THEOLOGIE "POUR LES NULS"

LE BAPTEME.

12e Séquence : Fierté chrétienne.

(décembre 2001)

Je me demande si j'ai bien fait d'intituler cette dernière séquence "Fierté chrétienne". Un de mes copains à qui j'en parlais dernièrement a souri et s'est mis à chanter : "Je suis chrétien, voilà ma gloire, mon espérance et mon soutien". Et c'est vrai qu'il est facile de confondre "fierté" avec "orgueil" ou "vanité". Il n'y a pas si longtemps que les catholiques disaient et pensaient qu'eux seuls ont la vérité, que leur religion est la seule bonne, et qu' "hors de l'Église, pas de salut". Une religion triomphaliste. Mais ce n'est pas de cela que je veux parler quand j'intitule cette page : "fierté chrétienne". Je n'ai pas l'intention de comparer notre foi chrétienne à la foi exprimée dans les autres religions. Je tiens simplement à tirer les conséquences du fait que, baptisés, nous sommes enfants de Dieu, et que c'est là notre plus grand titre de fierté.


AUJOURD'HUI.

 

Se dire chrétien aujourd'hui, cela ne va pas de soi. Il n'est que de lire certaines revues, certains articles de journaux, ou de regarder de trop nombreuses émissions de télé pour s'apercevoir qu'aujourd'hui, souvent, les chrétiens sont moqués, ridiculisés. Impunément. On n'en dirait pas le centième de l'Islam sans se faire traiter de raciste, ou du Judaïsme sans se faire traiter d'antisémite. Et même, d'une façon plus particulière, être catholique et se déclarer tel, aujourd'hui, c'est se montrer plus ou moins attardé ; par contre, être protestant, c'est mieux vu. Et le fin du fin, si l'on est religieux, c'est de se dire bouddhiste. Le pape, non merci ! Le dalaï lama, oh oui ! On nous impute quantité d'actions, certes mauvaises, mais des actions d'autrefois qui restent marquées du sceau de l'infamie, telles que les croisades ou l'inquisition. Le chrétien est rétro, homme du passé. Non vraiment, à voir la situation actuelle, il n'y a pas de quoi chanter aujourd'hui "Je suis chrétien, voilà ma gloire".


ET POURTANT !

 

 

 

 

 

Nous baptisés, nous avons à reconnaître d'abord, pour pouvoir ensuite manifester notre dignité de baptisés.
La reconnaître d'abord. Je n'insisterai pas sur ce point. Il vous suffit de relire les séquences précédentes pour vous rendre compte du don gracieux que Dieu nous fait par le baptême. Il nous fait entrer dans sa vie. Nous sommes littéralement transfigurés, puisque nous devenons enfants de Dieu. A chacun de nous, comme à Jésus le jour de son propre baptême, Dieu dit ( et redit chaque jour) : "Tu es mon enfant bien-aimé". Encore faut-il prendre cette parole au sérieux, comme Jésus lui-
même l'a fait. Et donc savoir, sentir, expérimenter cette condition divine qui nous est faite. Je ne suis pas n'importe qui : je suis fils de Dieu !

 

SE RESPECTER.


 

 

 

Alors, nous allons pouvoir manifester dans notre vie, dans toutes nos attitudes, tous nos comportements, que nous sommes fils de Dieu. Exiger qu'on me respecte, et d'abord me respecter moi-même ; mais aussi respecter les autres, pour les aider à vivre et à réaliser cette promotion incroyable de fils et filles de Dieu dans chacun des actes de leur vie.
"Ne savez-vous pas que vos corps sont le temple du saint Esprit ?", demande saint Paul. Se respecter soi-même, c'est le degré élémentaire de notre comportement de chrétiens. Donc respecter son corps, ce qui n'est pas n'importe quoi. Propreté, soins de santé et même élégance : tout cela n'est pas superflu. L'habitation de Dieu en tout baptisé exige ces soins élémentaires.
Se respecter, c'est aussi ne jamais désespérer de soi. Si Dieu m'a fait cet honneur incroyable de m'aimer personnellement, de me le dire, de me le manifester, je peux le croire, et ne jamais me laisser aller au découragement. "Tu vaux plus que tu ne le crois", me dit-il. Et il ajoute aussitôt :
"Tu peux plus que tu ne fais".

