THEOLOGIE "POUR LES NULS"

CETTE ANNEE : LE BAPTEME.

7e séquence : Baptisés dans l'eau et dans l'Esprit.

(2001)

"Moi, je vous baptise dans l'eau en vue de la conversion...Lui, il vous baptisera dans l'Esprit Saint et le feu", déclare Jean Baptiste.

Autre déclaration de Jean-Baptiste, parlant de Jésus : "C'est en vue de sa manifestation à Israël que je suis venu baptiser dans l'eau...J'ai vu l'Esprit, tel une colombe, descendre du ciel et demeurer sur lui... Celui qui m'a envoyé baptiser dans l'eau, c'est lui qui m'a dit : 'Celui sur lequel tu verras l'Esprit descendre et demeurer sur lui, c'est lui qui baptise dans l'Esprit Saint'.

"Nul, s'il ne naît d'eau et d'Esprit, ne peut entrer dans le Royaume de Dieu", déclare Jésus à Nicodème.

"Jean a bien donné le baptême d'eau, mais vous, c'est dans l'Esprit Saint que vous serez baptisés d'ici quelques jours", annonce Jésus à ses disciples, au matin de l'Ascension.

"Je me suis souvenu de cette déclaration du Seigneur : 'Jean, disait-il, a donné le baptême d'eau, mais vous, vous allez recevoir le baptême dans l'Esprit Saint". Telle est la déclaration de Pierre, alors qu'il est sommé de rendre des comptes parce qu'il a baptisé le centurion païen Cornelius.


"Nous avons tous été baptisés dans un seul Esprit pour être un seul corps."
"Dieu nous a marqués de son sceau et a mis dans nos coeurs les arrhes de l'Esprit.
N'attristez pas le Saint Esprit, dont Dieu vous a marqués comme d'un sceau."
"Vous avez été lavés... au nom du Seigneur Jésus et par l'Esprit de notre Dieu
"Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint Esprit".
"Il nous a sauvés...par le bain de la nouvelle naissance et de la rénovation que produit l'Esprit Saint."
Ce sont quelques-unes unes des affirmations de l'apôtre Paul dans ses lettres.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Ravenne - Mausolée de Galla Placidia.

Ces quelques textes du Nouveau Testament peuvent nous laisser perplexes. Voici la première question que je me pose : Baptême d'eau ET d'Esprit Saint ? Ou opposition entre le baptême d'eau (celui de Jean-Baptiste) et le baptême dans l'Esprit Saint (celui de Jésus) ?
Les spécialistes de la critique biblique vous expliqueront que certains de ces textes se font l'écho de la rivalité qui a existé, tout au long du Ier siècle, entre disciples de Jésus et disciples de Jean-Baptiste : on opposerait ainsi deux baptêmes, celui de Jean (baptême d'eau) et celui "au nom de Jésus" (baptême dans l'Esprit Saint).
Relisez l'arrivée de Paul à Ephèse (Actes 19, 1-7) : il y rencontre quelques disciples, leur demande s'ils ont reçu l'Esprit Saint. Ceux-ci répondent qu'ils n'ont même pas entendu parler d'Esprit Saint. - "Alors, quel baptême avez-vous reçu ?" demande Paul. -"Le baptême de Jean". Paul alors leur explique la différence entre les deux baptêmes, puis les baptise "au nom du Seigneur Jésus". Ensuite, il leur impose les mains et l'Esprit vient sur eux. Donc, deux baptêmes... et aussi deux rites : baptême et imposition des mains.
Par contre, au matin de la Pentecôte, lorsque Pierre et les apôtres viennent d'être envahis par l'Esprit Saint, Pierre invite ses auditeurs à se convertir : "Que chacun de vous reçoive le baptême au nom de Jésus Christ pour le pardon de ses péchés, et vous recevrez le don du Saint Esprit". Ici, donc, le baptême d'eau est lié à la venue du Saint Esprit.
C'est bien ainsi que l'ont toujours entendu les Églises chrétiennes, même si deux rites (baptême d'eau et imposition des mains) sont plus ou moins liés.


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le saut du Doubs.

Pour comprendre le sens et l'importance du baptême, il nous faut d'abord nous rappeler le rôle de l'eau dans l'Ancien Testament.
1 - L'eau est à l'origine de la vie.
Lorsque la terre était encore informe, "tohu-bohu" (c'est le mot hébreu), l'Esprit de Dieu planait sur les eaux. C'est ainsi que commence le récit de la création au livre de la Genèse. C'est de l'eau, ensemencée par l'Esprit vivifiant, que naîtront tous les êtres vivants. Eau vivifiée par le souffle (l'Esprit) de Dieu, eau qui donne la vie. Eau et Esprit de Dieu sont étroitement liés. Là où il n'y a pas d'eau, c'est le désert.
Mais, si l'eau apporte la vie,
2 - L'eau peut aussi submerger, noyer, détruire.
2-1. Le déluge. Lorsque les hommes, nous dit la vieille légende, étaient devenus si mauvais qu'au lieu de réaliser le dessein de Dieu en lui ressemblant, ils ne cherchaient qu'à s'affirmer eux-mêmes à la fois contre lui et même les uns contre les autres, c'est par l'eau du déluge que Dieu noya les péchés et détruisit le mal, n'épargnant que l'Arche de salut où s'abritaient le juste Noé, sa famille, et un couple de chaque espèce d'animaux.
2-2. Le passage de la mer Rouge. Lorsque l'armée du pharaon d'Égypte, l'armée des oppresseurs et des esclavagistes poursuivait le peuple de Dieu qui venait de traverser à sec la mer Rouge, refoulée par un vent puissant envoyé par Dieu, le vent tourna et la mer se referma sur l'armée du pharaon, noyant, détruisant, ensevelissant les forces du mal. L'eau submerge le péché et détruit le mal.

