"L'ange entra chez elle et la salua"

  QUATRIEME DIMANCHE DE L’AVENT (B)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 1, 26-28

 

L'ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée appelée Nazareth, à une jeune fille, accordée en mariage à un homme de la maison de David, appelé Joseph ; et le nom de la jeune fille était Marie. L’Ange entra chez elle et dit : « Je te salue, Comblée-de-grâce, le Seigneur est avec toi. » A cette parole, elle fut toute bouleversée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. L’Ange lui dit alors : « Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas concevoir et enfanter un fils, et tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand, il sera appelé fils du Très-Haut ; le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David son père ; il régnera pour toujours sur la maison de Jacob, et son règne n’aura pas de fin. » Marie dit à l’Ange : « Comment cela va-t-il se faire, puisque je suis vierge ? » L’Ange lui répondit : « L’Esprit Saint viendra sur toi, et la puissance du Très-Haut te prendra sous son ombre ; c’est pourquoi celui qui va naître sera saint, et il sera appelé Fils de Dieu. Et voici qu’Élisabeth, ta cousine, a conçu, elle aussi, un fils dans sa vieillesse et elle en est à son sixième mois, alors qu’on l’appelait « la femme stérile ». Car rien n’est impossible à Dieu. » Marie dit alors : « Voici la servante du Seigneur ; que tout se passe pour moi selon ta parole. » Alors l’Ange la quitta.

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J'ai eu peur !

Dès que Marie entend la salutation de l’ange, elle est saisie de peur. Je pense que nous aurions tous eu le même sentiment de peur, si nous avions fait la même rencontre. Mais je crois que le sentiment de Marie est plus complexe. Rappelez-vous : dans le conte du Livre de la Genèse, l’homme et la femme, au jardin d’Eden, ne peuvent pas croire à ce Dieu d’amour qui leur offre un immense bonheur, une intimité totale. Il y a dans le récit mythique du fruit défendu un refus, un « non » de l’humanité. Et ce « non » engendre la peur. A Dieu qui lui demande « Où es-tu ? », Adam, qui s’est caché, répond : « J’ai eu peur. » Tout au long de l’histoire biblique, les refus, les « non » de l’homme engendrent la peur, parce qu’il s’imagine un Dieu cruel, pervers, qui veut une humanité soumise et obéissante.

Notre histoire sainte

Et pourtant, tout au long de cette histoire sainte, Dieu propose à l’homme un pacte d’alliance qui peut se résumer facilement : « Si tu es fidèle à mes commandements, je te ferai réussir ta vie. » Ta vie personnelle et ta vie de peuple. Et cette réussite d’un peuple fera avancer toute l’humanité. Il y a eu des avancées, des reculs, des « oui » et des « non ». Des jours où l’on s’engage et des jours où la fidélité semble bien pesante, et où la lassitude commande des attitudes de rejet. Des jours où l’on ne croit plus au Dieu-Amour et où l’on retourne aux vieilles idoles. L’Histoire Sainte, telle qu’elle est racontée dans la Bible, c’est notre propre histoire, à chacun de nous personnellement, et à toute l’humanité jusqu’à aujourd’hui.

Réjouis-toi, ma chérie

Ah, comme on a du mal à faire émerger l’humanité de son animalité ! Regardez comment cela se passe aujourd’hui encore, en ce début de XXIe siècle. Alors Dieu se dit : « Ce n’est plus possible ! Cela ne va pas durer encore longtemps. Que pourrais-je bien faire pour convaincre ces hommes à la tête dure, « à la nuque raide » (comme dit la Bible) ? Je veux leur bonheur, mais je ne veux pas le faire tout seul. Bien sûr, ce serait facile de faire des robots. Les robots, on les programme, et ça marche ! Je veux faire ce monde de bonheur avec des hommes libres. Encore faut-il qu’ils acceptent ce projet, qu’ils y croient. » Alors il va élargir l’alliance qu’il avait contractée avec Adam, avec Noé, avec son peuple par l’intermédiaire de Moïse. Il va offrir cette alliance au monde entier, par l’intermédiaire d’une gamine de Nazareth, à qui il envoie son messager. Si j’avais eu à traduire la salutation de l’ange, j’aurais écrit, en bon français, à la place de « Je vous salue, pleine de grâce », une traduction plus proche des mots employés par l’ange Gabriel : « Réjouis-toi, ma chérie : le Seigneur est avec toi. » Car c’est un mendiant d’amour qui envoie son messager. Et sans doute le premier sentiment de Marie, plus que de peur, a dû être de se dire : « Non, ce n’est pas possible ! Je rêve. » Ce n’est pas possible, que Dieu soit si proche. Plus intime à nous-mêmes que nous-mêmes. Et pourtant, c’est ce qui va se passer. Et l’ange lui explique. Et quand il lui demande : « Veux-tu, Marie ? », elle répond par un simple « OUI ».

La demeure de Dieu

Et ce « oui » change tout. Le « non » de l’homme primitif avait tout bloqué ! Le « oui » de Marie va provoquer une extraordinaire avancée de toute l’histoire de l’humanité, un bouleversement tel qu’aujourd’hui encore on n’en a pas mesuré toutes les conséquences, et surtout on ne vit pas ces conséquences totalement, comme on devrait les vivre. Dieu-avec-nous ! Dieu qui fait sa maison, non plus comme David la rêvait, comme un Temple magnifique, mais chez nous, en nous, si nous disons le mot de l’amour, le « oui ». Rappelez-vous, Jésus le dit lui-même : « Si quelqu’un m’aime, mon Père l’aimera, et nous ferons chez lui notre demeure. »

Voilà la grande parole, aujourd’hui, à quelques jours de Noël. C’est en toi, en chacun de nous, du plus petit au plus âgé, qu’il veut naître. Il s’agit simplement de dire « oui ». Un « oui » qui engage, qui nous engage à accueillir le projet de Dieu et à y travailler. A travailler à la paix, à la justice, à une certaine fraternité. Il y avait tout cela déjà dans le « oui » de Marie. Elle l’a vécu jusqu’à la croix. Plus exactement jusqu’à la résurrection. Mais chacun de nous refait dans sa propre vie le même itinéraire.

A quelques jours de Noël, il faut s’arrêter et se demander : « Qu’est-ce que ça va être, pour moi, Noël, cette année ? Une fête de la grande bouffe, ou au contraire l’accueil de Dieu-Amour par un oui déterminé et sincère ? »

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