THÉOLOGIE "POUR LES NULS"

 

            

       Cette année 2015 : 


NOS PERES DANS LA FOI

 

 

15 - ATHANASE D’ALEXANDRIE (II)

par Vénuste Linguyeneza

 

(Mars 2015)

 

III.           Les écrits d’Athanase

 

Tout le monde s’étonne qu’Athanase ait pu avoir la production littéraire qu’on lui connait, alors qu’il a été ballotté pendant des années loin de son diocèse. Toute son œuvre concerne de près ou de loin sa lutte pour la foi de Nicée contre les ariens et affiliés. La réputation théologique d'Athanase lui valut l'attribution d'un grand nombre d’œuvres d'autres auteurs : retenons uniquement celles dont l’authenticité n’est pas discutée.

On peut grouper ses œuvres selon la subdivision que propose l’inusable « Initiation aux Pères de l’Eglise » de Johannes QUASTEN (qui était le « manuel » dans le domaine et que je résume) :

1.     écrits apologétiques et dogmatiques ;

2.     écrits historico-polémiques ;

3.     écrits exégétiques ;

4.     écrits ascétiques ;

5.     sermons ;

6.     lettres.

 

1. Ecrits apologétiques et dogmatiques 

a. Contre les païens et Sur l’Incarnation du Verbe. 

Les traités Oratio contra gentes  et Oratio de incarnatione Verbi forment en réalité deux parties d'un seul ouvrage. Le premier réfute les mythologies, le paganisme, le polythéisme populaire, le panthéisme philosophique pour affirmer que le monothéisme est la seule religion raisonnable ; il affirme que l'homme peut accéder à la connaissance de Dieu, notamment à travers la création. Le deuxième traité « Sur l’incarnation du Verbe », suite du précédent, donne les raisons de l’incarnation, de la mort et de la résurrection du Christ. L'absence de toute allusion à la controverse arienne et à la théologie de Nicée fait penser que les deux traités ont été écrits vers l’année 318, avant l’expansion de la doctrine d'Arius.

Benoît XVI, lors de l’audience générale du 20 juin 2007 commente cette œuvre : « L’œuvre doctrinale la plus célèbre du saint évêque d’Alexandrie est son Traité sur l’Incarnation du Verbe de Dieu, le Logos divin qui s’est fait chair en devenant comme nous pour notre salut. Dans cette œuvre, Athanase formule une affirmation devenue justement célèbre, selon laquelle le Verbe de Dieu « s’est fait homme pour que nous devenions Dieu » ; il s’est rendu visible dans le corps pour que nous ayons une idée du Père invisible ; et il a lui-même supporté la violence des hommes pour que nous héritions de l’incorruptibilité »

b. Les Discours contre les ariens. 

       Les trois Orationes contra Arianos représentent l'œuvre dogmatique principale d'Athanase. Le premier discours résume la doctrine arienne et défend la doctrine du concile de Nicée : le caractère éternel, incréé et immuable du Fils de Dieu, et l’unité d'essence (nature) divine entre le Père et le Fils. Le second et le troisième discours interprètent les textes scripturaires qui se rapportent à la génération du Fils, à la relation du Fils avec le Père d'après le quatrième évangile, et à l’incarnation ; ils réfutent l’interprétation arienne des textes pour rétablir le vrai sens.

       Il est intéressant de lire sous la plume d’Athanase sa modestie à reconnaître qu’il avait lui-même difficile à comprendre et à exprimer le mystère : 

J'ai jugé utile de représenter à votre piété quelles peines la rédaction de ces choses m'a coûtées, afin que vous puissiez comprendre par là avec quelle vérité le saint Apôtre avait dit : « O profondeur des richesses de la sagesse et de la science de Dieu » (Rom. 11,33), et supporter avec douceur l’homme faible que je suis par nature. Plus, en effet, je désirais écrire et plus je m'appliquais à comprendre la divinité du Verbe, plus cette connaissance m'échappait, et dans la mesure où je croyais la saisir, je m'apercevais que je n'y arrivais pas. J'étais encore incapable d'exprimer par écrit ce que je croyais comprendre, ce que j'écrivais était inférieur à l’ombre imparfaite de la vérité qui existait dans ma conception. Considérant donc... ce qui est dit dans les psaumes : « La connaissance de toi est trop merveilleuse pour moi ; elle est élevée, je ne puis l’atteindre » (Ps. 139, 6)... j'ai souvent eu l’intention de m'arrêter et de cesser d'écrire ; croyez-moi, ainsi en était-il pour moi. Mais, de peur de vous décevoir ou d'induire à l’impiété par mon silence ceux qui vous ont interrogés, et qui sont engagés dans la controverse, je me suis contraint à vous écrire brièvement ce que j'ai envoyé à votre piété (Ep., 52).

