Au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas
TROISIEME DIMANCHE DE L'AVENT (B)
Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 1, 6-28.
Il y eut un homme envoyé par Dieu. Son nom était Jean. Il était venu comme témoin, pour rendre témoignage à la Lumière, afin que tous croient par lui. Cet homme n’était pas la Lumière, mais il était là pour lui rendre témoignage.
Et voici quel fut le témoignage de Jean quand les Juifs lui envoyèrent de Jérusalem des prêtres et des lévites pour lui demander : « Qui es-tu ? » Il le reconnut ouvertement, il déclara : « Je ne suis pas le Messie. » Ils lui demandèrent : « Qui es-tu donc ? Es-tu le prophète Élie ? » Il répondit : « Non - Alors, es-tu le grand prophète ? » Il répondit : « Ce n’est pas moi. » Alors ils lui dirent : « Qui es-tu ? Il faut que nous donnions une réponse à ceux qui nous ont envoyés. Que dis-tu sur toi-même ? » Il répondit : « Je suis la voix qui crie à travers le désert : « Aplanissez le chemin du Seigneur, comme a dit le prophète Isaïe. » Or, certains des envoyés étaient des pharisiens. Ils lui posèrent encore cette question : « Si tu n’es ni le Messie, ni Élie, ni le grand prophète, pourquoi baptises-tu ? » Jean leur répondit : « Moi, je baptise dans l’eau. Mais au milieu de vous se tient celui que vous ne connaissez pas : c’est lui qui vient derrière moi, et je ne suis même pas digne de défaire la courroie de sa sandale. »
Tout cela s’est passé à Béthanie de Transjordanie, à l’endroit où Jean baptisait.
oOo
Gaudete
Dans l’ancienne liturgie, ce troisième dimanche de l’Avent avait un nom. On l’appelait « Gaudete », le dimanche de la joie, à cause du chant d’entrée, tiré de la lettre de saint Paul aux Philippiens, où il demande à ses chrétiens fidèles d’être toujours dans la joie. Il serait dommage qu’on oublie cette recommandation, alors que tous les textes de l’Ecriture qui sont proposés à notre réflexion sont axés sur ce thème de la joie chrétienne.
D’abord c’est le prophète Isaïe qui « tressaille de joie » à cause de l’amour proprement conjugal que Dieu a pour lui et pour son peuple. En réponse à cette annonce du prophète, nous chantions avec Marie son Magnificat : « J’exulte de joie en Dieu mon Sauveur ». Ensuite, c’est l’apôtre Paul qui, s’adressant aux chrétiens de Thessalonique, leur recommande, comme il l’avait fait aux chrétiens de Philippe, d’être toujours dans la joie. Enfin, le passage de l’Evangile selon saint Jean nous présente Jean-Baptiste qui, répondant aux autorités religieuses qui viennent enquêter pour savoir au nom de quelle autorité il parle et baptise. Il déclare qu’il n’est qu’une voix qui annonce celui qui est « au milieu de nous ». C’est le même Jean Baptiste qui sera amené à préciser, pour ceux de ses disciples qui veulent en faire leur gourou (Jean 3, 29) qu’il n’est pas le Messie, mais simplement celui qui est envoyé devant lui, littéralement son pré-curseur : « Telle est ma joie, elle est parfaite. Il faut qu’il grandisse et que moi je diminue. »
De quoi s'agit-il ?
Il nous faut donc essayer de bien comprendre en quoi consiste cette joie qui devrait être la caractéristique du peuple chrétien, aujourd’hui, comme elle le fut dans les premiers siècles chrétiens. Oui, sans aucune nostalgie du passé, je dois tout de même regretter qu’il n’en soit plus de même que dans les premiers temps du christianisme : dans le livre des Actes des Apôtres, par exemple, il est fait mention dix fois de la joie des communautés chrétiennes. De quoi s’agit-il ?
