... au chant du coq...
Veillez donc !
J
ésus parlait à ses disciples de sa venue : « Prenez garde, veillez : car vous ne savez pas quand viendra le moment. Il en est comme d’un homme parti en voyage : en quittant sa maison, il a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail, et recommandé au portier de veiller. Veillez donc, car vous ne savez pas quand le maître de maison reviendra, le soir ou à minuit, au chant du coq ou le matin. Il peut arriver à l’improviste et vous trouver endormis. Ce que je vous dis là, je le dis à tous : veillez ! »
Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 13, 33-37
PREMIER DIMANCHE DE L’AVENT (B)
oOo
Entre-deux
C’est une bonne nouvelle que je suis chargé de vous annoncer aujourd’hui : le Seigneur vient. C’est d’ailleurs pour cela que nous nous préparons tous à fêter Noël dans la joie, du moins je l’espère. Car Noël, au-delà du folklore, des réjouissances traditionnelles et particulièrement des aspects commerciaux de la fête, c’est autre chose : une prise de conscience, que chacun de nous est invité à faire. Prendre conscience qu’avec la venue du Seigneur, c’est « la gracieuse bonté de Dieu à notre égard qui nous sont apparus », comme le déclare saint Paul dans sa lettre à Tite.
Et pourtant ! Ce matin, les textes de la liturgie nous parlent comme si rien n’était fait, comme si nous avions à attendre encore la venue de Dieu. L’Écriture, en effet, nous invite à nous situer entre deux venues du Christ : « Il est venu, il est reparti, il reviendra. » C’est bien le sens de ce passage d’Évangile que nous venons d’entendre. Nous voici à nouveau dans l’attente, il s’agit de veiller, de nous tenir prêts. Comme les demoiselles d’honneur dont nous parlions il y a quelques semaines, il faut attendre dans la nuit de l’absence. Et l’époux tarde à venir. Qui tiendra jusqu’au bout ?
Quelle attente ?
Mais au fait, quelle est notre attente ? Je me demande si, lorsque je vous parle d’attendre la venue de Dieu, cela ne nous laisse pas froids. La fin des temps, le jugement dernier, oui, d’accord. Mais ce n’est pas pour demain. Et le jugement de Dieu, nous le croyons sincèrement, ne peut être qu’une manifestation d’amour. Cependant, il est certain que nous attendons, beaucoup plus que nous le croyons. Ce monde qui est le nôtre, en ce début de XXIe siècle, est tellement chargé d’incertitudes, de contradictions, de conflits insolubles, de menaces de guerres et de violence, que nous ne pouvons que désirer une issue, un peu de paix. Plus qu’un simple répit. Les menaces des sociétés où nous vivons aujourd’hui, sociétés que nous avons faites, semblent de plus en plus fortes et précises. Notre monde espère autre chose que ce qu’il vit. Il sent bien que la vraie vie n’est pas cela. On parle – et ce ne sont pas seulement des slogans électoraux - de « changer la vie », de « la qualité de la vie ». Toutes ces attentes de l’humanité, ce sont les nôtres, personnellement, à moins d’être parfaitement inconscients. Attentes, qui vont souvent jusqu’à l’impatience. Que dit la foi de cette attente humaine, viscérale ?
Un jugement permanent
Je crois que si l’Écriture nous présente la venue du Christ comme imminente, c’est parce qu’elle est permanente. D’accord, il y aura, certes, un « Jour du Seigneur » où tout le mal sera jugé et où tout ce qui blesse l’homme sera surmonté. C’est l’expression de ma foi la plus profonde. Mais ce jugement, ne croyez-vous pas qu’il s’exerce tous les jours ? Comment ? Par tous ceux qui proclament l’Évangile par toute leur vie. C’est là une vraie venue de Dieu. Dommage, tout simplement, qu’il n’y ait pas plus de croyants pour proclamer l’Évangile au quotidien dans leur vie, par leurs actes et par leurs comportements. Que dit l’Évangile de notre manière si souvent décevante de concevoir le bonheur ? De nos sociétés qui, à cause des idoles qu’elles se sont fabriquées et qu’elles servent, asservissent des millions d’hommes ? En permanence, Dieu vient juger. Mais il juge par nous. Et si nous n’avons pas grand-chose à dire aux hommes d’aujourd’hui, c’est que nous courons comme les autres après les mêmes mirages. C’est que ce n’est pas vraiment le Christ que nous attendons. Le Christ ? Il est celui qui nous ouvre le chemin d’une vie réelle, dominée par l’amour et non par le culte des gadgets de la technique. Une vie bonne, comme disaient les anciens, une vie vraie : celle de Dieu lui-même.
Veilleurs, éveillés.
Si c’est par nous que s’exerce le jugement, cela veut dire que notre attente ne peut pas être passive. Elle suppose que nous soyons des « veilleurs ». « En quittant sa maison, le maître a donné tout pouvoir à ses serviteurs, fixé à chacun son travail ». Veiller, c’est travailler. C’est le contraire de dormir. Nous dormons, si nous fermons les yeux sur les situations de misère, d’injustice, de violence. Nous dormons si nous nous résignons en pensant : « Qu’est-ce que j’y peux ! » Nous dormons si nous nous laissons endormir par les slogans de la pub’ et de la propagande sous toutes ses formes.
L’Écriture nous rabâche sans cesse cette consigne : « Tenez bon ». En apparence, Dieu est absent. Mais le croyant ne cessera jamais de croire que Dieu vient, et donc il ne pourra jamais désespérer du monde ; il ne pourra jamais désespérer de lui-même. Il croit que Dieu vient, c’est-à-dire que l’amour investit notre monde, qu’il s’y incarne, que c’est déjà gagné. Mais aussi qu’il faut le faire. Car « tout pouvoir nous a été donné ». Dieu ne fait rien sans nous. C’est un peu inquiétant, mais ce pouvoir de le mettre au monde nous a été réellement donné. Plutôt que de pratiquer des petites pénitences, vivons réellement ce temps de l’Avent qui commence comme un Avent de jugement, de révolte contre ce qui blesse l’homme en ce début de troisième millénaire. Et commençons en nous.
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