Les puissances des cieux seront ébranlées.
PREMIER DIMANCHE DE L'AVENT (C)
Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 21, 25... 36
Jésus parlait à ses disciples de sa venue : « Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées par le fracas de la mer et de la tempête. Les hommes mourront de peur dans la crainte des malheurs arrivant sur le monde, car les puissances des cieux seront ébranlées. Alors, on verra le Fils de l’homme venir dans la nuée, avec grande puissance et grande gloire. Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre Rédemption approche.
Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans la débauche, l’ivrognerie et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste. Comme un filet, il s’abattra sur tous les hommes de la terre. Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous serez jugés dignes d’échapper à tout ce qui doit arriver et de paraître debout devant le Fils de l’homme. »
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Il y a quinze jours déjà, la liturgie du dimanche nous donnait à lire des propos de Jésus de style apocalyptique, tirés de l'évangile de Marc. Aujourd'hui, en ce premier dimanche d'une nouvelle année liturgique, nous retrouvons le même type de propos, extraits de l'évangile de Luc. Si l'Église met une telle insistance à nous proposer de tels textes, assez difficiles à comprendre, il faut bien le reconnaître, c'est qu'ils doivent nous dire quelque chose d'essentiel, pour notre vie de chrétiens. Nous allons donc essayer de les lire attentivement et intelligemment.
Le contexte
Et selon nos bonnes habitudes, il nous faut les remettre dans leur contexte. Jésus est à Jérusalem depuis quelques semaines. Il a été accueilli triomphalement par le peuple, mais le climat se fait plus lourd et plus tendu entre les autorités religieuses juives et lui. Il a chassé les vendeurs du Temple, a pronostiqué la ruine de Jérusalem, avant de se quereller avec des membres du Sanhédrin, puis avec des Sadducéens à propos de la foi en la résurrection. Et voilà que, devant ses amis qui lui font remarquer combien ce Temple tout neuf est beau, il annonce que, prochainement, il n'en restera pas pierre sur pierre. C'est cette annonce d'une catastrophe imprévisible qui est pour lui l'occasion de mettre en garde ses auditeurs et de les inviter à la persévérance. Dans l'esprit des disciples qui l'écoutent, la ruine de Jérusalem, ce sera la fin du monde. C'est ainsi que Matthieu et Marc relient les deux événements. Par contre, Luc distingue les deux choses. Et le passage que nous lisons aujourd'hui se rapporte à un avenir dont la date n'est pas précisée, et où d'ailleurs il n'est pas question de fin du monde. Un avenir qui ressemble à s'y méprendre à notre présent le plus réel.
Aujourd'hui
Si Jésus faisait le même discours aujourd'hui, il nous parlerait sans doute de ces catastrophes écologiques qui nous menacent, de réchauffement climatique, d'îles submergées et de glaciers qui fondent avec rapidité. Il parlerait de tsunami et de CO², d'effet de serre, de déforestation et de lacs asséchés. Il parlerait également de guerres, de génocides, de conflits incessants, et peut-être du Sida. Certainement il évoquerait les peuples qui souffrent de la faim à cause de l'égoïsme des nantis et ceux qui souffrent de l'oppression causée par des pouvoirs corrompus. Bref, il dirait notre aujourd'hui, comme en son temps il disait les malheurs de son époque, ainsi que les catastrophes plus anciennes, qui étaient restées dans la mémoire des peuples. Car des cataclysmes cosmiques, il y en a toujours eu. La science nous apprend que des étoiles sont déjà mortes, que tout le système vieillit ; sur notre terre, des espèces sont apparues et d'autres ont disparu. On sait aussi que l'homme secrète lui-même les instruments de sa propre fin.
Pour un avenir meilleur
Alors, que veut donc nous dire Jésus ? Essentiellement que des crises comme celle qu'il allait lui-même traverser quelques jours plus tard – sa propre mort – ou comme celles que traverse notre humanité aujourd'hui ne doivent pas nous terrifier. Car, de toute crise, peut sortir un avenir meilleur. C'est pourquoi il lie, dans sa prophétie apocalyptique, une catastrophe et ce qu'il en résulte : la venue du Fils de l'homme. Vous vous souvenez que le mot « apocalypse » est un mot grec qui signifie dévoiler, lever un coin du voile. Eh bien Jésus lève un coin du voile qui cache la signification réelle des événements du monde, de notre vie personnelle et de l'histoire de l'humanité avec tous ses drames : de tout cela ne peut advenir que du bien : un monde nouveau.
Avent
Je viens d'employer le verbe advenir. C'est exactement celui qui convient pour entrer dans le temps de l'Avent : en latin Adventus. L'avenir que Jésus nous invite à envisager en redressant la tête et en regardant « plus loin que le bout de notre nez ». Dans une perspective pleine d'espérance. Certes, quand on est dans la tourmente, au milieu de difficultés de toutes sortes, il n'est pas facile de tenir debout ; on risque sans cesse de perdre pied. Jésus lui-même, à Gethsémani, a connu la détresse et a prié pour que « cette coupe s'éloigne de lui » Mais il a su se reprendre. Et aujourd'hui, il nous invite à vivre, dans la conjoncture actuelle, debout, éveillés, vigilants, courageux. Je souligne les expressions qu'il emploie : « Redressez-vous et levez la tête », « Tenez-vous sur vos gardes », « Restez éveillés et priez sans cesse. » Voilà un beau programme pour quiconque veut être pleinement un homme, lucide et responsable.
Eveillés et vigilants
Car les dangers sont là, qui ne manquent pas. Certains viennent de notre civilisation. Il n'y a pas si longtemps, on risquait de se laisser endormir par une certaine pensée scientiste qui annonçait que, grâce aux progrès de la science, nous allions vers une ère de bonheur sans mesure. Et le marxisme promettait « des lendemains qui chantent » Il y a tellement d'occasions de se laisser endormir par toutes les propagandes, tous les slogans et toutes les pubs qui promettent monts et merveilles. Se laisser endormir , ou s'endormir soi-même plus ou moins délibérément « dans la débauche, l'ivrognerie et les soucis de la vie » ! Jésus nous recommande de rester éveillés, et donc, non seulement de ne pas nous laisser endormir, mais d'être vigilants et également éveilleurs. L'évangile de Luc, seul, ajoute une autre recommandation : Jésus nous invite à « prier en tous temps. »
Avec ce premier dimanche de l'Avent commence, pour les chrétiens, une nouvelle année. Que sera-t-elle ? Nul ne saurait le prédire. Ce que nous savons, par contre, c'est que le Fils de l'homme est présent au cœur de notre histoire. C'est lui qui nous invite à ne pas perdre pied, à tenir debout, pour que sa présence nous pénètre et nous transforme. Le monde ancien s'en est allé. Un nouveau monde est en train de naître. Saint Paul parle d'un accouchement difficile de cette nouvelle création. Vivons ce temps qui nous est donné dans la prière, afin de « paraître debout devant le Fils de l'homme. »