THEOLOGIE "POUR LES NULS"
CETTE ANNEE : LE BAPTEME.
11e séquence : Le langage des signes
(novembre 2001)
"...Il faut des rites.
Qu'est-ce qu'un rite ? dit le petit prince.
C'est quelque chose de trop oublié, dit le renard..."
Saint-Exupéry - Le Petit Prince.
Toutes nos belles explications ne servent pas à grand chose. J'ai essayé jusqu'ici d'exprimer avec des mots, des phrases, des idées, des images, la réalité du baptême chrétien. En réalité, c'est peu de choses. Par contre, la célébration elle-même du baptême, les rites, le rituel, les signes que fait le prêtre peuvent être infiniment plus parlants. Aujourd'hui, nous allons essayer de les rendre parlants pour chacun de vous.
Rappelons-nous d'abord la définition du baptême, telle qu'elle m'a été apprise dans mon vieux catéchisme, lorsque j'étais enfant. "Le baptême est un sacrement qui ...nous fait chrétiens, enfants de Dieu et de l'Eglise". Et à la question : "Qu'est-ce qu'un sacrement ?" l'élève appliqué répondait : "Le sacrement est un signe sacré institué par Notre Seigneur Jésus Christ, pour produire la grâce et nous sanctifier." Un signe, c'est-à-dire un geste qui veut dire quelque chose. Je suis de l'autre côté de la rue, je vous fais signe. Encore faut-il que vous compreniez le signe que je vous fais. Le langage des signes nécessite un certain apprentissage. Les malentendants communiquent parfaitement par signes. Ils ont appris ce que chaque geste voulait dire.
Dans le rituel du baptême, il n'y a pas qu'un signe, même si le signe essentiel est le rite de l'eau. Il y a d'autres signes : l'accueil à l'entrée de l'église - le signe de la croix - l'imposition des mains - le saint chrème - le vêtement blanc - la remise du cierge allumé. Tous les gestes rituels de la liturgie du baptême sont parlants. Ou du moins peuvent devenir parlants, à condition que chacun ait appris un peu le langage des signes. C'est ce que nous allons faire ce mois-ci.
1 - L'entrée dans l'église.
Le mot "église" a une double signification : il signifie à la fois le contenant et le contenu, selon la manière dont on l'écrit. Quand je lis "église", je pense à un bâtiment, à un édifice religieux. Par contre quand je lis "Église", (avec un E majuscule) je sais qu'il s'agit de l'ensemble des chrétiens qui se reconnaissent disciples de Jésus Christ, dans la même communion de foi chrétienne. Quand les parents arrivent pour faire baptiser leur enfant, le célébrant les accueille à la porte de l'église-bâtiment, et c'est lui qui introduit l'enfant dans l'Église, la grande famille des chrétiens. Autrefois, il y avait même un geste symbolique : il posait son étole sur le corps du bébé pour faire avec lui les premiers pas dans l'église. Rappelez-vous le sens étymologique du mot grec "Église" : assemblée des fidèles convoqués. Voilà des gens qui ont été appelés, qui viennent de partout, qui se rassemblent parce qu'ils ont répondu à une convocation : c'est l'Église. Les parents qui viennent avec leur bébé ne font que répondre, eux aussi, à l'invitation entendue ("Je voudrais bien, dit Dieu, que votre enfant devienne mon enfant"). A l'appel entendu, ils répondent oui, et le geste du prêtre qui accueille et introduit dans l'église prend toute sa signification si les parents sont pleinement conscients de la démarche qu'ils font et qui les engage à vivre dans l'Église.
2 - Le signe de la croix
Par le baptême, on n'entre pas dans n'importe quel groupe, dans n'importe quelle Église. On entre dans l'Église de Jésus Christ. C'est ce que veut dire le signe de la croix que le prêtre et tous les participants tracent sur le nouveau baptisé. Signe de la croix : signe de reconnaissance des chrétiens entre eux. Nous avons tous étés "signés" au jour de notre baptême. C'est comme une signature. Elle authentifie le geste que le prêtre, les parents, le parrain et la marraine, et tous les baptisés présents qui le désirent ont fait sur le front de l'enfant. Comme nous tous, il est désormais marqué de la croix du Christ. C'est à dire qu'il entre dans ce monde où l'Amour est privilégié, puisque cet amour va jusqu'à donner sa vie. Un jour, le papa et la maman de ce bébé lui apprendront à faire lui aussi personnellement le signe de la croix, à tracer sur son corps le signe de l'Amour ; évoquant le Père en touchant son front, le Fils en mettant sa main sur son cœur, l'Esprit de force en touchant ses deux épaules.
Personnellement, j'ai pris l'habitude, pour ce rite important, de prononcer la formule et de faire les gestes du rituel du baptême des adultes : "Reçois le signe de la croix du Christ. C'est lui qui te marque lui-même du signe de son amour. Apprends à mieux le connaître, applique-toi à le suivre, porte en ton corps le signe du salut : tes oreilles pour que tu écoutes la voix du Seigneur, tes yeux pour que tu puisses entrevoir la gloire de Dieu, tes lèvres pour que tu saches répondre à Dieu qui te parle, ton cœur pour que le Christ habite en toi par la foi. Sois marqué tout entier du signe de la croix pour que tu possèdes la vie au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit."3 - L'imposition des mains
Le prêtre va poser sa main sur la tête du baptisé. En même temps, il prie pour lui. Il demande à Dieu de protéger cet enfant de tout mal : du mal qui pourrait lui arriver, et du mal qu'il pourrait faire. Ce geste évoque le geste courant du papa qui met sa main sur la tête de son fils ou de sa fille, comme pour dire : Attention, c'est mon enfant. Que personne ne lui fasse du mal. Je suis là pour le protéger du mal qu'on pourrait lui faire. Personnellement j'ajoute : tout père qui se respecte est là également pour apprendre à son enfant à ne pas faire le mal et même à lutter contre toutes les forces du mal qui règnent dans notre monde. Le baptisé, en effet, devient un combattant : il devra apprendre à se battre, contre le mal dont la racine est en lui-même (c'est le combat spirituel) et contre le mal qui, dans son environnement, fait tant de ravages.
