THEOLOGIE "POUR LES NULS"

CETTE ANNEE : LE BAPTEME.

10e séquence : BAPTISER LES ENFANTS ? (II)
(octobre 2001)

Nous avons commencé le mois dernier à réfléchir sur cette question : pourquoi faut-il baptiser les bébés ? Justement, un de mes correspondants m'envoie un e-mail dans lequel il m'explique que la coutume de faire baptiser les petits enfants est contraire à l'enseignement de la Bible. En septembre, nous avons fait un rapide parcours historique : la tradition du baptême des petits est très ancienne et remonte aux premiers temps du christianisme. Ce mois-ci, nous allons poser autrement la question : non plus "Faut-il baptiser les tout-petits ?", mais
"Qu'est-ce qui empêche vraiment de baptiser les petits enfants" ?

De bonnes raisons.

Et d'abord, si le baptême a pour but d'introduire dans le Peuple de Dieu, peut-on concevoir que les parents se séparent de leurs petits-enfants et les laissent en quelque sorte de l'autre côté de la "Mer Rouge" ? Saint Pierre, au jour de la Pentecôte, dit à ses auditeurs : "La promesse est pour vous et pour vos enfants ".(Actes 2, 39).

Jésus, tout au long de sa vie, s'est occupé de petits enfants, et même de "nourrissons" (Luc 18, 15). A ses disciples qui veulent empêcher les mamans, Jésus répond : "Laissez les petits enfants venir à moi ; ne les empêchez pas !" Ne les empêchez pas : expression qu'on retrouve dans le livre des Actes à propos du baptême (Actes 8, 36 ; 10, 47 ; 11, 17) L’Église ne se reconnaît pas le droit d'empêcher quelqu'un d'entrer dans la grande famille des enfants de Dieu.

Mais, direz-vous, si le baptême est donné "pour la rémission des péchés", le nouveau-né n'en a commis aucun. Certes. Mais il entre dans une société pécheresse, et ici l'enfant est tout aussi dépassé que l'adulte. Les générations passées ne leur ont pas demandé leur avis pour les compromettre dans cette situation. Le Christ, lui non plus, ne demande pas l'avis des baptisés pour les en affranchir. Par le baptême, l'enfant reçoit l'Esprit Saint : en est-il incapable ? Certainement pas. Et pourquoi le peuple de Dieu serait-il le seul peuple qui ne comporterait pas d'enfants ?

La question essentielle.

On ne demande pas l'avis d'un enfant pour le faire devenir héritier, pour l'adopter, ou lui faire changer de nationalité. Tout cela est légalement possible, et on ne crie pas au viol de la liberté humaine. Plus tard, il pourra refuser. De même, certes, l'enfant baptisé pourra ne pas ratifier son baptême. Il dira peut-être qu'on l'a "conditionné" dès son plus jeune âge, mais n'est-ce pas là le sort de tout enfant qui naît dans une famille ? Et il restera "marqué" par son baptême, en ce sens que l'on ne peut pas abolir le passé. Décidément il n'est pas facile de trouver, au nom de la liberté, de solides objections théoriques au baptême des enfants.

Finalement la question la plus sérieuse qui se pose au sujet du baptême des petits-enfants est celle de leur foi au moment même de ce baptême. Si le baptême est une affaire de "salut", si la foi est nécessaire au salut, comment le petit enfant baptisé peut-il être considéré comme un "croyant". On peut faire intervenir ici la foi des parents, ou celle de l’Église. Dans l’Évangile, on voit Jésus guérir des malades, ou ressusciter un mort grâce à la foi de leur entourage. Par le baptême, l'enfant, certes, ne peut pas exprimer sa foi, mais il a en lui le germe de la foi. C'est la même chose qu'un homme qui dort : pendant son sommeil, il ne cesse pas d'être intelligent, mais il ne manifeste pas son intelligence avant son réveil. La grâce du baptême comporte, pour le nouveau-né, la grâce du début de la foi. Dieu intervient dans les facultés encore endormies du bébé, pour les rendre capables de poser un jour des actes de foi. A toute étape de la vie selon l'Esprit, l'action divine précède toujours notre propre agir. "Nul ne peut dire : Jésus est Seigneur, sinon sous l'action de l'Esprit Saint" (1 Corinthiens 12, 3)

Et pourtant.