 2. Écrits historico-polémiques 

       Athanase fut souvent obligé d’évoquer et de faire appel à l’histoire et à !a tradition pour se défendre ; mais il ne se limitait pas à sa propre justification et à la condamnation de ses ennemis : il exposait sa pensée, il redressait les erreurs et il était capable d’attaquer à son tour. 

a. Apologie contre les ariens.

        L’Apologia contra Arianos fut composée vers 357, au retour de son second exil. Ses adversaires ayant repris les anciennes accusations contre lui, il réunit, pour se justifier, une collection de documents, dont les décisions des synodes antérieurs et des lettres importantes de hauts personnages, ce qui représente une source de première valeur pour l’histoire de la controverse arienne en particulier et du dogme en général. Ainsi les chapitres 3-19 contiennent la lettre encyclique du concile d'Égypte réuni à la fin de 338, où les évêques égyptiens rapportent l'élection d'Athanase, les calomnies lancées contre lui et les témoignages en sa faveur. Les chapitres 20-35 donnent la lettre que le pape Jules 1er écrivit (341), à la demande d’un synode romain, aux évêques ariens d’Antioche, pour défendre Athanase et reprocher aux ariens de mépriser le concile de Nicée et le siège de Rome. A propos de ce dernier, le pape Jules demande :                                             

Ignorez-vous que la coutume est de nous écrire d'abord, et donc que la juste décision provienne d'ici ? Si pareille suspicion pesait sur l’évêque de là-bas (d'Alexandrie), il fallait en écrire à l'Église de ce lieu. Or ceux-ci, sans s'en rapporter à nous, après avoir agi comme il leur plaisait, veulent à présent que nous leur donnions notre accord, sans avoir examiné la cause. Telles ne sont pas les constitutions que Paul, que les Pères nous ont remises. Il s'agit d'un autre procédé et d'une pratique toute nouvelle. Je vous en prie, soyez disposés à m'écouter : ce que j'écris est pour le bien commun, car ce que nous avons reçu du bienheureux apôtre Pierre, c'est cela que nous vous signifions (Ap. c. ar., 1,35). 

       Les chapitres 36-50 contiennent trois lettres du concile de Sardique (343-344), Les chapitres 51-58 produisent d’autres lettres dont celle l’empereur Constance, du pape Jules et des évêques de Palestine. Dans le reste de cette apologie, Athanase produit des documents plus anciens encore : il remonte à l'année 331 et cite des lettres de Constantin antérieures au synode de Tyr (335) (ch. 59-63), les actes de ce synode (ch. 71-83) et les documents consécutifs (ch. 84-88). Les deux chapitres de la fin (89-90) racontent les tribulations des évêques d'Italie, de Gaule et d’Espagne (notamment du pape Libère) qui l’ont soutenu jusqu’à supporter l’exil plutôt que de renoncer à le défendre. 

b. Apologie à l’empereur Constance. 

       Les adversaires d’Athanase avaient inventé contre lui toutes sortes de calomnies, certaines graves mais toujours fantaisistes. On l’avait accusé par exemple d'avoir excité l’empereur Constant contre son frère, l’empereur Constance. L’Apologia ad Constantium imperatorem avait pour but de se défendre. De l’avis des connaisseurs, c’est son œuvre la plus soignée, écrite dans un langage ferme et digne et avec une habileté et un fini artistiques. Elle date de l’année 357. 

c. Apologie pour sa fuite. 

       L’Apologia pro fuga sua (357) donne les raisons de sa fuite, parce qu’on l’avait traité de lâche. Selon les commentateurs, cette apologie est un des écrits les plus célèbres d'Athanase. 

d. Histoire des ariens. 