4 - Le signe de l'eau.
Je n'en parlerai pas ici : je vous renvoie à ce que nous en avons dit au mois de juin (7e séquence). Je voudrais simplement rappeler l'importance primordiale qu'il y aurait à revoir notre liturgie de l'Église occidentale pour généraliser les baptêmes où l'on pourrait vraiment plonger l'enfant dans la cuve baptismale. Ce serait autrement plus parlant que ces quelques gouttes d'eau que généralement, le prêtre, verse sur la tête du nouveau baptisé !
5 - Un vêtement blanc.
Après le signe de l'eau, voici le signe du vêtement blanc dont le prêtre revêt le nouveau baptisé. Ce peut être un simple bonnet blanc, ou une écharpe, ou la belle robe blanche toute brodée que la grand-mère a sorti de son armoire, robe "de baptême" qui a servi pour plusieurs générations de frères et sœurs, de cousins, cousines ou petits cousins-cousines. Quelle est la signification de ce rite ?
Commençons par détruire une "idée reçue" : le blanc ne signifie pas la pureté, mais, dans toute la pensée biblique, l'amitié, l'intimité avec Dieu. Déjà Qohélet (9, 8), reprenant une idée de l'époque babylonienne, souhaitait ainsi à l'homme dont Dieu a agréé les œuvres : "Que tes vêtements soient toujours blancs et que l'huile ne manque pas sur ta tête". "L'ancien des jours" de la vision de Daniel (7, 9) siégeant sur un trône de feu, porte un vêtement blanc comme la neige, de même que l'ange du matin de Pâques. C'est surtout dans l'Apocalypse que l'image est employée, une dizaine de fois. Ceux qui portent ces vêtements blancs, ou qui sont invités à les porter sont ceux qui jouissent d'une grande proximité avec Dieu. Eh oui, le nouveau baptisé devient, par son baptême, un intime du Dieu de Jésus Christ : rappelez-vous également la scène de la Transfiguration où Jésus, dans son identité de Fils, porte un vêtement d'une blancheur éclatante.
6 - L'onction avec le saint chrême.
Plus difficilement accessible à nos mentalités contemporaines, le signe que fait le prêtre en marquant le front du nouveau baptisé avec le Saint Chrème, peut devenir parlant, si nous prenons le temps d'y réfléchir. D'abord, il s'agit d'huile, et vous le savez bien, il est difficile d'effacer une tache d'huile. Sur le linge, il faut un détergent, et sur une feuille de papier, c'est ineffaçable. Le nouveau baptisé est marqué sur le front d'une marque ineffaçable : il est pour toujours marqué comme d'un sceau, le cachet qui authentifie sa dignité de chrétien.
L'huile, dans la vie courante, sert à de multiples usages. Elle sert à graisser les machines, à entretenir les rouages, à empêcher que les moteurs ne se grippent. Elle sert également aux sportifs pour tous les massages. Elle donne force, souplesse, possibilité de bon fonctionnement. C'est tout cela dont le nouveau baptisé va pouvoir bénéficier par l'onction d'huile : particulièrement force et souplesse.
Enfin, l'huile qui sert pour les baptêmes (et aussi pour les confirmations et les ordinations), c'est le Saint Chrème, qui est un mélange d'huile d'olive parfumée. Elle fait de nous, dit la liturgie, des"membres de Jésus Christ, prêtre, prophète et roi".
7 - La remise du cierge allumé
Un cierge est allumé au cierge pascal, puis remis au nouveau baptisé, ou à ses parents, ou à ses parrains-marraines, ou mieux, à toute l'assistance. Quelle est la signification de ce rite ?
Jésus a dit : "Je suis la lumière du monde". Le cierge pascal qui brûle dans nos églises nous rappelle cette parole : le Ressuscité du matin de Pâques illumine le monde de la clarté son témoignage. Et puis, Jésus, s'adressant aux disciples, dès le début de son ministère en Galilée, leur a dit : "Vous êtes la lumière du monde". C'est pourquoi on remet ce cierge, allumé au cierge pascal, au nouveau baptisé. On passe le relais. On transmet la flamme au nouveau-né à la vie nouvelle. Désormais, il devra être une lumière pour le monde. Pas besoin d'insister beaucoup sur le symbolisme du rite : tout le monde comprend. Le feu, la flamme, c'est non seulement la lumière, mais aussi la chaleur. Symbole de la connaissance et de l'amour qui se communiquent. Éclairés, illuminés, les chrétiens ont à éclairer la route de leurs contemporains. Nous y reviendrons d'ailleurs le mois prochain, pour conclure notre recherche sur le baptême. Pour le moment, rappelons-nous seulement que dans l'antiquité, le baptême s'appelait le sacrement de l'illumination. C'est le moment, en effet, où le Christ dévoile à un homme son visage, où il devient pour lui le Seigneur. "Voilà que vous êtes quelqu'un tout à coup !" (Claudel)Plusieurs de ces signes, nous venons de le voir, indiquent clairement l'éminente dignité du baptisé, sa grandeur et la source de sa fierté. C'est ce qu'il nous restera à approfondir le mois prochain, pour conclure nos séquences sur le baptême.
30 octobre 2001