NUIT PASCALE

 

Evangile de Jésus Christ selon saint Marc 16, 1-8
 

Le sabbat terminé, Marie Madeleine, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des parfums pour aller embaumer le corps de Jésus.  De grand matin, le premier jour de la semaine, elles se rendent au sépulcre au lever du soleil.  Elles se disaient entre elles : « Qui nous roulera la pierre pour dégager l'entrée du tombeau ? »

 Au premier regard, elles s'aperçoivent qu'on a roulé la pierre, qui était pourtant très grande.  En entrant dans le tombeau, elles virent, assis à droite, un jeune homme vêtu de blanc. Elles furent saisies de peur.  Mais il leur dit : « N'ayez pas peur ! Vous cherchez Jésus de Nazareth, le Crucifié ? Il est ressuscité : il n'est pas ici. Voici l'endroit où on l'avait déposé.  Et maintenant, allez dire à ses disciples et à Pierre : 'Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez, comme il vous l'a dit.' »  Elles sortirent et s'enfuirent du tombeau, parce qu'elles étaient toutes tremblantes et hors d'elles-mêmes. Elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur.

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Quand verrons-nous le printemps ?

Mais quand donc verrons-nous le printemps ? Quand donc aurons-nous un peu de chaleur, et beaucoup de soleil ? C’est la question qui revient dans toutes les conversations, ces dernières semaines, alors que nous ne connaissons que temps gris, pluie, neige et froid. Chaque matin, mon premier geste est de regarder le temps qu’il fait, dès que j’ouvre les volets qui donne sur mon petit jardin. Or chaque matin – ou presque –  même si le ciel est gris, qu’il pleuve ou qu’il neige, j’ai d’agréables surprises. Dès février, ce furent les perce-neige qui firent leur apparition. Malgré le froid, elles ont poussé et grandi. La neige, plusieurs fois, est venue les recouvrir : chaque fois elles ont relevé la tête. Plus fortes que les éléments. Puis ce furent les primevères, d’abord timidement, puis plus hardies. Il y eut aussi les crocus qui bravèrent les intempéries, alors que nous, les humains, restions bien au chaud, à  nous plaindre du mauvais temps. Et un matin de dimanche – c’était il y a quinze jours - j’eus la surprise de voir toutes les jonquilles sorties de terre et épanouies en quelques heures, comme si un mystérieux jardinier les avait plantées durant la nuit. Alors, les perce-neige disparurent, puis les crocus. Alors fleurirent les forsythias, puis le pommier du Japon. Et dimanche dernier surgirent les tulipes, qui aujourd’hui sont pleinement épanouies. Des fleurs plus fortes que le froid ou la neige, la vie qui surgit après les longs mois de mort. Je vous assure que, cette année, elles furent pour moi comme un encouragement. Davantage même : comme un signe que la vie est sans cesse triomphante. Dans la sécheresse du désert, on le sait, des graines peuvent germer. Dans les rigueurs de l’hiver, des fleurs percent de la terre gelée. Alors, n’est-il pas possible que l’homme s’élève du tombeau et que du corps d’un mort surgisse l’éternité ?

Plus fort que la mort

Tous les gestes que nous avons faits au début de notre veillée pascale sont tirés de la mémoire de l’humanité, comme un rappel de l’expérience venant des temps immémoriaux : le miracle du feu. En frottant quelques morceaux de bois mort dépourvus de toute trace de vie, il est possible de produire lumière et chaleur ; En frappant deux silex  l’un contre l’autre, il est possible de faire surgir une étincelle de lumière. De ce qui est mort jaillit la vie. Au fil des millénaires de l’évolution de l’humanité, la certitude que la vie est indestructible s’est imposée. La vie plus forte que la mort. Parmi tous les vivants, nous sommes les seuls à savoir que nous n’existons qu’une seule fois dans le cours de la nature. Et quelle réponse est donnée face à la puissance destructrice de la mort ? Une seule : qu’au-delà du monde Dieu existe, un amour infini, auquel nous devons de vivre. Nous ne sommes pas jetés dans l’existence comme des graines aveugles, comme le fruit du hasard. Il existe une force d’amour qui nous ouvre à la vie.

Les femmes étaient là !