       Quand Athanase se réfugia chez les moines de Thébaïde, ceux-ci lui ont demandé de leur expliquer les enjeux de la querelle arienne. C’est à eux qu’il adresse l'Historia Arianorum ad monachos en 358. Athanase en profite pour attaquer l’empereur Constance comme étant l’ennemi du Christ, le protecteur de l’hérésie et le précurseur de l’antéchrist. L’œuvre comporte aussi une Lettre à l'évêque Sérapion dans laquelle il raconte la mort d'Arius. 

3. Écrits exégétiques

       Les écrits d’exégèse sont pour la plupart complètement perdus ou ne nous sont parvenus que par fragments, dans les chaînes ; certains, nous n’en connaissons que les titres. Nous savons qu’Athanase a écrit des commentaires sur les psaumes, sur l'Ecclésiaste, sur le Cantique des Cantiques, sur la Genèse et sur Job. Il est étonnant que la tradition n’ait mentionné d’Athanase aucun commentaire proprement dit sur un livre du Nouveau Testament qu’il a bien sûr commenté dans d’autres œuvres et certainement dans les sermons.                                                         

4. Ecrits ascétiques 

a. La Vie de saint Antoine.                                      

       Athanase a fait connaître les débuts du mouvement monastique. C’est lui qui écrivit la biographie de saint Antoine, le père du monachisme chrétien, qui naquit vers 250. Athanase la composa vers 357, peu après la mort du grand ermite (356). Le prologue nous apprend que les moines lui avaient demandé de rapporter « comment Antoine vint à pratiquer l’ascétisme, ce qu'il était auparavant, comment il mourut, et si tout ce qu'on dit à son sujet est vrai ».  

J'ai entrepris avec beaucoup de joie ce que votre charité m'ordonne, parce que, de mon côté, je ne saurais me remettre devant les yeux les saintes actions d'Antoine sans en tirer un grand avantage, et je suis assuré que, du vôtre, vous entendrez avec tant d'admiration ce que je vous en dirai, que cela fera naître en vous un ardent désir de marcher sur les pas de ce grand serviteur de Dieu, puisque, pour des solitaires, c'est connaître le vrai chemin de la perfection que de savoir quelle a été la vie d'Antoine. 

       Dans le prologue encore, il affirme connaître personnellement le grand ermite :  

Je me suis hâté de satisfaire à votre piété en vous écrivant ce que j'en sais par moi-même comme l'ayant souvent vu, et ce que j'en ai pu apprendre d'un solitaire qui a demeuré longtemps avec lui et qui lui donnait souvent à laver les mains. J'ai eu soin partout de demeurer dans les termes de la vérité.

        Athanase ne voulait pas répondre à la demande des moines uniquement. Il offre à la chrétienté le modèle d'une vie consacrée au service de Dieu et il cherche à entraîner le lecteur à imiter la sainteté de son héros, non ses miracles et ses visions. Pour Grégoire de Nazianze, cette biographie est une « règle monastique sous la forme d'un récit » (Orat., 21, 5).

       L’œuvre joua un rôle très important dans la diffusion de l’idéal monastique en général et dans l’introduction du monachisme en Occident. Saint Augustin, pour ne citer que lui, témoigne, dans les Confessions (8, 6, 14), de l’influence décisive que ce livre exerça sur sa propre conversion et sur d'autres vocations à la vie monastique.

       L’imaginaire populaire a retenu ce que la biographie dit des démons ; beaucoup d’artistes ont représenté les tentations de saint Antoine. N’oublions pas que, quand se sont arrêtées les persécutions, c’est la vie monastique qui devient l’expression de l’héroïsme chrétien : Antoine, qui avait cherché le martyre en vain, considérera la vie monastique comme une sorte de martyre et le moine comme le successeur de ceux qui ont souffert pour leur foi ; le moine mène une lutte continuelle contre les démons en un martyre quotidien par l’austérité de la vie. C’est ainsi que, dans la chrétienté, l’héroïsme des martyrs (victimes des persécutions) fut relayé par le martyre des moines : ceux-ci sont un exemple d’héroïsme égal à l’héroïsme des martyrs de l’Eglise primitive.

