Je donne ma vie pour mes brebis.

 Le vrai berger

 

J

ésus disait aux Juifs : « Je suis le bon pasteur (le vrai berger). Le vrai berger donne sa vie pour ses brebis. Le berger mercenaire, lui, n’est pas le pasteur, car les brebis ne lui appartiennent pas : s’il voit venir le loup, il abandonne les brebis et s’enfuit ; le loup s’en empare et les disperse. Ce berger n’est qu’un mercenaire et les brebis ne comptent pas vraiment pour lui. Moi, je suis le bon pasteur ; je connais mes brebis et mes brebis me connaissent, comme le Père me connaît et que je connais le Père ; et je donne ma vie pour mes brebis.

            J’ai encore d’autres brebis, qui ne sont pas de cette bergerie : celles-là aussi, il faut que je les conduise. Elles écouteront ma voix : il y aura un seul troupeau et un seul pasteur. Le Père m’aime parce que je donne ma vie, pour la reprendre ensuite. Personne n’a pu me l’enlever : je la donne de moi-même. J’ai le pouvoir de la donner, et le pouvoir de la reprendre : voilà le commandement que j’ai reçu de mon Père. »

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 10, 11-18.

QUATRIÈME DIMANCHE DE PÂQUES (B)

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Berger ?

            Dans notre civilisation industrielle, je pense que cette image qu’emploie Jésus pour nous dire les rapports qu’il veut instaurer entre lui et nous, l’image du berger, est loin d’être parlante. Elle peut même être négative, si l’on pense au peuple de Dieu comme à un troupeau de moutons. Or Jésus, dans ce passage d’Évangile, ne parle pas du troupeau. Il ne parle que du berger. Par cinq fois, il répète qu’il est un bon berger et qu’il donne sa vie pour ses brebis. Essayons donc de situer cette image de Jésus Berger dans le contexte de notre monde d’aujourd’hui. Elle est indispensable pour nous faire comprendre quel type de relations le chrétien doit entretenir avec le Christ… et avec les gouvernants de ce monde.

Führer, Duce...

            J’ai connu dans mon enfance et dans ma jeunesse ce que les livres d’histoire appellent « la montée des totalitarismes », après la première guerre mondiale. Essentiellement, des hommes se sont présentés, au nom d’idéologies totalitaires, comme les guides (en allemand « Führer », en italien « Duce », en espagnol « Caudillo », plus tard en roumain « Conducator »), comme les conducteurs, les bergers des peuples dont ils venaient de prendre le commandement. J’ai assisté à la même époque à la montée en puissance du « génial petit père des peuples » en ex-URSS. Tous ces hommes exigeaient de la part de leur peuple une confiance totale, une obéissance aveugle, grâce à laquelle ils promettaient de les conduire vers un avenir de bonheur.

            Or il se trouve que ces pays étaient des pays chrétiens. Des pays où toute la culture, depuis des siècles, était imprégnée de christianisme. Comment se fait-il qu’en masse, ces peuples ont « marché » ? Comment se fait-il que des peuples chrétiens, qui avaient lu, entendu des centaines de fois Jésus se présenter comme l’unique « berger », aient pu adhérer en masse à ces idéologies totalitaires ? Dieu merci, ; pour l’honneur des Églises, il y a eu des hommes, des femmes, des jeunes chrétiens qui, dès le premier jour, ont dit non. Mais ils ne furent qu’une infime minorité. La foi chrétienne n’était pas suffisamment « imprégnante » pour que ces peuples refusent collectivement l’aventure à laquelle des hommes, soi-disant providentiels, les invitaient.

            J’ai connu, nous avons connu, après la deuxième guerre mondiale, la tentation d’adhérer à l’idéologie marxiste. C’était une explication tellement simple (je dirais aujourd’hui simpliste) de ce qui se passait sous nos yeux ; c’était un moyen tellement efficace de changer la société, de réduire l’injustice, de marcher collectivement vers des « lendemains qui chantent » !

Aujourd'hui

            Aujourd’hui les sociologues constatent, sinon la mort, du moins le déclin des idéologies totalitaires et pensent qu’il y a davantage une « perte du sens », comme si les hommes étaient un peu affolés et se demandaient où donner de la tête. Qu’est-ce qui peut donner sens à la vie ? Où allons-nous, et par quels chemins ? Mais demain ? Sommes-nous prémunis contre toute renaissance d’une idéologie totalitaire ?

            Aujourd’hui Jésus nous répète : « Tous ceux-là, ça ne vaut rien. Il n’y a que moi qui puisse être votre berger, c’est-à-dire celui qui rassemble, celui qui conduit, celui qui guérit, celui qui aime son peuple jusqu’à sacrifier sa vie pour lui. » Le croyons-nous ? Si oui, nous serons prémunis contre toute aventure où il faudrait donner sa confiance à un homme. Parce que chrétiens, nous ne « marcherons » pas.

            Encore faut-il que nous prenions les moyens pour instaurer entre Jésus et nous une véritable relation personnelle, et pour mettre en lui, et en lui seul, notre confiance, pour aujourd’hui et pour demain. Quels sont ces moyens ?

            En premier lieu, l’écoute de la Parole. Il s’adresse à nous, saurons-nous l’écouter ? Chaque dimanche, chaque jour, si nous le voulons. Il nous parle. Faisons-nous de l’écoute de sa Parole une priorité ?

            En second lieu, il s’agit de faire nôtre cette parole, de la digérer, d’en faire notre nourriture. Ainsi nous pourrons progressivement apprendre à marcher avec lui. D’où nécessité de la prière, d’une prière où nous remâcherons sa parole pour la faire nôtre.

            En troisième lieu, l’Eucharistie, pour nous nourrir de son corps et de son sang, c’est-à-dire de sa propre vie, pour devenir celui que nous avons reçu.

            Autrefois, on pouvait, à la rigueur, se contenter d’une foi « sociologique », portée par tout un contexte religieux. Mais aujourd’hui, dans une société dont la culture élimine, progressivement, doucement, toute référence religieuse, cela n’est plus possible. Notre foi de chrétiens, c’est-à-dire la confiance absolue que nous mettons en Jésus-Berger, cette foi doit se vivre dans toute notre vie : familiale, professionnelle, civique… On demande des actes, pas des théories. Être chrétien, cela doit se voir. Il y a des refus nécessaires, en politique, en économie, dans les relations sociales. Il y a des gestes nécessaires, des actes à poser, significatifs de notre volonté d’adhérer au seul Sauveur, Jésus Christ, qui nous demande de travailler avec lui au salut du monde. On demande des chrétiens. Pourrons-nous dire en vérité : « J’adhère à Jésus Christ » ? Il est l’unique chemin.

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