Les récits de la mort et de la résurrection de Jésus qui nous sont parvenus mettent en relief l’intervention de quelques femmes, et en particulier, à plusieurs reprises, celle de Marie de Magdala. Qui était cette femme, dont l’existence a tellement frappé l’imagination que nombreux sont les romanciers et les scénaristes qui s’en sont emparés ?  A vrai dire, on sait peu de choses sur elle. Elle était de Magdala, un petit village au bord du lac de Tibériade. L’évangéliste Luc dit que Jésus avait chassé d’elle sept démons. Elle était de ce groupe de femmes qui accompagnaient Jésus. Sans doute elles avaient quitté leur mari, et même abandonné leur famille et leur ancien métier, renoncé à leurs ressources ; comme la Marie de Magdala, elles étaient dépouillées de toutes chaînes. Alors que les femmes de leur pays restaient confinées dans leurs maisons et leurs tâches ménagères, elles allaient sur les routes à la suite du Maître, exposées au mépris public. Mais c’est là qu’elles connurent leur véritable union, leurs indéfectibles noces.

Elles étaient encore là, au pied de la croix. Et elles étaient les premières levées, au matin du premier jour, alors que le soleil se levait. Merci, femmes de Galilée ; fidèles compagnes de Jésus. C’est à vous, et non pas à vos peureux compagnons, qu’il fut donné d’annoncer l’extraordinaire bonne nouvelle. Certes, elles eurent, elles aussi, comme tout le monde, du mal à y croire. Elles pensèrent que le cadavre avait été volé. Certes, leur premier réflexe fut de peur. Mais ce sont elles qui entendirent la première annonce et reçurent les premières la mission d’aller annoncer que Jésus était ressuscité et qu’il donnait rendez-vous à tous ses disciples en Galilée, là où il les précédait et les attendait.

Un brasier a été allumé

Pas à Jérusalem, où il venait d’être mis à mort « hors de la ville », mais dans cette « Galilée des nations », parce que, désormais, tout était inversé : de la mort surgissait la vie, d’une religion-centre on passait à un message en expansion « jusqu’aux extrémités de la terre » Et effectivement, de cette Galilée semi-païenne, la bonne nouvelle s’est répandue rapidement. Essentiellement par le bouche à oreilles. Car avant que nos quatre évangiles ne soient rédigés, il s’est écoulé au moins une cinquantaine d’années où des gens ont colporté la nouvelle. J’aime à citer le beau texte de Roger Garaudy, alors penseurs marxiste, parlant de Jésus : « Ce n’était sans doute ni un philosophe ni un tribun, mais il a dû vivre de telle manière que toute sa vie signifiait : chacun de nous peut, à chaque instant, commencer un nouvel avenir.
Des dizaines, des centaines peut-être de conteurs populaires ont chanté cette bonne nouvelle. Nous en connaissons trois ou quatre. Le choc qu'ils avaient reçu, ils l'ont exprimé avec les images des gens simples, des humiliés, des offensés, des meurtris, quand ils rêvent que tout est devenu possible : l'aveugle qui se met à voir, le paralytique à marcher, les affamés du désert qui reçoivent du pain, la prostituée en qui se réveille une femme, cet enfant mort qui recommence à vivre.
Pour crier jusqu'au bout la bonne nouvelle il fallait que lui-même, par sa résurrection, annonce que toutes les limites, la limite suprême : la mort même, a été vaincue Tel ou tel érudit peut contester chaque fait de cette existence, mais cela ne change rien à cette certitude qui change la vie. Un brasier a été allumé. Il prouve l'étincelle ou la flambée première qui lui a donné naissance. C'était comme une nouvelle naissance de l'homme."

« Tel ou tel érudit peut contester chaque fait de cette existence » : Dieu sait s’il n’en manque pas, aujourd’hui comme en d’autres temps. Et pas seulement parmi les érudits. Mais pour moi, comme pour tout chrétien lucide, ma vie personnelle n’a aucun sens ni aucune valeur, si le Christ n’est pas ressuscité. « Si le Christ n’est pas ressuscité, nous sommes les plus malheureux des êtres », écrit saint Paul. En effet, alors, ma vie terrestre est comme enfermée, encerclée, dans cet espace étroit de quelques dizaines d’années qui débouchent sur le néant. Par contre, si, comme pour Marie de Magdala, ses autres compagnes, les disciples et des millions d’hommes qui ont fait la rencontre, Jésus est pour moi le Vivant, tout prend sens, tout devient lumineux. Il m’appelle, comme il l’a fait lui-même ; avec lui, à lutter contre les forces de mort qui ravagent notre planète. Elles sont encore nombreuses et efficaces, ces forces de mort, aujourd’hui. Violence, guerre, divisions, conflits, haine, volonté de puissance, etc., que de dégâts chaque jour ! Le Vivant nous invite, chacun de nous, à être, comme lui, avec lui, des Vivants. La vie est plus forte que la mort. Avec Jésus ; nous sommes vainqueurs de toutes les puissances mortifères.

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