       Que dire de la vertu ? Pour Antoine, la perfection s'acquiert par le retour à l'état originel dans lequel nous avons été créés : 

Ainsi la vertu n'a besoin que de notre volonté, puisqu'elle est en nous et tire son origine de nous-mêmes. Car cette partie de notre âme qui de sa nature est intelligente, est vertu, et elle conserve sa nature lorsqu'elle demeure telle qu'elle a été créée... Or, avoir l'âme droite n'est autre chose que de conserver son âme dans la même pureté qu'elle a été, créée. Que si elle décline et se détourne de sa nature, on dit alors que l'âme est corrompue et vicieuse. Ainsi ce que je vous propose n'est pas difficile, puisque, si nous demeurons dans le même état que nous avons été créés, nous serons vertueux, et que si, au contraire, nous nous portons à de mauvaises pensées et à de mauvais desseins, nous serons condamnés comme méchants. Que s'il fallait sortir hors de nous pour acquérir la vertu, j'avoue qu'il y aurait de la difficulté ; mais, puisqu'elle est en nous-mêmes, prenons garde de ne nous pas laisser emporter à de mauvaises pensées et à conserver notre âme à Dieu comme un dépôt que nous avons reçu de sa main, afin que, demeurant en l'état qu'il lui a plu de la former, il reconnaisse en nous son ouvrage (Vita, 20). 

       Antoine conseille le contrôle des passions et la pratique quotidienne de l’examen de conscience :

Que chacun fasse journellement un examen de lui-même sur ce qu'il a fait de jour et de nuit,  et, s'il a péché, qu'il cesse de pécher ; et s'il n'a pas péché, qu'il n'en tire pas vanité... Que l’observance suivante soit une sauvegarde contre le péché : notons et écrivons nos actions et les impulsions de notre âme, comme si nous devions en rendre compte à chacun (55).  

       Les commentateurs s’accordent à qualifier de panégyrique cette biographie. Ils trouvent aussi qu'Athanase s'est inspiré de l’ancien modèle classique de la vie du héros. Son mérite est d'avoir su refondre dans le moule chrétien ces expressions héritées des idéaux populaires, et découvrir le même héroïsme dans l’imitateur du Christ aidé de la puissance de la grâce. Voilà créé un nouveau type de biographie qui servira de modèle à toute l’hagiographie ultérieure. 

b. Sur la virginité et autres traités ascétiques. 

       Athanase a traité de la virginité à plusieurs reprises. L’authenticité des fragments qui nous sont parvenus est fort discutée, alors qu’ils occupent une grande place dans l’histoire de l’ascétisme. Ils ont fort influencé la mystique. Le grand évêque a bien entendu traité de sujets de vie ascétique autres que la virginité, mais là encore l’authenticité de sa signature n’est pas évidente. 

5. Sermons      

       Un évêque prononce de nombreux sermons dans sa vie, mais tous les sermons ne sont pas conservés. On peut lui attribuer des sermons qui ont une certaine ressemblance de style et d’argumentation avec ses propres sermons. L'authenticité des sermons et des homélies d’Athanase reste à établir. Laissons aux spécialistes la liste et les titres. 

6. Lettres 

       On sait qu’Athanase a reçu et rédigé une importante correspondance. Elle n’a survécu qu’en partie. La plupart des lettres parvenues à nous ne sont ni personnelles ni privées, mais représentent des décisions officielles et elles équivalent parfois à de véritables traités. Elles sont par conséquent de grand intérêt pour l’histoire de la controverse arienne et le développement de la doctrine chrétienne. 

a. Lettres festales. 

       Au 3ème siècle, les évêques d'Alexandrie prirent l’habitude d'annoncer chaque année la date exacte de Pâques afin de préciser la date d’ouverture du carême. C’était l’objet d’une lettre publiée habituellement peu après l'Épiphanie. Cette lettre est appelée « festale », elle est un peu l’ancêtre des lettres pastorales des évêques aujourd’hui. C’était aussi l’occasion d’aborder les problèmes du moment. Athanase resta fidèle à cette tradition, même en exil. Peu après sa mort, ces lettres furent réunies par un de ses amis, en une collection qui connut une large diffusion.

