Mourir d'aimer.
(Réflexion pour le Vendredi Saint)
Voici Jésus élevé de terre, exposé aux regards. Affiché. Et les passants distraits pensent que c'est terrible. Mais que ce n'est pas leur affaire. Et nous, qu'en pensons-nous ? Ce n'est pas notre affaire ?
Mais si, c'est notre affaire. C'est nous qui l'avons tué en nous, en voulant l'ignorer. C'est nous qui l'avons tué chez les autres en les méprisant, en les laissant à leur détresse. Car la Passion, c'est un acte des hommes. De tous les hommes. Pas seulement des Juifs de son temps, mais de tous les hommes, juifs et païens. Nous aujourd'hui. A cause, soit de notre cruauté, soit de notre indifférence.
Et en même temps, c'est l'acte de Dieu, par lequel il nous révèle son amour.D'abord, qu'il soit bien clair que Dieu ne veut pas la mort de son fils, comme certains textes ont risqué de nous le faire croire. Pas question de "rachat". En Dieu, il n'y a jamais ni esprit de vengeance, ni désir de sacrifices humains. "Vos sacrifices me dégoûtent" dit-il dans la Bible. Alors, à plus forte raison le sacrifice de son propre fils. On a parlé de "rançon" ! C'est terrible d'avoir parlé ainsi. Comme si Jésus était mort "en rançon pour nos péchés" ! Comme si Dieu avait voulu nous faire payer ! La vérité de Dieu, c'est la vérité de l'amour gratuit. Il "se tue" littéralement à nous le montrer.
Alors, la croix ? Eh bien, c'est Dieu qui, gratuitement, vient épouser, assumer le destin de tous ceux qui sont victimes. Ceux que nous déshumanisons, et ceux qui se déshumanisent. Et celles et ceux qui sont victimes de la volonté de puissance, de la violence, de la bêtise, de l'inhumanité des hommes. Sur la croix, c'est seulement Dieu, figure de toutes les victimes.
C'est cela, l'amour vrai. Il exige de celui qui aime qu'il en aille jusqu'à partager le sort de l'aimé. A Noël, nous chantons "Dieu-avec-nous". Mais il faut bien réaliser que Dieu est "Dieu-avec-nous" jusqu'au bout, jusqu'aux limites extrêmes de notre faiblesse.
Depuis ce premier Vendredi-Saint, aucun homme ne peut se sentir seul, même dans le plus profond malheur. "Il est descendu aux enfers", c'est-à-dire que Dieu est descendu au fond de la misère humaine, qu'il s'est totalement dépossédé de lui-même. Cette dépossession de soi dit Dieu : il est don total de soi, pour que l'autre (vous et moi) puisse vivre. Et nous aussi, nous avons à donner notre vie.
Si vous essayez de vivre ainsi, "vous êtes des dieux", comme dit l'Ecriture.
Retour au sommaire.