VIVE LA VIE !
Après la mort de Jésus, le premier jour de la semaine, Marie-Madeleine se rend au tombeau de grand matin, alors qu'il fait encore sombre. Elle voit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court donc trouver Simon-Pierre et l'autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit: "On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l'a mis." Pierre partit donc avec l'autre disciple pour se rendre au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l'autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. En se penchant, il voit que le linceul est resté là ; cependant il n'entre pas. Simon-Pierre, qui le suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau, et il regarde le linceul resté là, et le linge qui avait recouvert la tête, non pas posé avec le linceul, mais roulé à part à sa place. C'est alors qu'entra l'autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit et il crut. Jusque-là, en effet, les disciples ne savaient pas que, d'après les Ecritures, il fallait que Jésus ressuscite d'entre les morts.
Evangile de Jésus Christ selon saint Jean 20, 1-9 LE SAINT JOUR DE PAQUES oOo La conquète de l'espace.
Je lis, cette semaine, dans les journaux, une information qui peut vous paraître banale : un astronaute français se prépare à partir pour une mission dans le vaisseau spacial en cours de montage. Pour tout le monde maintenant, c'est banal, puisque depuis plusieurs décennies, l'homme va dans l'espace. Pour moi, ce n'est pas banal. Je m'émerveille toujours, je trouve que c'est extraordinaire, cette épopée que vit notre époque : la conquête de l'espace. On aurait dit cela il y a seulement un siècle aux gens qui étaient rassemblés dans les églises, qu'un jour les hommes s'attaqueraient à l'espace, qu'ils iraient non seulement sur la lune, mais sur d'autres planètes, comme le verront probablement les enfants qui m'écoutent, ils auraient été très sceptiques. Et pourtant ! C'était dans le dessein de Dieu, depuis le premier jour de la création, quand il a dit à l'homme de maîtriser l'univers entier.
Et conquète du temps.
Conquête de l'espace ! Mais voilà qu'aujourd'hui, Dieu offre, en réponse à nos rêves d'hommes, une autre conquête, infiniment plus intéressante encore que la conquête de l'espace : la conquête du temps. Nous sommes limités dans le temps, comme nous étions limités dans l'espace de cette petite terre. Nous sommes toujours limités dans le temps, puisque nos vies humaines ont une fin : 70, 90 ans, 120 au plus. On ne peut pas espérer rallonger davantage le temps de la vie terrestre. Et voilà que Dieu, par le fait même de la résurrection de son Fils, nous offre une tout autre dimension au temps : l'éternité. Et notre rêve de reculer sans cesse toutes les limites, toutes les fatalités qui pèsent sur nous, ce rêve peut être comblé par cette offre que nous fait Dieu au jour de la résurrection de son Fils.
Incroyable !
Au matin de Pâques, vous l'avez remarqué encore dans ce récit de l'évangile de Jean que nous venons de lire, personne n'a voulu croire à cette chose impensable : ce Jésus, dont la mort avait été constatée légalement l'avant-veille, était vivant. Marie de Magdala va réveiller les disciples pour leur dire : "On a enlevé le corps". Et Pierre ne fait que constater le fait. Même quand Jésus se présentera le soir de Pâques aux disciples d'Emmaüs, et ensuite aux disciples rassemblés au Cénacle, ils ne croiront pas tellement à la résurrection. Ils penseront d'abord fantôme. Il faudra des jours et des semaines entières, qu'ils vivront en relation plus ou moins épisodique avec le ressuscité, il faudra qu'ils acceptent ce nouveau type de présence (auparavant il était à côté d'eux, et maintenant il est avec eux, en eux) pour qu'enfin ils constatent que son Esprit, comme ils disent, une force intérieure qui les pousse, est en eux pour leur donner le courage - j'allais dire "le culot" - d'aller crier partout : "Il est vivant. Il est avec nous."
Le bouche à oreille.
