Ils couraient tous les deux ensemble.

     LE SAINT JOUR DE PAQUES (B)

 

Evangile de Jésus Christ selon saint Jean 20, 1-9 

Le premier jour de la semaine, Marie Madeleine se rend au tombeau de grand matin, alors qu’il fait encore sombre. Elle voit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court donc trouver Simon-Pierre et l’autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : « On a enlevé le Seigneur de son tombeau, et nous ne savons pas où on l’a mis ». Pierre partit donc avec l’autre disciple pour se rendre au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l’autre disciples courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. En se penchant, il voit que le linceul est resté là ; cependant il n’entre pas. Simon-Pierre, qui suivait, arrive à son tour. Il entre dans le tombeau, et il regarde le linceul resté là, et le linge qui avait recouvert la tête, non pas posé avec le linceul, mais roulé à part à sa place. C’est alors qu’entra l’autre disciple, lui qui était arrivé le premier au tombeau. Il vit et il crut. Jusque là, en effet, les disciples n’avaient pas vu que, d’après l’Ecriture, il fallait que Jésus ressuscite d’entre les morts.

oOo

Pourquoi ?

Tout au long de la liturgie de ces fêtes de Pâques , nous chantons Alléluia, c’est-à-dire littéralement « Acclamons Dieu. » Mais en fait, avons-nous tant de raisons que cela de chanter Alléluia ?

Cette semaine, les Juifs célèbrent la Pâque juive. Les Arabes chrétiens célèbrent Pâques comme nous. Mais la Terre sainte est plus que jamais un foyer de violence, de division, de haine. Et hélas, ce n’est pas le seul foyer de violence, de division et de haine dans notre monde. Il y a l’Irak toujours à feu et à sang, l’Iran et une nouvelle source de menace atomique, l’intifada et tous les mouvements de guérilla dans tous les coins du monde. Les otages, l’absence de liberté dans combien de pays, et les attentats, et les goulags et les centres de torture ; Et toute la souffrance, et les divisions au sein même de nos familles et toute la maladie et toutes les peines cachées, que nous portons aujourd’hui jusque dans cette église, avec toutes nos inquiétudes pour le présent et pour l’avenir. Alors, pouvons-nous chanter sincèrement Alléluia ? Et qu’est-ce que cela veut dire : le Christ a vaincu la mort ?

Discordances

Il n’y a pas de textes plus discordants entre eux que ces textes qui, dans les quatre évangiles, relatent la Résurrection du Christ. On n’arrive pas à faire une chronologie et à voir comment cela s’est passé depuis le moment où les femmes sont arrivées au tombeau au petit matin jusqu’au jour où le Christ a quitté visiblement ses amis. On n’arrive pas à faire œuvre d’historien. Pourtant, dans ces récits discordants qui ne permettent pas une chronologie, il y a une constante, quelque chose qui revient tout au long de ces récits : les femmes, comme le petit groupe des disciples, toutes et tous ont douté. Toutes et tous ont eu peur. Marie de Magdala, elle, pleure. Tous pensent « tombeau vide » et « cadavre volé ». Marc note particulièrement que les femmes étaient tellement effrayées qu’elles se sont enfuies et n’ont rien dit à personne. On nous dit également que toute la journée de Pâques, les Apôtres sont restés enfermés par peur des Juifs.

Or il se trouve – et c’est la seule chose que l’historien d’aujourd’hui peut reconnaître – que ces hommes peureux, qui n’ont rien compris et qui furent « si lents à croire », ces hommes, quelques semaines plus tard, vont se montrer très courageux. Ils préfèreront mourir plutôt que de dire le contraire : « Ce Jésus qui était mort, Dieu l’a ressuscité. Il est- vivant. Il vit avec nous. » Que s’est-il donc passé pour transformer ainsi une poignée d’hommes et de femmes et pour faire que, malgré toutes les persécutions dont témoigne l’histoire, la Bonne Nouvelle s’est répandue rapidement dans le monde entier ?

Un peuple de croyants

Combien sont-ils à croire, au matin de Pâques ? J’en trouve un seul. C’est Jean. Il nous dit que lorsqu’il est entré dans le tombeau vide, il a cru. Un, c’est tout. Or il se trouve que trois cents ans plus tard, la majorité des habitants du monde connu a entendu parler de Jésus. Des millions d’hommes professent la même foi que celle de Jean au matin de Pâques : « Le Christ, qui était mort, est vivant. »

Cette foi, c’est la nôtre aujourd’hui .Il y a quelques jours, je lisais le témoignage d’un homme qui écrivait : « Je crois surtout parce que c’est absurde. On n’a jamais vu cela, un mort qui est vivant. Je crois que toute cette histoire, qui porte les traces d’une certaine absurdité, est profondément vraie. Si nous ne sommes pas des croyants, on ne nous fera jamais croire à cette chose impensable : l’histoire d’un homme qui est voué à l’échec et à la mort le vendredi et qui retourne la situation en trois jours. »

Voilà comment se situe le problème aujourd’hui. Nous sommes peut-être comme les apôtres qui avaient peur de dire leur foi. Ou peut-être sommes-nous de ces gens qui se demandent : « Est-ce bien vrai, tout cela ? Est-ce que ce n’est pas une belle histoire, un conte de fées ? » Ou encore sommes-nous comme les apôtres qui rêvaient d’utiliser le Christ pour cautionner leurs projets humains, qu’ils soient d’ordre politique, économique, social, ou simplement d’ordre familial. Pour cautionner aussi bien l’ordre que la révolution…

Confiance

Et voilà que la foi au Christ ressuscité va faire de nous d’autres hommes. Il suffit pour cela que nous soyons des hommes de désir, que nous soyons de ceux qui regardent vers le Christ avec confiance, de ceux qui pensent profondément que la vie ne se résume pas en une fatalité. Et que la pire des fatalités, qui est la mort, plus grave que la maladie, plus grave que la torture, plus grave que la souffrance ou que toute atteinte aux droits de l’homme, que même cette fatalité de la mort n’est pas fatale. Cela veut dire que nous devons être, que nous pouvons être, à cause de la Résurrection, des hommes d’espérance, des hommes qui ont confiance en l’avenir. Et des hommes qui aiment ce monde, avec toutes ses vicissitudes, avec tout le mal qui y règne ; des hommes qui aiment ce temps d’aujourd’hui et qui veulent y travailler avec confiance et optimisme, parce que c’est là qu’est notre destin, c’est là que se joue l’éternité du destin du monde et de notre propre destin.

Amis, vous qui êtes venus aujourd’hui dans cette église, comme je voudrais que jamais aucun de vous ne soit écrasé, abattu par le mal, même si c’est le mal le plus terrible. Que ce soit le mal de notre corps, le mal de nos sociétés, de nos civilisations, le mal de notre cœur : le péché. Qu’il y ait toujours, en chacun de nous, avec la grâce du Christ, le courage de se relever et la volonté de vaincre. Alors nous pourrons chanter en toute vérité l’Alléluia de notre reconnaissance.

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