Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit
LA SAINTE TRINITE (B)
Evangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 28, 16-20
Au temps de Pâques, les onze disciples s’en allèrent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre. Quant ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes. Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre. Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples, baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ; et apprenez-leur à garder tous les commandements que je vous ai donnés. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »
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Un certain courage
La fête de la Sainte Trinité, que nous célébrons aujourd’hui, est une fête relativement récente (elle date, je crois, du XIVe siècle). Elle célèbre, non pas un fait de la vie de Jésus (comme Noël ou Pâques), mais un dogme, c’est-à-dire une formulation de la foi commune aux chrétiens. Or ce dogme de la Trinité (Je crois en un seul Dieu en trois personnes distinctes et égales, le Père, le Fils et le Saint Esprit) a mis du temps à être formulé par l’Eglise. Ce n’est qu’au IVe siècle qu’il a été formulé. Certes, il a des fondements dans toute l’Ecriture, mais je crois qu’il a fallu à l’Eglise primitive un gros effort et un certain courage pour dire Dieu autrement que ce que le judaïsme et les religions avaient toujours affirmé : la foi en un Dieu unique. Aujourd’hui encore, l’Islam nous accuse d’être polythéistes et de croire en trois Dieux. Or, il nous faut le répéter, le rabâcher, nous croyons – c’est précisé dans le Credo - « en un seul Dieu » qui est à la fois Père, Fils et Esprit.
Vous allez peut-être me demander en quoi cela nous concerne, et penser qu’il s’agit là de querelles de théologiens coupeurs de cheveux en quatre. Or ce n’est pas le cas. Cette foi, lentement élaborée par des théologiens, est vitale pour chacun de nous : elle engage notre manière d’être hommes et chrétiens, jusque dans les détails les plus concrets de notre existence. Essayons d’y voir plus clair.
Dans tout l'Evangile
Au commencement de la vie publique de Jésus, il y a l’événement fondateur de son baptême. Et au moment de sa dernière apparition à ses disciples, il leur commande d’aller enseigner toutes les nations et de les baptiser « au nom du Père, et du Fils, et du Saint Esprit. » A son baptême, c’est la première et claire manifestation d’un Dieu Père, Fils et Esprit. Grâce à des images parlantes : les cieux s’ouvrent, nous disent les récits de l’événement ; le Père parle pour désigner Jésus comme son Fils bien-aimé, tandis que l’Esprit se manifeste sous l’apparence d’une colombe.
Tout au long de son enseignement, Jésus témoigne que Dieu est son Père et qu’ils nourrissent entre eux une relation étroite de Fils à Père. Le Père se dit tout entier dans son Verbe, et le Verbe incarné dit « Abba » - le petit mot d’amour d’un enfant à son « papa ». Il exprime ainsi tout son être de Fils. Il n’est rien d’autre. Il ne parle pas de Sainte Trinité, mais tout, dans son comportement comme dans ses propos, nous dit qui est Dieu et quelle est la relation, l’intimité qui relie le Père et son Fils, dans « ce soupir d’amour » qu’est l’Esprit. Révélation progressive, donc, d’un Dieu qui n’est en rien un vieux solitaire, mais, bien au contraire, essentiellement, société, communion, « relation », donc amour en lui-même.
Révélation progressive
Si l’Ecriture ne parle pas de « Trinité », par contre, le Père, le Fils, l’Esprit sont souvent nommés. Il est possible, historiquement, que la première mention en soit la salutation que Paul adresse aux Corinthiens quand il leur dit : « La grâce du Seigneur Jésus, l’amour de Dieu et la communion de l’Esprit soient avec vous tous. » (2 Corinthiens 13, 13). Quant à Jésus, plusieurs fois il le répète : « Le Père et moi, nous sommes un » Et à Philippe : « Philippe, qui me voit, voit le Père. » Pour ce qui est de l’Esprit, il est tellement intime à la divinité qu’il est à la fois désigné comme souffle, respiration, porteur de la Parole, ne faisant qu’un avec elle. Comme lorsque nous parlons et que nous « émettons » des mots qui sortent de notre bouche : la Parole, c’est un souffle qui, sortant de notre poitrine, fait vibrer les cordes vocales avant d’être amplifié par la bouche.
C’est à partir de cet enseignement du Christ que va s’élaborer au long des siècles le dogme de la Sainte Trinité. Oui, Dieu est Trois. Trois personnes distinctes, sans relation fusionnelle, mais dans une relation interpersonnelle étroite entre elles. Dieu, notre Dieu est essentiellement relation, échange. Je peux dire « Je » s’il y a en face de moi un « Tu », dont je me distingue. Mais il faut une tierce personne pour que tous les « Je » deviennent un « Nous. »
Tout est relation
Tout, dans l’univers, est relation, à l’image de Dieu. Les éléments divers de notre corps nous viennent du soleil, des sels minéraux, de l’eau et du feu. Et tout cela nous est donné dans la relation de notre père et de notre mère. Ce qu’il y a dans notre esprit – nos connaissances comme nos réflexions – vient de toutes les rencontres que nous faisons, aussi bien avec des personnes qu’avec des livres ou du contenu d’un disque dur. Nous n’existons que par les liens noués avec les autres. Tout ceci, certes, n’est que comparaison pour nous faire comprendre l’infini mystère de Dieu. Toute une partie de la théologie nous dit Dieu comme « l’Ineffable », c’est-à-dire, littéralement, celui dont on ne peut rien dire. Car il dépasse infiniment tout ce dont nous avons l’expérience. Nous balbutions ? Certes. Mais il nous faut continuer à balbutier.
En attendant, faisons nôtre, chaque dimanche la formule de conclusion de la Prière Eucharistique, formule trinitaire, qui donne le sens de tout le mystère chrétien : « Par lui (le Christ), avec lui et en lui, à toi, Dieu le Père tout-puissant, dans l'unité du Saint-Esprit, tout honneur et toute gloire pour les siècles des siècles. » À quoi l'assemblée répond par un vibrant Amen (en hébreu « vraiment, assurément »).