       L’objet de la lettre festale était principalement des instructions pour le carême ; la lettre nous renseigne comme cela sur la pratique de l’époque. Nous apprenons ainsi que le jeûne de quarante jours avant Pâques était déjà connu en Egypte, après avoir été d’abord un jeûne de six jours (la lettre de l’année 329). La lettre de l’année 332 dit qu’il faut observer le jeûne dès le dimanche de la sixième semaine avant Pâques : 

L'ouverture du Carême a lieu le 5 du mois de Phamenoth (1er mars) ; et après nous être purifiés et nous être bien préparés, nous commencerons la sainte semaine de la grande Pâque le dixième jour de Pharmuthi (1er avril) ; pendant ce temps, mes frères, nous devrons nous livrer à des prières, des jeûnes et des veilles assidus, afin de pouvoir oindre nos linteaux du sang précieux et échapper à l’exterminateur. Et, lorsqu'au soir du samedi, nous entendrons les anges dire « Pourquoi cherchez-vous parmi les morts celui qui est vivant ? il est ressuscité », le grand dimanche s'illuminera pour nous, le sixième jour, dis-je, du mois de Pharmuthi (10 avril), où notre Seigneur ressuscita, lui qui nous accorda la paix avec notre prochain (Epistola tertia, 6).

       La lettre de l’année 367 a attiré une grande attention : elle fustige les hérétiques qui prennent des œuvres apocryphes comme Écriture divinement inspirée ; elle énumère les livres de l'Ancien et du Nouveau Testament compris dans le Canon, transmis et reçus par l'Église (sans les livres que la postérité va appeler « deutérocanoniques »). Pour la première fois, les vingt-sept livres de notre Nouveau Testament actuel y sont déclarés les seuls canoniques.  

b. Trois lettres synodales. 

       Le Tome aux Antiochiens (Tomus ad Antiochenos) fut écrit au nom du synode d’Alexandrie de 362. Il recommande les mesures à prendre pour rétablir la paix et la concorde, quand il s’agit d’accorder la communion aux ariens qui veulent revenir à l’orthodoxie : on ne leur demandera rien de plus que de professer le symbole de Nicée. L’œuvre met en garde contre de pures disputes qui viendraient diviser ceux qui finalement ont la même foi.                                                                                                                   

       La Lettre à l’empereur Jovien sur la foi. L’empereur Jovien avait demandé un exposé de la vraie foi. Athanase composa l'Epistula ad Jovianum imperatorem sur l’ordre du grand synode alexandrin de 363. 

       La Lettre aux évêques africains (Epistula ad Afros episcopos) fut écrite au nom des quatre-vingt-dix évêques d'Egypte et de Libye, réunis au synode d'Alexandrie en 369 pour prévenir contre les ariens qui cherchaient à faire passer pour définitive la déclaration de foi du synode de Rimini, à la place des définitions du concile de Nicée. Elle développe une argumentation intéressante contre l’arianisme et souligne aussi que le credo de Nicée implique la divinité du Saint-Esprit. 

c. Deux lettres encycliques. 

       La lettre encyclique aux évêques à travers le monde (Epistula ad episcopos encyclica), écrite vers le milieu de 339, invite de façon pressante tous les évêques de l'Église catholique à soutenir Athanase contre l’usurpateur arien Grégoire de Cappadoce dont la lettre énumère en détail les outrages commis depuis son arrivée à Alexandrie, le 24 février 357. Les commentateurs affirment que cette lettre représente le plus ancien écrit polémique d'Athanase. 

       Athanase composa la Circulaire aux évêques d'Egypte et de Libye (Epistula encyclica ad episcopos Aegypti et Libyae) après son expulsion d'Alexandrie le 3 février 356, encore une fois pour mettre en garde la hiérarchie contre les hérétiques dans leurs efforts pour substituer un autre credo à celui de Nicée. L'auteur raconte, à la fin, la mort d'Arius. 

Lettres dogmatico-polémiques 

a. Les lettres sur le Saint-Esprit. 

