charge d’appliquer les décisions du concile : il impose la formule dogmatique adoptée et chasse de leurs sièges les évêques ariens (ceux qui ont accepté le credo de Nicée sont appelés « orthodoxes »). On sait qu’à la fin de sa vie, Constantin tombera sous l’influence du chef des ariens, Eusèbe de Nicomédie, qui organisa son baptême, sur son lit de mort.

 

Qu’est-ce que l’arianisme ? Avant d’aborder les écrits d’Athanase, il serait utile de faire une note sur l’hérésie d’Arius. C’est une hérésie fort pernicieuse, un peu comme la gnose appelée la mère de toutes les hérésies, parce que toutes ont quelque chose à voir avec l’arianisme ; c’est une hérésie qui ne cesse de réapparaître sous différentes formes à travers l’histoire de l’Eglise.

Le prêtre du nom d'Arius (256-336) donna son nom à l'hérésie qu'on appelle l'arianisme selon laquelle Jésus, bien qu'il soit appelé Fils de Dieu, n'était ni vrai Dieu ni éternel. Pour Arius, la personne divine est incréée et inengendrée. Par conséquent, seul le Père est Dieu puisque le Fils a été engendré par le Père. Le Fils de Dieu ne peut pas être pleinement Dieu, puisque, pour avoir été engendré, il est postérieur à son Père. Il fut donc un temps où il n'existait pas (et donc le Père ne fut pas toujours père), mais Dieu le créa « à partir du néant » avant que furent créés le ciel et la terre. Il est donc inférieur et subordonné à son créateur (de même que le Saint Esprit qui est la première créature du Verbe et donc moins Dieu que lui), il n’est qu’un relais entre Dieu et la création. Le Fils n'est pas parfaitement égal au Père ; il n'est pas de même nature (consubstantiel) et ne participe pas à son éternité (coéternel), donc sa divinité est secondaire. Le Fils est « comme Dieu », il n’est qu’un être créé avec des attributs divins, mais sans être pour autant d’essence (nature) divine, ni divin lui-même. Il ne peut être appelé Fils de Dieu que par métaphore (quelqu’un dit même par abus de langage), ou au sens moral, ou parce qu’adopté « en prévision de ses mérites ». Par conséquent, nulle participation réelle à la divinité, nulle vraie ressemblance avec Dieu. Cet être mi-divin et mi-angélique (démiurge) prit un corps humain (mais n'avait pas d'âme humaine !) et racheta les hommes, non pas en mourant à leur place, mais en leur montrant comment, en tant qu'êtres libres, ils pouvaient choisir le bien et devenir ainsi à leur tour fils de Dieu. L’arianisme prolonge la gnose qui voulait que la divinité crée un demi-dieu qui va créer les autres êtres : création en cascades pour expliquer pourquoi, au bout de la chaîne, il y a la matière et donc le mal (le Dieu bon par essence n’a rien à voir avec le mal).

Ce sont là autant de doctrines qui s'efforcent de préserver l'unicité de Dieu, mais aux dépens de la Trinité. La foi chrétienne, dans les formules et les explications, tient le juste équilibre entre unicité et trinité. L’hérésie au contraire (selon l’étymologie) choisit ce qui cadre avec ses « a priori » logiques et philosophiques. Penser la Trinité en termes de Père-Fils ou en termes de créateur-créature ? Préférer le Dieu rigoureusement un et unique au Dieu en trois Personnes bien distinctes mais parfaitement égales ? Comme il est difficile d’affirmer, de tenir l’un ET l’autre.

La doctrine d’Arius plaisait à beaucoup de théologiens de culture grecque. L’arianisme se répandit très vite en Egypte, en Libye, dans les provinces de l’Orient et d’Asie Mineure. L'hérésie triomphait partout. « Toute la terre était dans le gémissement, surprise de se voir devenue arienne », écrit saint Jérôme. En 320, Alexandre, l’évêque d’Alexandrie, convoqua un synode local des évêques d’Egypte et de Libye qui condamna et excommunia Arius. Celui-ci fut chassé d’Alexandrie, se réfugia chez Eusèbe de Nicomédie et alerta ses amis à qui il demanda leur soutien. Des synodes locaux intervinrent en sa faveur. Le problème devint politique. C’est pour rétablir la paix dans l’empire que Constantin convoqua le concile de Nicée en 325. L’arianisme fut l’occasion du premier concile « œcuménique ». On dit « œcuménique » quand sont convoqués et rassemblés les pasteurs de toutes les communautés chrétiennes, de toutes les Eglises locales. A Nicée, pour la première fois, 220 évêques, se trouvèrent réunis, avec cependant seulement 5 évêques latins venus d'Occident, le grand absent étant l'évêque de Rome (le pape).