J’ai peur d’une confusion, qui m’a frappé il y a quelques années, lors d’une réunion avec des jeunes d’une vingtaine d’années. Alors que nous en étions venus à comparer joie et bonheur, pour eux, la joie était quelque chose de passager, de fugitif, d’éphémère et de superficiel, alors que le bonheur était quelque chose de profond et de durable. Pour moi, c’était tout le contraire : seule la joie est profonde et durable. Indépendante de tous les aléas et de toutes les contradictions de l’existence. Pour moi, on peut connaître la joie même dans la maladie, la souffrance et les peines. Je ne sais pas comment vous-mêmes vous définissez joie et bonheur. Quoiqu’il en soit des appellations, ce dont parle l’Ecriture concerne ce sentiment profond et durable, plus durable que tous les « petits bonheurs » de l’existence. Ce qu’il nous faut chercher, c’est pourquoi les chrétiens peuvent être joyeux et comment ils doivent manifester leur joie dans toutes leurs conduites, individuellement et collectivement.
Pourquoi ?
D’abord, le « pourquoi ? » Pour faire court et simple, un mot : « Emmanuel », Dieu avec nous. Le mot qui court tout au long de l’Avent, le motif de notre espérance et donc de notre joie. Je replace les quelques versets d’Isaïe dans leur contexte, la troisième partie du livre, ces chapitres qui nous présentent l’Alliance sous les images d’une union matrimoniale, vêtements de fête, diadème de l’époux et bijoux de la jeune mariée. Dieu est avec nous comme un époux de son peuple. Marie, elle aussi, le chante, elle que l’ange a saluée en lui disant : « le Seigneur est avec toi ». Jean-Baptiste crie : « il est au milieu de vous, celui que vous ne connaissez pas. » Enfin Paul nous donne les raisons de la joie qui doit nous animer : «Il est fidèle, le Dieu qui vous appelle, tout cela, il l’accomplira. » Dieu avec nous. Dieu avec chacun de nous. Dieu avec notre humanité, Dieu qui prend soin de nous comme un époux prend soin de son épouse, Dieu au plus intime de nous-mêmes, comme l’Emmanuel dans le sein de Marie, le croyons-nous ?
Si tout cela est la source de notre foi, cela doit se manifester dans nos attitudes. Dans un monde triste, croire que le bonheur est possible ; dans un monde désorienté, croire qu’il y a un sens à nos chemins ; dans un monde sans projets, croire qu’il y a un avenir, dans un monde où s’expriment toutes les peurs, manifester notre assurance et notre « sérénité dans la vie ».. Et annoncer que ce bonheur, cette orientation, cet avenir ont un nom : Emmanuel. Dieu qui est, qui était et Dieu qui vient.
Comment ?
Mais concrètement, comment faire ? Et comment nous situer en témoins de la joie. Paul nous conseille de « discerner la valeur de toute chose ». Il ajoute : « ce qui est bien, gardez-le, et éloignez de vous tout ce qui porte la trace du mal. » J’entendais hier à la radio une conversation entre deux intellectuels qui convenaient que le XXe siècle avait battu des records en ce qui concerne les forces du mal, mais qu’il ne fallait pas pour autant diminuer la puissance à l’œuvre des forces du bien. Et de faire remarquer que les auteurs, les exécutants de ces forces antagonistes avaient été bien souvent des hommes ordinaires, des « hommes quelconques ». Il s’agit bien, en effet, d’un combat, dans lequel chacun de nous est engagé. En lui d’abord, mais également dans tous les lieux de vie : commune, paroisse, famille, milieu de travail. Un écrivain d’aujourd’hui se désole, dans un livre récent, du manque de conviction qui est celui de notre génération. Et il appelle chacun à manifester plus fortement, et sans craindre les contradictions, ses convictions de croyant. Un théologien regrette que notre christianisme ne soit pas plus « force de contestation » dans le monde présent ! C’est exactement cela que Paul faisait en écrivant aux chrétiens de Thessalonique, alors qu’ils étaient en butte à la haine et au mépris de leurs concitoyens. Chrétiens d’ici et d’ailleurs, je prie pour que vous entendiez ce message urgent : que toute votre vie quotidienne manifeste la joie.