       Les quatre lettres à Sérapion, évêque de Thmuis, en Basse-Egypte (Epistulae IV ad Serapionem episcopum Thmuitanum) furent écrites en 359 ou en 360, quand Athanase se cachait chez les moines du désert d'Égypte. Toutes les quatre lettres donnent la doctrine de l’Eglise sur le Saint-Esprit. Car le problème de la divinité du Saint-Esprit est intimement lié à celui de la divinité du Fils et donc au problème de la Trinité. Si les ariens nient la divinité du Fils, par le fait même, ils nient la divinité de l’Esprit Saint. Sérapion avait écrit à Athanase pour lui dire qu’il y a des théologiens qui affirment que le Saint-Esprit «  est non seulement une créature, mais même un des esprits serviteurs, et que ce n'est qu'en degré qu'il diffère des anges ». 

b. Lettre à Epictète. 

       La lettre à Epictète, évêque de Corinthe (Epistula ad Epictetum episcopum Corinthi), traite du sujet fort discuté (encore aujourd’hui) du lien entre le Christ historique et le Fils éternel. L'évêque de Corinthe avait soumis à Athanase les questions soulevées dans son diocèse, questions qu’il est facile d’imaginer dans la réponse d'Athanase : 

Quel enfer a vomi cette assertion que le corps né de Marie est consubstantiel à la divinité du Verbe ? ou que le Verbe est changé en chair, os, cheveux et tout le corps, perdant sa propre nature ? Qui a entendu dire à l'Église ou même à un chrétien que c'est par figure, non en réalité, que le Sauveur a porté un corps ? Qui est assez impie pour dire et penser que la divinité consubstantielle au Père a reçu la circoncision, est devenue imparfaite de parfaite qu'elle était, que ce qui était cloué à la croix n'était pas le corps, mais la substance créatrice de la Sagesse ? Qui, apprenant que ce n'est pas de Marie mais de sa propre substance que le Verbe s'est formé un corps passible, appellerait chrétien celui qui soutient cette opinion ?... Qui a pu penser et dire que celui qui affirme que le corps du Seigneur vient de Marie n'admet plus la Trinité, mais une quaternité dans la divinité de sorte que, à son avis, la chair que le Sauveur a revêtue du sein de Marie appartient à la substance de la Trinité ?... Selon d'autres, le corps n'est pas postérieur à la divinité du Verbe, il lui est complètement coéternel parce qu'il est formé de la substance de la Sagesse. Comment des chrétiens ont-ils pu mettre en doute si le Seigneur issu de Marie est par substance et par nature le Fils de Dieu, selon la chair de la race de David et de la chair de sainte Marie ? (Epistula ad Epictetum, 2). 

       Cette lettre acquit une réputation presque canonique et fut abondamment citée dans les querelles sur le Christ. Même le concile de Chalcédoine l'adopta comme la meilleure expression de sa propre pensée. 

c. Lettre à Adelphius. 

       La lettre à Adelphius, évêque et confesseur, (Epistula ad Adelphium episcopum et confessorem), fut écrite en 370 ou 371.  Adelphius avait écrit à Athanase que les ariens accusent ceux qui suivent la doctrine de Nicée d’adorer une créature. Athanase démontre que les catholiques n'adorent pas la nature humaine du Christ comme telle, mais le Verbe incarné : 

Nous n'adorons point une créature, oh non ! Les païens et les ariens commettent cette erreur ; c'est le maître de la création fait chair, le Verbe de Dieu que nous adorons. Bien que sa chair en elle-même fasse partie des créatures, elle est devenue le corps de Dieu. Nous n'adorons point ce corps en lui-même, isolé du Verbe, nous ne le séparons pas non plus de la chair, mais sachant que « Le Verbe s'est fait chair », nous le reconnaissons Dieu, même quand il s'est fait chair (Epistula ad Adelphium 3). 

d. Lettre au philosophe Maxime. 

       La lettre au philosophe Maxime (Epistula ad Maximum philosophum) félicite le destinataire d'avoir réfuté avec succès des hérétiques soutenant que le Christ est seulement le Fils adoptif de Dieu et que l’humanité du Christ est distincte en personne de Dieu le Verbe.  

e. Lettre sur les décrets du concile de Nicée. 