 

 

 

RESPECTER LES AUTRES.

Respecter les autres, du même respect que je suis en droit d'exiger d'eux. Voilà une deuxième manière de manifester ma "fierté chrétienne". Car tous sont en droit d'attendre de moi la même attitude de respect. Et cela aussi, c'est du concret. dans notre vie de tous les jours, dans chaque rencontre, dans la rue aussi bien qu'au travail ou en famille, quel regard portons-nous sur les autres ? Mépris ou convoitise, indifférence ou admiration... Et si nous arrivions à regarder chacun sous sa véritable identité de fils ou de fille de Dieu ? A lui porter autant d'estime, de respect, d'amour que Dieu en a pour lui comme pour nous.


FILS DE L'EGLISE.

Autre sujet de fierté : nous sommes membres d'un collectif, l'Église de Jésus Christ, dont l'Écriture nous dit qu'elle est "Corps du Christ". Ce n'est donc pas n'importe quel collectif. C'est un corps, donc une réalité vivante, dont le Christ assure la vie. Sa vie coule en nos membres. Et comme tout corps, celui-ci a pour fonction de manifester la réalité cachée qui le fait vivre. De même que le corps du Christ, durant sa vie terrestre, manifestait Dieu-parmi-les hommes, aujourd'hui, l'Église, le collectif des baptisés sur cette terre, est chargée d'être corps du Christ, donc de manifester au monde l'amour que Dieu lui porte. De cette Église, chacun des baptisés est responsable. Tout le corps est fier d'un geste d'amour de l'un de nous ; tout le corpssouffre de chaque défection parmi les baptisés. Solidaires dans la peine comme dans la gloire, nous sommes collectivement et personnellement porteurs du témoignage d'amour que Dieu donne par le don de sa vie. Et naturellement, si nous avons à déplorer toutes les attaques, tous les quolibets qu'on adresse à notre Église, nous avons également à nous sentir fiers de tous les gestes d'amour ou de pardon qui chaque jour transforment un peu le monde.

 

EN CONCLUSION.

Nietzsche a causé un mal considérable aux chrétiens quand il les a accusés de se comporter en sous-hommes, recherchant l'humiliation pour elle-même, ne manifestant jamais aucune grandeur. En réalité, il n'a rien compris à ce qui fait la grandeur du chrétien : son humilité. Paradoxalement en effet, c'est parce qu'il se fait "humble" (étymologiquement "terrestre") qu'il est grand. En cela il ne fait que reproduire l'itinéraire, la trajectoire du Christ telle qu'elle est décrite par saint Paul (Philippiens 2). Vous connaissez maintenant ce texte par cœur, que je traduis librement : "Lui qui est d'origine divine, il s'est abaissé, prenant la condition humaine dans ce qu'elle a de plus bas. Il s'est fait esclave, et il est mort de la mort des esclaves. C'est pourquoi Dieu l'a exalté et lui a donné un titre au-dessus de tout titre : tout genou fléchit devant lui, au ciel, sur terre comme au séjour des morts". C'est notre cheminement : il nous permet de devenir fraternels dans toutes nos rencontres, avec qui que ce soit, fût-ce le plus petit. ("Dans l'axe de misère", écrit Péguy). Et ainsi d'acquérir la plus grande dignité.
Ce cheminement est traduit dans le rite central du baptême : la plongée dans l'eau comme pour une noyade, avant de res-surgir dans la Vie.

Il y aurait encore bien d'autres aspects du sacrement de Baptême à développer. J'ai voulu cette année me limiter à l'essentiel, espérant que ces douze séquences vous serviront à vivre votre vie dans toute sa noblesse, qui est très belle et très grande.


2 décembre 2001

 

EN ANNEXE : LE "BAPTEME" REPUBLICAIN .

