Jésus se fait baptiser par Jean dans le Jourdain.

     LE BAPTEME DU SEIGNEUR (B)

 

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 1, 7-11 

J

ean Baptiste proclamait dans le désert : « Voici venir après moi celui qui est plus puissant que moi. Je ne suis pas digne de me courber à ses pieds pour défaire la courroie de ses sandales. Moi, je vous ai baptisés dans l’eau ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint. » Or, à cette époque, Jésus, venant de Nazareth, ville de Galilée, se fait baptiser par Jean dans le Jourdain. Au moment où il sort de l’eau, Jésus voit le ciel se déchirer et l’Esprit descendre sur lui comme une colombe. Du ciel une voix se fait entendre : « C’est toi mon Fils bien-aimé ; en toi j’ai mis tout mon amour. »

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Théophanie

C’est par cette scène inaugurale du baptême de Jésus que débute l’Évangile de Marc. Comme les trois autres évangiles, il tient à souligner que ce Jésus qu’il est chargé d’annoncer est le Fils de Dieu, mais il le fait à sa manière particulière : par une « théophanie », c’est-à-dire par une manifestation solennelle de la divinité. Matthieu commençait par nous dire que Jésus, dont il rapporte la généalogie, l’ascendance humaine, a été annoncé à Joseph comme « conçu de l’Esprit Saint ». Luc, dans l’annonce faite à Marie, nous disait la même chose. L’Évangile de Jean, plus théologique, annonce que « le Verbe s’est fait chair ». Marc, lui, met cette proclamation solennelle de la divinité de Jésus dans la bouche même de Dieu.

Investiture

Cet événement est l’un des plus importants de toute l’Écriture, puisque les quatre évangiles le rapportent. Au début des Actes des Apôtres, quand il s’agit de choisir un remplaçant à Judas, Pierre précise que le nouvel apôtre devra être choisi parmi ceux qui ont connu Jésus « depuis son baptême par Jean ». Et lorsqu’il parle de Jésus au centurion Cornelius, le premier païen qui se convertira, il commence par faire mention du baptême de Jean. Il s’agit donc bien d’un événement essentiel, comme d’une investiture, par Dieu, de son fils Jésus comme Sauveur du monde.

Solidarité

Quatre éléments, qui sont communs à tous les récits du baptême de Jésus, me frappent : Jésus demande à être baptisé, les cieux s’ouvrent, la voix de Dieu se fait entendre, et l’Esprit, sous la forme d’une colombe, vient sur Jésus. Et tout d’abord, Jésus, venant de Nazareth, se mêle à la foule des Juifs qui viennent demander le baptême à Jean. Qu’est-ce que cela signifie ? Essentiellement, une solidarité. Jésus se veut solidaire de ce peuple de pécheurs, solidaire, même, de toute l’humanité pécheresse. Le baptême de Jean était un bain de purification : on se reconnaissait pécheur et, pour manifester sa volonté de conversion, on plongeait (c’est le sens, rappelons-le, du mot « baptême ») dans l’eau du Jourdain pour en ressortir purifié. Jésus – et Jean le lui fera remarquer- n’a pas besoin de purification, lui qui est sans péché. Mais il veut manifester par son plongeon qu’il fait partie d’une humanité qui a besoin d’être lavée de son péché, qu’il est justement là pour cela, et qu’il va « marcher sur nos routes » humaines, pour nous entraîner à sa suite dans ce destin de mort-résurrection qui sera le sien.

Vous avez la communication

C’est alors qu’a lieu la « théophanie ». Et d’abord, les cieux s’ouvrent. Ne pensez pas à une éclaircie à travers les nuages. L’expression, pour ceux et celles qui avaient été nourris de la pensée biblique, les premiers lecteurs, fait référence à quelques textes de l’Ancien Testament, notamment du prophète Isaïe, qui écrivait : « Ah ! si tu déchirais les cieux ! », à une époque de l’histoire où les gens pensaient que « les cieux étaient fermés », que Dieu faisait la tête et boudait son peuple, ne lui parlait plus. Donc, quand, au jour du baptême de Jésus, on lit que « les cieux se déchirent », comprenez que la communication est rétablie, que Dieu parle de nouveau.

Dans l’évangile de Marc (comme chez Luc), il parle directement à Jésus : « Tu es mon Fils ». Chez Matthieu ; Dieu s’adresse aux gens qui sont là et désigne Jésus : « Celui-ci est mon Fils » Quant à l’évangile de Jean, il nous explique que le Baptiste a eu une révélation de « celui qui l’a envoyé baptiser » et lui a donné un signe pour désigner « celui qu’il a vu ». Alors  « il atteste qu’il est, lui, le Fils de Dieu ». Désignation à la foule, annonce à Jean-Baptiste, petit mot d’amour à Jésus, dans tous les cas, les Évangiles prennent soin, chacun à leur manière, de nous faire part d’une authentification : cet homme Jésus, Dieu le reconnaît comme son Fils bien aimé.

Tu es son enfant bien-aimé

Dernière caractéristique commune aux quatre textes : l’Esprit qui descend et demeure sur Jésus, sous la forme d’une colombe. Rappel évident de la première page de la Bible : au moment de la création, « l’Esprit (le souffle) de Dieu planait sur les eaux ». Rappel également, sans doute, du récit du Déluge, quand Noé lâche une colombe qui revient dans l’arche en portant dans son bec un frais rameau d’olivier. Deux récits des origines, récit de création et récit de re-création de tout le vivant : voici qu’au jour du baptême de Jésus commence une nouvelle création, une humanité nouvelle dont le Christ est le prototype et le « nouvel Adam », c’est-à-dire l’homme nouveau. Une humanité divinisée.

Baptisés dans l’eau et dans l’Esprit, nous aussi, chrétiens, je me demande parfois comment nous recevons cette fête du Baptême du Christ. Car nous faisons partie de cette humanité divinisée. A chacun de nous, au jour de son baptême, le Père a dit : « Tu es mon enfant bien-aimé ». Le croyons-nous ? Le vivons-nous ? Jésus, lui, a pris au sérieux, au pied de la lettre, la parole de son Père. Et nous ? Quand je regarde les communautés chrétiennes, je me demande si elles ne vivent pas d’une manière trop frileuse, trop peureuse, trop repliées sur elles-mêmes. Sans oser témoigner, aux yeux du monde, d’une grande œuvre, inaugurée par le Christ, de libération de l’homme, de tout homme, de tout l’homme. Il y a un travail urgent, sur tous les plans, à l’échelle mondiale comme à l’échelle plus restreinte de nos familles, pour que les hommes, tous les hommes, puissent défaire tous les « nœuds », tous les blocages qui empêchent de vivre en paix. Enfants bien aimés du Père, comment vivons-nous notre propre condition de baptisés ?

Il faudrait peut-être avoir plus d’imagination, être plus inventifs, moins frileux. Et peut-être, avant tout, manifester par notre propre vie, avec une grande confiance dans l’avenir, la joie des rachetés.

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