       Cette lettre (Epistula de decretis Nicaenae synodi) est de grande importance parce qu’elle relate les débats de Nicée. Elle répond (vers 350-351) à un ami qui était troublé par l’objection des ariens qui refusaient le concile de Nicée, entre autres raisons, parce qu’il utilise des termes totalement absents de la Bible. Athanase démontre que ces expressions ne signifient pas autre chose que ce que dit l'Écriture, et que l'Église les emploie depuis des grands théologiens comme Origène, Denys de Rome, Denys d'Alexandrie et Théognoste, qu'il cite tous.  

f. Lettre sur les synodes de Rimini et de Séleucie. 

       La lettre sur les synodes de Rimini et de Séleucie (Epistula de synodis Arimini in ltalia et Seleuciae in Isauria celebratis) fut écrite à l’automne de 359, l’année des deux synodes de Rimini et de Séleucie ; elle dépasse largement les proportions ordinaires d'une lettre. De l’avis d’Athanase, rien ne justifiait la convocation de nouveaux conciles, puisque les décisions de Nicée les rendaient inutiles, à part évidemment que les termes contestés sont mal compris. Athanase raconte les débats des deux synodes ainsi que l’échange de correspondance, entre évêques ou avec l’empereur, autour de ces synodes. 

g. Lettre à Rufinien. 

       L’évêque Rufinien avait demandé conseil à Athanase sur la conduite à tenir quand des ariens reviennent à l’Eglise. Dans la lettre à l’évêque Rufinien (Epistula ad Rufianianum episcopum), écrite après 362, Athanase le renvoie aux décisions du concile : 

Il faut adopter la même position là comme partout : dans le cas de ceux qui ont péché et entraîné les autres dans l’impiété, leur accorder le pardon après repentance, mais ne pas les admettre dans le clergé ; mais dans le cas de ceux qui ne se sont pas engagés de façon délibérée dans l’impiété et qui y ont été entraînés par la nécessité ou la violence, il sera possible non seulement de leur accorder le pardon, mais de les faire entrer dans le clergé.  

h. Lettre aux moines 

       Dans la lettre aux moines (Epistula ad monachos), Athanase met en garde les moines :  

… car il est des gens qui tiennent avec Arius et parcourent les monastères sans autre but, sous couleur de vous visiter et de revenir d'auprès de nous, que d'arriver à tromper les simples.  

Lettres ascétiques. 

a. Lettre à Amoun. 

       La lettre au moine Amoun (Epistula ad Amunem monachum), écrite avant 356, veut rassurer des moines à la conscience excessivement scrupuleuse, affligés de mauvaises pensées involontaires et de pollutions nocturnes.  

Si nous croyons que l’homme est l’œuvre des mains de Dieu, selon les divines Écritures, comment une puissance pure a-t-elle pu produire une œuvre souillée ? Si nous sommes de la race de Dieu, selon les Actes des Apôtres (17,28), nous n'avons rien en nous d'impur. A seulement il y a souillure en nous quand nous commettons l’exécrable péché. Quand malgré nous se produit quelque sécrétion naturelle, alors, par la nécessité de la nature, nous subissons cela comme le reste.  

b. Lettre à Dracontius. 

       La lettre à Dracontius (Epistula ad Dracontium), écrite en 354 ou 355, s’adresse à un abbé de monastère pour l’engager à ne pas refuser l'épiscopat : puisqu’il a l’unanimité avec lui, puisqu’il y a danger de voir une personne indigne prendre cette place, parce que nombre d’abbés de monastères sont devenus évêques, Athanase l’engage à ne pas se dérober et à accepter l’épiscopat :  

Si l’organisation des Églises ne te plaît point, si tu penses que la charge épiscopale n'a pas de récompense, alors ton mépris va jusqu'au Sauveur qui l’a ainsi réglé... Si tous partageaient les sentiments de tes conseillers actuels, comment serais-tu devenu chrétien sans évêques ? (3-4). 

       Athanase a été convaincant, car Dracontius prit part au synode d'Alexandrie, en 362, en qualité d'évêque d'Hermoupolis Parva.

(A suivre, au mois d'avril)

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