Les « orthodoxes » (par opposition aux hérétiques) firent, eux, valoir que le Fils est « consubstantiel » au Père, c'est-à-dire qu’il a la même nature divine, la même « essence », et qu’il est parfaitement égal au Père. Le concile de Nicée définit donc l'identité de nature du Père et du Fils.

Mais, entre les ariens et les orthodoxes, s'insérèrent, en pacificateurs, quelques autres (« semi-ariens ») qui, jouant sur les mots « identique » et « semblable », ne firent qu'augmenter la confusion. Sans dire ouvertement que le Fils de Dieu est une créature, ils se refusaient pourtant à proclamer sa pleine identité de nature avec le Père. Plusieurs synodes vont se succéder pour trouver une réponse à ces nouvelles doctrines : Tyr en 335, Arles en 353, Sirmium en 357 et 359, Séleucie et Rimini en 359, Constantinople en 360. C’est tout un ballet qui voit la victoire tantôt des ariens, tantôt des « nicéens » (ceux qui restent fidèles à la doctrine de Nicée), selon la tendance de l’empereur en place qui, selon les cas, chassait les évêques de leurs sièges épiscopaux ou au contraire les ramenait d’exil. Le va et vient d’Athanase en est la meilleure illustration.

Il faudra le concile de Constantinople, en 381 pour redéfinir officiellement la doctrine de Nicée. C’est le credo appelé « Nicée-Constantinople » que récitent chaque dimanche toutes les Eglises, aussi bien catholiques qu’orthodoxes, anglicans ou autres. Dans ce texte fondamental qui exprime la foi de l’Église indivise et que nous récitons encore de nos jours, chaque dimanche lors de la célébration eucharistique, est employé le terme grec homoousios (unité de nature et non seulement égalité de nature), traduit en latin par consubstantialis : celui-ci veut signifier que le Fils est « de la même substance » que le Père, qu’il est Dieu né de Dieu, qu’il est de sa substance, voulant par là mettre en lumière la pleine divinité du Fils niée par les ariens.

Il est vrai que le texte est difficile à comprendre, surtout que le vocabulaire vient de la philosophie grecque plutôt que de la Bible ; on ne se retrouve pas dans ce dédale de subtilités, de nuances... Mais n’est-ce pas une raison de plus pour se le faire expliquer, plutôt que de l’ignorer ou de le remplacer par des formules vagues et plates ? Il est toujours utile de revisiter l’histoire. C’est alors qu’on comprendra pourquoi le credo officiel insiste sur « vrai Dieu, né du vrai Dieu, engendré, non pas créé, de même nature que le Père ». Une insistance pour répondre à Arius et ses partisans de toujours.

L’arianisme n’est pas mort. Il subsiste et refait surface en toute doctrine qui nie la divinité du Fils, toujours pour mettre l’accent sur l’unicité de Dieu, c’est-à-dire la foi en un seul Dieu. L’on cherche à comprendre, avec notre raison raisonnante, un seul Dieu en trois Personnes. Comment concilier les deux, comment garder l’équilibre entre ces deux affirmations fortes. La difficulté est là. L’hérésie consiste justement à choisir l’un au détriment de l’autre : on se fait une logique. L’arianisme reste une tentation. N’est-il pas présent chez les Témoins de Jéhovah et les Mormons (pour ne citer que ceux-là) ?

Athanase fut le défenseur inflexible du dogme de la divinité du Verbe et de la foi en la sainte Trinité. Cette conviction absolue fut la raison de sa vie et de ses combats. Parfois l’opposition contre la foi du concile de Nicée se cristallisait en fait, se focalisait sur la personne d'Athanase. Le pape Benoît XVI dit de lui : « Athanase est sans aucun doute l’un des plus importants Pères de l’Église antique et des plus vénérés, mais surtout ce grand saint est le théologien passionné de l’incarnation du Logos, le Verbe de Dieu qui, comme l’exprime le Prologue du quatrième évangile, « s’est fait chair et a habité parmi nous » (Jn 1, 14). C’est bien pour cette raison qu’Athanase fut aussi le principal et plus tenace adversaire de l’hérésie arienne qui en ces temps-là menaçait la foi au Christ, le réduisant à une créature « intermédiaire » entre Dieu et l’homme, selon une tendance récurrente au cours de l’histoire et que nous voyons à l’œuvre de diverses façons de nos jours encore » (audience générale du 20 juin 2007).

 

(A suivre, en mars)

 

Vénuste LINGUYENEZA

Vénuste est un ami, prêtre rwandais

spécialiste des Pères de l'Eglise

actuellement curé-doyen de Waterloo (Belgique)

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