Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement.
 

          19e DIMANCHE ORDINAIRE (B)

Evangile de Jésus Christ selon saint Jean 6, 41-50

 

Comme Jésus avait dit : « Moi, je suis le pain qui est descendu du ciel », les Juifs récriminaient contre lui : « Cet homme-là n’est-il pas Jésus, fils de Joseph ? Nous connaissons bien son père et sa mère. Alors, comment peut-il dire : ‘Je suis descendu du ciel’‘ ? » Jésus reprit la parole : « Ne récriminez pas entre vous. Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire vers moi, et moi, je le ressusciterai au dernier jour. Il est écrit dans les prophètes : ‘Ils seront tous instruits par Dieu lui-même’. Tout homme qui écoute les enseignements du Père vient à moi. Certes, personne n’a jamais vu le Père, sinon celui qui vient de Dieu : celui-là seul a vu le Père. Amen, amen, je vous le dis : celui qui croit en moi a la vie éternelle. Moi, je suis le pain de la vie. Au désert, vos pères ont mangé la manne, et ils sont morts ; mais ce pain-là, qui descend du ciel, celui qui en mange ne mourra pas. Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie. »

oOo

La geste d'Elie

 

Connaissez-vous la « geste d’Elie », dans l’Ancien Testament ? C’est à la fin du Premier livre des Rois, à partir du chapitre 17, que vous trouverez les aventures hautes en couleur de ce champion du Dieu unique, face à l’apostasie généralisée du peuple d’Israël. Naturellement, il est poursuivi par la haine des puissants, à commencer par la reine Jézabel. C’est pourquoi il est obligé de fuir précipitamment. Et nous le trouvons, à bout de forces, découragé, demandant à Dieu… la mort. C’est alors que l’ange du Seigneur va le réconforter, le nourrir, l’encourager à reprendre la route. Quarante jours et quarante nuits, symboles de toute vie humaine, avant de rencontrer Dieu dans le souffle d’une brise légère. Il a fallu que lui, le courageux, le fort, le vaillant combattant pour la cause de son Dieu, connaisse l’épuisement et la faiblesse extrêmes pour qu’il puisse enfin entrer dans l’intimité divine. Il croyait connaître ; il était sans doute sûr de lui et assuré de la légitimité de son combat. En réalité, il ne connaissait pas. Il lui fallait d’abord « être instruit par Dieu lui-même ». Et pour cela, être débarrassé de toutes ses certitudes trop humaines, alors même qu’il était assuré de « combattre le bon combat ».

Rencontrer Dieu ?

Une phrase de notre passage d’évangile de ce dimanche m’incite à réfléchir sur cette aspiration qui est la mienne, qui est certainement aussi la vôtre : comment rencontrer Dieu. Jésus affirme que « personne n’a jamais vu le Père, sinon celui qui vient de Dieu : celui-là seul a vu le Père. » Jean l’évangéliste qui nous rapporte cette parole de Jésus lors de la controverse qui l’oppose aux Juifs après l’épisode du partage des cinq pains et des deux poissons pour une foule considérable a sans doute été très frappé par cette affirmation du Maître, puisqu’il la reprend presque textuellement à la fin du Prologue de son évangile : « Dieu, personne ne l’a jamais vu ; mais lui, le Fils unique, nous l’a fait connaître. » Donc, en toute bonne logique, pour connaître Dieu, il faut s’adresser à Jésus, qui se présente comme son propre Fils. Ce qui n’a pas manqué de choquer profondément ses interlocuteurs de Capharnaüm. Premièrement parce qu’ils pensaient connaître Dieu, le servir fidèlement, n’adorer que lui seul, comme de bons Juifs qu’ils étaient. Et deuxièmement parce qu’il leur était impensable d’imaginer Dieu ayant un fils, et un fils en la personne de cet homme originaire du village voisin de Nazareth, dont ils connaissaient l’ascendance, son père et sa mère notamment.

Or voilà que Jésus va s’efforcer de bousculer leurs certitudes, de déranger ce qui fait le fondement même de leur foi religieuse au Dieu unique. Il prétend être descendu du ciel, c’est le Père qui l’a envoyé, et c’est le Père qui attire vers son Fils les gens qui veulent bien croire en lui. Discours difficilement compréhensible et, de surcroît, inacceptable pour celles et ceux qui s’efforcent de bien pratiquer leur foi au Dieu Unique, en une époque où cette foi était menacée par l’invasion de croyances diverses en des divinités multiples, importées de Rome, de Grèce ou de l’Orient. Comment croire ce Jésus ce compatriote dont on pense tout connaître, lorsqu’il se  présente comme Fils de Dieu, pain vivant descendu du ciel, celui qui seul a vu Dieu ?

Instruits par Dieu lui-même

Jésus ne donne pas d’explications rationnelles ; il se contente d’affirmer, de marteler les mêmes affirmations : si vous voulez être « tous instruits par Dieu lui-même », il vous faut l’écouter, et il vous attirera vers moi. Ce qui nécessitera une réelle conversion. Il faudra passer des certitudes les plus ancrées à une totale humilité. Je reviens à l’expérience du prophète Elie. Il croyait certainement être le héraut de Jahvé, le champion du Dieu unique, et certes, il l’était. Mais ce n’était pas suffisant pour qu’il puisse « voir Dieu » et entrer dans son intimité. Il lui fallait passer par l’épreuve, le découragement le plus total, jusqu’à demander à ce  Dieu qu’il croyait connaître de lui donner la mort (alors que Dieu est le Dieu de la Vie ! ) C’est alors seulement que, nourri du « pain des anges » il pourra reprendre la longue marche jusqu’à la montagne de la Rencontre.

Je crois qu’il en est de même pour nous. Bien souvent, nous vivons, ancrés dans nos certitudes, nos manières de voir et de juger, assurés de posséder la vérité. Ce n’est pas ainsi que nous pourrons rencontrer Dieu. Si nous persistions dans cette attitude, nous serions comme les interlocuteurs de Jésus qui croyaient tout savoir de lui, et donc, étaient fermés à la nouveauté radicale de son message. Mais peut-être nos certitudes sont plutôt de façade, et, dans la conjoncture actuelle, sont en train de se lézarder. Cela arrive dans toutes nos vies et nous n’avons pas à nous en épouvanter. C’est alors que nous sommes en train de récriminer et de constater que nous n’avons plus confiance en nous que Dieu commence à agir. Aujourd’hui même si nous le voulons.

Alors, nourris du « pain des forts », nous reprendrons notre marche. Assurés que nous pouvons être de marcher vers la Montagne, où nous le verrons enfin tel qu’il est, « dans une brise légère », qui est son souffle frais et réconfortant pour une vie éternelle.

 

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