Ce fait n'est pas vérifiable, scientifiquement. Mais ces hommes et ces femmes auront fait une telle expérience d'une présence agissante, dynamique, en eux personnellement comme dans leur petit groupe, qu'ils constateront que tout a changé. En eux personnellement, et dans le petit groupe. Et ce petit groupe, très rapidement va essaimer. Et cela, c'est le fait historique que personne ne nie : vingt ou trente ans plus tard, des groupes fraternels existent dans tout le bassin méditerranée, d'Egypte en Syrie, d'Asie Mineure en Italie. Sans aucun des moyens d'information dont nous disposons aujourd'hui, simplement par le "bouche à oreille", le dynamisme de la Bonne Nouvelle multiplie chaque jour le nombre des croyants.
Pascal disait : "Je crois des témoins qui se font égorger." Beaucoup des premiers témoins sont morts plutôt que de nier ce fait de la résurrection. Mourir pour des idées, d'accord. Mais mourir pour un fait, c'est vraiment rare. Et voilà que des gens viennent de partout parce qu'ils rencontrent chez ces hommes une conviction qui leur permet d'envisager le temps d'une manière différente. Parce que, pour eux, la vie éternelle est commencée. La mort humaine, c'est notre destin à tous, bien sûr : elle n'est pas abolie, mais elle n'est plus qu'un passage. Et cette vie nouvelle qui est la leur, elle se manifeste d'abord par le regard nouveau qu'ils portent sur les événements de la vie.
Un regard nouveau.
Aujourd'hui comme hier, le regard que nous portons sur les événements est très souvent un regard terriblement noir, terriblement pessimiste. Il faut le reconnaître, bien sûr, il y a des crises. Pas seulement crise économique, mais des crises plus profondes, probablement. Il y a les guerres, la violence, le pouvoir de l'argent. Il y a aussi, pour chacun de nous, difficile à supporter, le vieillissement, la lente décrépitude du corps et de l'esprit. Il y a tout cela, et il ne s'agit pas de le nier, ni de pratiquer la méthode Coué. Mais, sachant qu'il y a tout cela, et les premiers témoins l'ont vécu comme nous pouvons le vivre aujourd'hui, il y a un regard d'espérance sur ce monde et sur notre vie. Sur ce monde, en regardant tout ce qui ressuscite, tout ce qui re-naît, tout ce qui avance, tout ce qui progresse.
Tout ce qui ressuscite !
Quand j'étais petit, on n'entendait pas parler du problème de la faim dans le monde, et pourtant, il y avait déjà de terribles famines. Aujourd'hui, regardez tout l'effort qui est fait par tous les hommes pour vaincre la faim. Ce n'est pas gagné, mais on se bat. Lutte contre la faim, mais aussi effort pour que les nations se réunissent, travaillent et vivent ensemble, pacifiquement : il n'y a pas que la guerre. Il y a des progrès dans la recherche médicale. Il y a tout cela, et aussi l'effort qui est fait en direction des exclus, en direction des malades, en direction de ceux qui souffrent de la solitude. Il faut regarder tout ce qui grandit, ce qui naît, ce qui ressuscite.
Dans chacune de nos vies, comme dans la vie du monde, il y a ainsi des forces de croissance, de renaissance, et nous pouvons les mettre à l'œuvre. La vie éternelle, qui nous est offerte par Dieu, est commencée en chacun de nous : il nous suffit de la vivre efficacement : l'écoute des autres, les gestes de solidarité, le sourire qui peut accompagner toutes nos rencontres, la curiosité qu'on manifeste sans cesse pour tout ce qui existe, tout ce qui naît. C'est cela la vie nouvelle des chrétiens.
Christ, notre Pâque.
La fête de Pâques n'est pas seulement le rappel d'un événement historique : c'est aujourd'hui, Pâques, pour chacun de nous. Il y a en nous la puissance du Christ ressuscité. Nous le disons chaque fois que nous rassemblons : "Le Seigneur est avec nous." Parole verbale ou réalité dans notre existence ? Nous allons célébrer l'Eucharistie, comme Jésus l'a fait à la veille de sa mort, comme il l'a répétée avec les disciples d'Emmaüs le soir de Pâques, et avec combien d'autres ! Chaque fois qu'il nous a partagé le pain, nous l'avons reconnu. Chaque fois que nous nous réunissons, il est au milieu de nous. Joyeuses Pâques. Amen. Alléluia !