Et dans le désert il resta quarante jours

     PREMIER DIMANCHE DE CAREME (B) 

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 1, 12-15 

 

Jésus venait d’être baptisé. Aussitôt l’Esprit le pousse au désert. Et dans le désert il resta quarante jours, tenté par Satan. Il vivait parmi les bêtes sauvages, et les anges le servaient.

Après l’arrestation de Jean Baptiste, Jésus partit pour la Galilée proclamer la Bonne Nouvelle de Dieu ; il disait : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à la Bonne Nouvelle. » 

oOo 

Une histoire d'amour

On ne peut rien comprendre à la longue histoire de l’humanité si on ne la lit pas comme le fait la Bible : comme une longue histoire d’amour. Une histoire d’amour entre Dieu et sa création. Voilà le fil conducteur de tous les livres  disparates qui composent la Bible. Même dans les récits mythologiques, comme le récit du déluge dont nous lisons un extrait aujourd’hui. Des récits de déluge, on en trouve dans toutes les mythologies. Il y a eu peut-être un jour un énorme raz-de-marée, un immense tsunami, qui a marqué la conscience historique d’une époque. On se l’est raconté de génération en génération, de peuplade en peuplade. Mais dans la Bible, l’auteur du récit, qui écrit au IVe siècle avant Jésus-Christ et qui reprend la terrible légende mésopotamienne, va dire quelque chose d’original. Il lie le récit du déluge à un récit d’Alliance. Il nous dit la première grande alliance de Dieu avec toute la création en la personne de Noé. Dieu dit : « Vous pouvez être certains d’une chose, c’est que jamais je ne détruirai le monde. Au contraire, l’arc-en-ciel que vous voyez briller après la pluie la plus longue et la plus destructrice, vous indiquera toujours que j’ai fait alliance, une fois pour toutes, avec l’humanité.

Des alliances

C’est la première alliance. Ensuite, la Bible relate d’autres pactes d’alliance, tout au long de l’histoire : avec des hommes, des races, des peuples, et enfin avec l’humanité entière. Après Noé, il y aura Abraham. Aujourd’hui, plus de la moitié de l’humanité se réclame de la paternité d’Abraham à qui Dieu dit un jour : « En toi seront bénies toutes les nations de la terre. » Ensuite, Dieu fera alliance avec un peuple, le peuple d’Israël, par l’intermédiaire de Moïse. Quelque deux cents ans plus tard, la Bible nous raconte une autre alliance, cette fois avec une famille, la famille de David. Chaque fois, les mêmes promesses sont renouvelées. Enfin, nous dit le Nouveau Testament, s’établit une alliance « nouvelle et éternelle » de Dieu avec les hommes par l’intermédiaire de l’homme-Jésus. Et cette alliance s’élargit aux dimensions du monde. En Jésus, la promesse de Dieu vaut pour chacun de nous. Et pour tous les hommes de la terre. A condition qu’ils fassent la même démarche que Jésus a faite au cours de sa vie terrestre.

Fils bien-aimés

Pour qu’il y ait alliance, il faut être deux. Dieu dit : « Voici ce que je te promets ». Il faut au moins qu’on réponde « d’accord ». Relisons l’évangile de ce jour. Au moment du baptême de Jésus, Dieu lui dit (comme il dit à chacun de nous au jour de notre propre baptême) : « Tu es mon fils, mon bien-aimé. » Cela veut dire quelque chose d’important. Tout ce qu’un père peut donner à son fils, tout cet amour dont il est capable, toutes ses exigences également. Faut-il encore que nous répondions à cette invitation à l’amour. Eh bien, c’est ce que Jésus  a fait au moment de la tentation. J’ai envie de parler, plutôt que de tentation, de « test », comme ces test qu’on doit subir avant d’être embauchés et d’être chargés d’une quelconque responsabilité. Pendant quarante jours au désert, Jésus va répondre à la grande annonce du jour de son baptême : «  Tu es mon Fils. » Il répond « oui ». En obéissant à son Père comme un fils bien-aimé. Et ce n’est pas facile.

Il ne faudrait pas croire que Jésus a fait semblant d’être un homme. Non ! Il a vécu pleinement notre condition humaine. Et, tout au long de sa vie, pas seulement pendant quarante jours, Jésus a eu cette tentation : faire du sensationnel. Tentation du pouvoir, même du pouvoir politique. La tentation des quarante jours au désert,  c’est un concentré de la tentation de toute son existence. Il a fallu que chaque jour Jésus renouvelle son « oui » de fils obéissant. Pendant le temps de sa vie publique, et particulièrement à Gethsémani, au moment de l’agonie. A ce moment-là, que ce fut difficile de dire oui ! Rappelez-vous : « Père, que cette coupe s’éloigne de moi. » Il a fallu qu’ensuite il se reprenne pour pouvoir dire : « Que ta volonté soit faite, et non pas la mienne. »

Convertissez-vous

C’est parce que Jésus a été capable de dire « oui » chaque jour de sa vie et jusqu’au moment de son agonie qu’il peut nous dire, à nous aujourd’hui comme à ses premiers auditeurs : « Convertissez-vous ! Changez de vie. » Croyez à cette bonne nouvelle : il y a des possibles dans votre existence. Si vous vous laissez aller, vous succomberez toujours à toutes les tentations. Vos « oui » seront tellement épisodiques qu’il n’y en aura bientôt plus. Bientôt vous vous direz : « Qu’est-ce que j’y peux ! Je suis comme ça. Le monde est ainsi fait et je n’y peux rien. »

« Convertissez-vous », nous répète Jésus au début de ce Carême. Si moi, j’ai affronté l’esprit du mal, si j’ai été obligé de  mener ce dur combat, vous, de même, si vous croyez à votre baptême, si vous êtes dignes de votre baptême, il vous faudra mener ce même dur combat, pour pouvoir redire sans cesse un « oui » total et généreux au Père. Et pas seulement du bout des lèvres, mais dans les choix de chaque jour, dans tous les actes de votre vie. Faire la volonté de Dieu, c’est exigeant !

Lucidité

Mais c’est indispensable pour rester fidèles à notre baptême, pour continuer la lutte contre le mal, en nous et autour de nous. Esprit de vengeance, de domination ou de jalousie, bref tout ce qui empêche de suivre la Parole de Dieu, d’être des hommes de justice et de paix. Dans votre vie professionnelle, dans votre vie familiale, dans votre quartier. Ce sont sans cesse des « oui » généreux qu’il faut reformuler.

Voici le Carême qui commence. Jésus nous invite à un travail de lucidité : nous situer face à nous-mêmes et face aux autres en toute vérité. Souvent on s’endort. On a tendance à se dire : « Je suis fait comme ça et ça va bien comme ça ! » Réveillons-nous, redevenons jeunes. Demandons-nous souvent, sous le regard de Dieu, si nous sommes capables de dire « oui », le oui de notre baptême à ce Dieu dont l’amour est exigeant. Il m’offre un grand amour. Il s’agit de lui répondre par un grand amour. En marche !

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