Donc, eau pour la vie, si elle est ensemencée par l'Esprit, et eau pour la mort, quand elle est destinée à détruire le péché, origine de toute mort. On ne peut donc pas séparer arbitrairement eau et Esprit.

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Mourir pour vivre.

"A moins de naître d'eau et d'Esprit, nul ne peut entrer dans le Royaume de Dieu. Ce qui est né de la chair est chair, ce qui est né de l'Esprit est esprit", annonce Jésus à Nicodème.
C'est là, dans l'eau du baptême que le péché, qui est cause de mort, est noyé comme sous les eaux du déluge, comme sous les eaux de la mer Rouge. C'est là que jaillit la vraie vie, la vie éternelle, la vie dont vit Dieu, celle que nous communique son souffle, son Esprit. Baptême = passage de la mort à la vie, de la mort noyée par l'eau baptismale à la vie communiquée par l'eau vive, l'eau vivifiée par l'Esprit divin.


Au moment du baptême de Jésus, la nature humaine assumée par le Fils de Dieu est purifiée par les eaux du Jourdain, en même temps qu'elle est "déifiée", rendue divine par le rayonnement de l'Esprit Saint qui vient reposer sur Jésus. Désormais, le baptême n'est plus un simple symbole de purification, comme l'était le baptême de Jean, mais il fait entrer réellement dans la vie divine. "Il vous faut re-naître d'en haut."

 

 

 

 

 

 

Église de Taizé - Vitrail du Saint-Esprit.

On ne peut pas séparer arbitrairement eau et Esprit. Or il se trouve que, dans la liturgie du baptême, il n'est pas question du baptême (du plongeon) dans l'Esprit Saint (à part une très brève allusion, au moment de l'onction avec le saint-chrême). Bien plus, dans l'Église d'Occident, on a fait deux sacrements : le baptême et la confirmation. Par contre, dans les Églises d'Orient, le baptême et la chrismation (onction avec le saint-chrême) sont liés dans une même célébration. Un jour, à une réunion de parents pour préparer la Profession de Foi, j'expliquais aux gens qu'après la Profession de Foi, les jeunes auraient à se préparer à la Confirmation. Une maman ukrainienne m'a interrompu pour nous déclarer : "Pour mon fils, c'est déjà fait. Il a reçu le Saint Esprit au moment de son baptême".

Je crois que notre pratique occidentale est regrettable. On a repoussé progressivement l'âge de la confirmation à 15 ou même 18 ans. Résultat : 90% des jeunes baptisés ne reçoivent pas l'Esprit Saint. Bien plus, je me demande parfois s'il n'y a pas une regrettable erreur théologique. Les jeunes me disent : je vais confirmer, ce qui signifie, pour eux, qu'ils vont confirmer, d'une certaine manière, les engagements pris à leur place au baptême. Ce sont eux les "acteurs" ! Alors qu'il s'agit, dans la liturgie, de demander à Dieu de "confirmer ce qu'il a opéré en nous" ("Confirma hoc Deus, quod operatus es in nobis"). Allons plus loin dans notre questionnement : Dieu a-t-il besoin de confirmer ce qu'il a fait, de toute éternité, en chacun de nous ?

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Les arboriculteurs vont me comprendre. Vous tous également, amis lecteurs. (d'ailleurs, je ne suis pas arboriculteur !) Il n'y a pas de meilleure image, pour expliquer le sens du baptême "dans l'eau et dans l'Esprit", que celle employée par l'apôtre Paul dans sa lettre aux Romains ( 11, 17-24), dans un autre contexte d'ailleurs. Je cite :
" Toi, olivier sauvage, tu as été greffé parmi les branches restantes de l'olivier pour avoir part avec elles à la richesse de la racine : ne va pas faire le fier aux dépens des branches. Tu peux bien faire le fier ! Ce n'est pas toi qui portes la racine, c'est la racine qui te porte."

Une greffe consiste à permettre à une plante fragile qui ne pourrait pousser toute seule en terre, de croître sur un support, une plante vigoureuse qu'on appelle le porte-greffe. La sève passe donc du porte-greffe dans la tige de la plante fragile. Eh bien, le baptême agit de même. La sève du Christ ressuscité, c'est-à-dire le Saint Esprit qui repose sur lui et vit en lui, passe en nous et nous nourrit de la Vie du Christ ressuscité, c'est-à-dire de la Vie de Dieu. Ne l'oublions pas : l'Esprit, c'est la vie. Au baptême, j'ai été "plongé dans l'Esprit", dans la vie de Dieu. Par mon baptême, je peux redire, encore une fois, avec l'apôtre Paul : "Désormais, ce n'est plus moi qui vis, c'est le Christ qui vit en moi."

C'est tout pour aujourd'hui. Il nous reste cinq séquences (cinq mois) pour aborder encore quelques aspects essentiels : je vous ai promis une réflexion sur le péché originel (le baptême efface le péché). Puis il faudra envisager "baptême, sacrement de la foi" ; et encore les autres "signes" qui constituent la liturgie baptismale ; et enfin la conséquence : les comportements spécifiques du chrétien baptisé. Et peut-être, si on en a le temps, "quid" du "baptême" républicain ?
En attendant, une question oiseuse : Simon-Pierre (le premier pape) a-t-il été baptisé ? Où ? Quand ? Par qui ?
Qui d'entre vous pourrait me répondre ?

Bonnes vacances à vous.

25 juin 2001.