Rien de plus normal, donc, que de baptiser les enfants d'un couple chrétien. On ne voit pas pourquoi naître de parents baptisés ne serait pas la marque d'un choix, d'un appel de Dieu. Être appelé est tout aussi indépendant de notre volonté que notre propre naissance. Mais la difficulté est que le baptême n'est pas la simple transmission d'un appel. Il est déjà une réponse. Pour faire simple, traduisons. Dieu dit : "Je voudrais bien que ce petit, votre enfant, devienne mon enfant." Et les parents répondent : "Nous aussi, on voudrait bien qu'il devienne ton enfant". Mais le bébé, lui, n'a rien dit. Un tel baptême ressemble à un coup de force qui impose une appartenance à l'Église au lieu d'être une adhésion personnelle.
Mais, à la réflexion, le baptême repoussé à l'âge adulte ne résout pas cette difficulté. On ne peut pas réduite l'Église au rang des associations où l'on s'inscrit par choix volontaire. Et l'appel de Dieu en Jésus-Christ n'est pas un appel à choisir le christianisme parmi un échantillon de doctrines. Dieu appelle l'homme à une VIE qui le dépasse totalement. ll ne faudrait pas prendre l'Église pour une simple association de volontaires. L'Église est le lieu de la réponse personnelle à l'appel de Dieu. C'est elle qui enseigne la manière de répondre comme il faut. Pour cela, il faut que l'image qu'elle donne d'elle-même n'en fasse pas une société parmi d'autres qui seraient du même genre. C'est toute la question de la pastorale. Pas seulement de la pastorale du baptême.

 

 

 

 

 

 

 

 

Pastorale ?

Revenons à l'essentiel : toute l'initiative vient de Dieu. Nous recevons l'amour de Dieu sans avoir rien fait pour cela. Cet amour, c'est d'abord la vie. Nous n'avons pas choisi de vivre, et rien de ce que nous avons reçu ne dépend de notre liberté. L'héritage nous est offert. Les parents chrétiens ne songent pas à décider à la place de l'enfant : ils lui transmettent simplement ce qu'ils ont eux-mêmes reçu. Puisqu'ils croient que nous sommes tous sauvés par le Christ, ils ne peuvent pas refuser le don de Dieu à leur enfant.
Le grand obstacle au baptême des nouveau-nés ne réside pas dans le fait qu'ils ne soient que des bébés. Il réside dans la manière dont les parents vivent leur foi. Le baptême fait entrer dans une vie nouvelle. D'accord. Mais cette vie est à vivre. Comment la vivre dans une famille qui semble loin de l’Église ? Il faut, de la part des "pasteurs", un grand respect et un accueil ouvert à la demande des parents, tout en les invitant à un vrai travail de discernement.
Dans la plupart des paroisses, les parents sont invités à des entretiens avec le prêtre ou avec des équipes de chrétiens afin de préparer le baptême. Ces rencontres sont extrêmement importantes. Avec délicatesse, il est bon de dire nettement ce qui semble essentiel dans la vie des baptisés, pas seulement au niveau des idées, théorique, mais surtout au niveau pratique, pour que les demandeurs puissent discerner ce qu'ils vivent et ce qu'ils veulent transmettre à leur enfant. On invitera donc les parents à regarder, non pas leur passé, mais l'avenir ; et à prendre leurs responsabilités. Si on ne fait pas cette préparation, on maintient du baptême une image tiède et contraire à l’Évangile. On construit une Église molle dans laquelle on entre simplement par sa naissance.

La paroisse ?

La plupart du temps, les baptêmes de bébés sont célébrés avec la famille proche et quelques amis. La paroisse n'y participe pas, sinon par le prêtre. Cette situation n'est pas près de changer, du moins pour les parents qui n'ont que très peu de liens avec la paroisse ou avec les gens du quartier. Et réciproquement, les paroissiens se sentent peu concernés par des baptêmes d'enfants de familles ignorées de la communauté, alors qu'au contraire ils sont prêts à se mobiliser quand il s'agit de baptêmes d'enfants de l'âge du catéchisme. D'où nécessité pour les prêtres de faire partager, par tous leurs paroissiens, leurs difficultés, leurs inquiétudes, leurs hésitations, et de leur demander conseil, de les associer à la responsabilité de l'accueil des demandes de baptême. Grâce aux équipes de préparation au baptême, les gens comprennent mieux qu'ils n'ont pas affaire à une administration, mais qu'ils sont appelés à entrer dans une communauté de croyants.

En conclusion.

Presque toujours, le temps de la naissance est un temps favorable dans un ménage, surtout pour le premier enfant. Dans l'événement même il y a une parole dite par Dieu : amour premier et inconditionnel d'un Père, désir de nous voir réussir notre vie, confiance totale du nouveau-né envers ceux qui lui ont donné la vie. A nous de révéler aux parents le sens, la signification profonde de l'événement. Et après ? Après, nous les confions à l'Esprit Saint. En leur laissant notre adresse.

Voilà ! Il nous reste deux mois (novembre et décembre) pour regarder encore quelques aspects significatifs du sacrement de baptême : d'abord, la signification des gestes utilisés par le prêtre, et ensuite, les conséquences du baptême dans notre comportement quotidien. A bientôt.

1er octobre 2001

 

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