Un peu d'histoire.
20 prairial de l'an II (8 juin 1794). Un acte de la Convention, à l'instigation de Robespierre, institue solennellement une cérémonie civile à l'occasion de la naissance des enfants (au même titre qu'avait été institué précédemment le mariage civil). De bons patriotes avaient déjà inauguré cette cérémonie quelques mois auparavant. Il s'agissait de marquer son attachement à l'idéal républicain et laïque.
L'origine ouvertement anticléricale fit que cette cérémonie tomba en désuétude après le Concordat de 1802. Sous la Restauration, les voltairiens, les libre-penseurs, les franc-maçons essayèrent de la remettre en honneur, de même que sous le second Empire. A la fin du XIXe siècle, au moment des luttes qui précédèrent la séparation de l'Église et de l'État, on voit fleurir de nouveau les baptêmes civils. Puis, ce fut à peu près l'oubli. Entre les deux guerres, certaines municipalités ouvrières de la banlieue parisienne remirent le rite en honneur. Le fait nouveau, depuis 1945, c'est son extension jusque dans les campagnes déchristianisées. En 1978, on enregistrait déjà 27 baptêmes civils dans la mairie communiste de la Seyne (Var). En 1947, dans une commune rurale de l'Yonne, on comptait 19 enfants baptisés à l'église et 31 baptisés civilement. Je n'ai pas de statistiques plus récentes, mais, à lire les journaux, on ne peut douter que depuis, le phénomène s'est considérablement amplifié.

En quoi cela consiste-t-il ?
Ceint de son écharpe tricolore, le maire accueille les parents et fait asseoir tout le monde. Puis il prononce un petit discours pour rappeler les origines et le sens de cette cérémonie. Ensuite, il demande aux parents comment s'appelle le bébé. Les parents répondent en déclarant : "Nous vous présentons notre enfant pour le mettre sous la protection de la République et de ses lois." Puis le maire continue en expliquant aux parents qu'ils doivent apprendre à leur enfant les sentiments de fraternité, de respect de la liberté, de tolérance , pour qu'il devienne un citoyen responsable et dévoué au bien public. Puis il s'adresse au parrain et à la marraine, pour leur rappeler qu'au cas où les parents de l'enfant venaient à lui manquer, ils s'engagent à les remplacer pour élever l'enfant dans le même esprit républicain. La cérémonie se termine par les signatures sur le registre des "baptêmes civils".

Qu'en penser ?
Personnellement, je trouve normal que des parents non croyants choisissent un chemin qui paraît plus loyal à leur conscience. On doit, de toutes façons, respecter un comportement humain qui engage des responsabilités précises. Il reste à se demander quelles sont les raisons fondamentales qui, à l'heure actuelle et dans le climat rationaliste qui nous entoure, font ainsi agir les parents.
Une première réalité : on a envie de célébrer la naissance d'un enfant. Croyants ou pas, une naissance est toujours un événement majeur qui continue de baigner dans un climat "sacré". Les parents, auteurs de l'événement naissance, sentent bien que cet événement les dépasse. Il est donc normal de vouloir célébrer l'événement de l'entrée d'un enfant dans la société par une fête.
En deuxième lieu, on désire officialiser le choix d'un parrain et d'une marraine. J'ai déjà dit combien la relation parrain(marraine) et filleul(e) est souvent très forte. D'où la place privilégiée du parrain et de la marraine au cours de la cérémonie du "baptême civil."

Baptême ou parrainage ?
Voilà pourquoi nous préconisons d'employer, plutôt que le mot "baptême", le mot "parrainage" républicain (ou civil). D'abord parce qu'il ne s'agit en rien d'un baptême : pas d'eau, donc pas de "plongeon" (selon le sens étymologique du mot). Ensuite parce que le mot "parrainage" convient bien à cette cérémonie civile, où l'essentiel est mis sur l'éducation de l'enfant dans des principes républicain et sur la responsabilité qui incombe aussi bien aux parents qu'au parrain et à la marraine.
René, un membre de l'équipe "préparation au baptême" de notre paroisse, a pris l'initiative d'écrire aux journaux locaux, il y a six mois. Immédiatement, ils ont adopté sa suggestion et depuis, toutes les semaines, on parle de "parrainage républicain" ou de "parrainage civil". Si, dans toutes les régions, des chrétiens prenaient une telle initiative, peut-être quelque chose changerait !

 

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