Il fut emporté au ciel
 

    L'ASCENSION DU SEIGNEUR (C)

 

 

Evangile de Jésus Christ selon saint Luc 24, 46-53

 

En ce temps-là, Jésus ressuscité, apparaissant à ses disciples, leur dit :
« Il est écrit que le Christ souffrirait, qu’il ressusciterait d’entre les morts le troisième jour,
et que la conversion serait proclamée en son nom, pour le pardon des péchés,
à toutes les nations, en commençant par Jérusalem. A vous d’en être les témoins.
Et moi, je vais envoyer sur vous ce que mon Père a promis.
Quant à vous, demeurez dans la ville jusqu’à ce que vous soyez revêtus d’une puissance venue d’en haut. »
Puis Jésus les emmena au dehors, jusque vers Béthanie ; et, levant les mains, il les bénit.
Or, tandis qu’il les bénissait, il se sépara d’eux et il était emporté au ciel.
Ils se prosternèrent devant lui, puis ils retournèrent à Jérusalem, en grande joie.
Et ils étaient sans cesse dans le Temple à bénir Dieu.

oOo

Difficultés

 

Il y a dans les Evangiles et les Actes des Apôtres quatre récits de l’événement de l’Ascension du Seigneur. Or, une lecture superficielle de ces quatre récits peut jeter le trouble dans nos esprits. D’abord parce que deux de ces récits situent l’Ascension au soir de Pâques, et les deux autres, quarante jours après Pâques. Ensuite, parce que, si l’un de ces récits ne précise pas le lieu de l’Ascension, les autres indiquent des lieux différents : deux situent l’Ascension à Jérusalem, sur le Mont des Oliviers, et le troisième, sur une montagne non précisée, en Galilée.

 

On peut donc se poser la question : qu’ont voulu dire les témoins ? Et pourquoi cette imprécision totale concernant le lieu et le moment du départ du Christ ? Pour des historiens modernes, c’est difficile à accepter. Aussi, pour essayer de comprendre ce qu’ils ont voulu dire, nous allons nous dépayser et nous situer dans la perspective de ces hommes qui ont été les témoins d’un événement unique, extraordinaire, impensable, et qui, ensuite, ont essayé de transmettre leur expérience à leurs contemporains d’une manière imagée, populaire, pour que tout le monde les comprenne.

 

"Il est monté"

 

Jésus n’est pas « monté » au ciel comme un cosmonaute. Prenons l’expression dans son sens figuré. Quand on dit d’une vedette qu’elle « monte », ou qu’elle est « au firmament de la gloire », quand on dit de quelqu’un qu’il est « monté » en grade, il n’y a pas d’idée d’élévation physique, matérielle. De même, quand on dit d’un élève - ou d’un grand malade - qu’il baisse, il n’y a pas de localisation possible. il y a donc toute une idée symbolique de montée et de descente.

 

Jésus a expliqué à ses amis, avant de les quitter, le sens de sa « trajectoire ». Luc nous le dit dans l’évangile que nous venons de lire : Jésus dit qu’il fallait passer par cet abaissement, jusqu’à la mort ignominieuse de la croix, pour que Dieu, ensuite, l’élève. C’est ce qu’il avait déjà exprimé à plusieurs reprises, avant sa passion, en prenant une autre image : il parlait d’un « baptême », c’est-à-dire, littéralement, d’un plongeon. Rappelez-vous : à Jacques et Jean qui lui demandent de siéger à sa droite et à sa gauche, il réplique : « Pouvez-vous faire le « plongeon » que je vais faire ? » Et à la même époque de sa vie, il fait cette réflexion : « Je dois faire un « plongeon », et comme je voudrais que cela soit déjà fait ! » Or, quand on plonge, ce n’est pas pour rester au fond de l’eau, c’est pour re-surgir. L’Apôtre Paul, dans sa lettre aux Philippiens, cite une hymne de la première communauté chrétienne, qui exprime bien cette destinée de Jésus : « Lui qui était de condition divine, il n’a pas voulu rester l’égal de Dieu. Il s’est abaissé, prenant la condition d’esclave, jusqu’à la mort, la mort des esclaves (sur une croix). C’est pourquoi Dieu l’a élevé et lui a donné un nom au-dessus de tous les noms ». Voilà la destinée du Christ Jésus. Ne pas séparer l’événement « exaltation » de l’événement « passion ». C’est parce qu’il s’est abaissé, parce qu’il a pris notre condition humaine, parce qu’il a touché le fond de la détresse humaine que Jésus a obtenu le titre de Sauveur de toute l’humanité.

C’est ce qu’explique Jésus à ses amis le jour de l’Ascension : « Vous irez dire partout que le chemin ne se termine pas au fond du trou de la mort. Vous irez dire partout que Dieu m’a suscité, res-suscité. Et vous demanderez aux gens de se « convertir ».

 

Une conversion permanente

 

De quelle conversion s’agit-il ? Essentiellement, croire que rien n’est fatal. Dans un monde où des forces d’oppression dominent tout, que ce soit l’argent, la volonté de puissance, la recherche de la réussite individuelle à tout prix, croire qu’il y a un avenir pour des relations humaines ouvertes et fraternelles. Dans un temps où l’on risque sans cesse de penser : « Je suis comme je suis et n’y puis rien changer », croire que rien n’est « écrit », que tout est possible. Au fond, Jésus « exalté » nous invite à ne pas être passifs, résignés ; à être des hommes d’espérance.

 

En ce jour d’Ascension, alors que Jésus nous redit : « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde », il faut nous demander si nous vivons comme lui, avec lui. Si nous consacrons nos forces pour créer d’autres possibilités de vie vraiment humaine, pour tout homme et pour tout l’homme. Si nous sommes de ceux qui, sans cesse, cherchent à entrer en relation avec nos frères.

 

Voilà en quel sens je vois la Mort-Résurrection-Exaltation du Christ. C’est un seul et même événement, un seul et même mouvement. Dieu a élevé Jésus au-dessus de notre terre et de ses contingences, non pour qu’il la domine, mais pour qu’il la « sauve », c’est-à-dire, qu’il la fasse exister.

 

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